Quelle que soit l'obédience, il y a une cérémonie d'initiation (avec un i minuscule) qui n'est pas forcément cette "Initiation" (avec un I majuscule) à laquelle aspire tout franc-maçon et qui a comme finalité une absence totale de sectarisme, une large tolérance, qui ne soient nullement une faiblesse ou un abandon, un désir d'action qui se traduise autrement que par la déclaration : "la Maçonnerie a un rôle à jouer" (sans qu'on sache si c'est un rôle tragique, comique, ou d' "oseille", dans "l'ample comédie de la vie".
Il est inutile ici de s'étendre sur cette
cérémonie d'initiation décrite abondamment dans de multiples publications qui se recopient les unes les autres, mais dont le sens profond doit être médité. Les détails
diffèrent selon les rites. Comme le montre ce propos que le Vénérable adressait au nouvel apprenti, en 1887, à la fin de la cérémonie de réception au premier degré, ils ont également évolué
au cours du temps :
"Frère nouvellement initié, les formes que nous venons d'employer pour
votre initiation diffèrent notablement de celles dont nous usions jadis et que vous pourrez encore voir employer dans certaines loges de France ou des pays étrangers. L'initiation se faisait fort
simplement dans les loges françaises au dix-huitième siècle. On l'a beaucoup compliquée, au commencement du dix-neuvième, en y mêlant des particularités que l'on croyait empruntées aux
initiations de l'ancienne Egypte. On cherchait à éprouver le courage du récipiendaire par des moyens terrifiants.
On simulait la quadruple purification par les quatre éléments des anciens, c'est-à-dire par la terre, l'air, l'eau et le feu. Le récipiendaire était à moitié dévêtu. Parfois, il était introduit
dans le temple, couché dans un cercueil, parfois, on le faisait passer au travers d'un diaphragme en papier, pour symboliser son passage à une vie nouvelle. Dans le temple, il entendait des
clameurs sourdes, des chocs violents, des bruits imitant la grêle et le tonnerre, des cliquetis d'épées. Il rencontrait des obstacles sous ses pieds. Il était précipité d'un lieu élevé, mais
retenu par des mains secourables. On lui trempait les mains dans l'eau, quelquefois le bras jusqu'au coude. On lui faisait vider un calice d'amertume. On le faisait passer au milieu des flammes.
On lui demandait de se soumettre à l'application d'un fer rouge. On réclamait de lui une obligation écrite et signée de son sang. Parfois, on le soumettait à des épreuves plus pénibles encore et
plus effrayantes.
Vous ne devrez donc pas vous étonner, s'il vous arrive de vous trouver en présence de quelque pratique de ce genre. Vous n'en serez pas troublé, non plus, sachant que le progrès est lent et que
l'évolution humaine est complexe". - Rituel de réception au premier degré du Grand Orient De France de 1887.
Cent vingt ans plus tard, on constate combien ce propos reste d'une étonnante actualité …
D'abord, le silence, moyen parfait, puisqu'il ne donne que le désir. Ainsi commence de s'établir l'ordre, l'harmonie, la paix intérieure, l'attente, l'attention, la parfaite réserve. Grâce à ce silence auquel nous sommes contraints, la moindre bonne volonté, le moindre bon mouvement de notre part, sont tournés à notre profit. Si loin que nous soyons de la parfaite connaissance, abandonnons-nous un moment à ce silence, profitons-en l'éclair d'un instant pour descendre en nous-mêmes.
Ensuite, l'accord, qui est le signe le plus ancien du vrai et le premier de tous. Lorsque les hommes reconnaissent les signes et s'accordent sur les signes, ils goûtent quelque chose du bonheur de penser. Ne leur demandez pas à quoi ils pensent ni sur quoi ils s'accordent. Car puisqu'il faut d'abord apprendre les signes, chacun commence par s'accorder aux autres de tout son corps et par répéter ce que les autres signifient, jusqu'à ce qu'ils les imitent bien. Et selon la nature, imiter un signe, ce n'est rien d'autre que le comprendre.
Mais surtout, ma sœur, mon frère, sache que tu ne communiques vraiment qu'à travers le cérémonial. Car si tu es distrait pour écouter cette musique et pour considérer ce Temple, il ne naîtra rien en toi. C'est pourquoi il n'y a pas d'autre moyen de t'expliquer la vie à laquelle tu es convié, que de t'y engager par le cérémonial. Comment t'expliquerai-je cette musique quand l'entendre ne te suffit pas? Si tu n'es point préparé pour t'en faire combler, te voilà refusé. Te voilà, assis sur ton seuil, avec en arrière ta porte close, totalement séparé d'un monde qui n'est plus qu'objets vides.
Car tu ne communiques point avec les objets, mais avec les nœuds qui les nouent. D'où l'importance du cérémonial. Car il s'agit en fait de te sauver de tout détruire, quand tu es assis sur le seuil à la porte de chez toi.
Maj 19 10 09