1 - Aspects du
mythe
Aujourd'hui, tout le monde, ou peu s'en faut, s'intéresse aux mythes. Pourtant la notion de mythe est loin d'être
élucidée de même que la question sur le sens et la signification des mythes. Deux thèses principales s'affrontent. Pour la
première, la vérité des mythes n'est qu'un effet de signification. Pour la seconde, le mythe dît quelque chose à quelqu'un sur
quelque chose.
Le passage du mythos au logos, du discours imagé au discours raisonné, du discours mythique au discours conceptuel, témoigne pour les deux théories, sans toutefois les départager réellement.
Pourquoi croit-on aux mythes? Probablement pour trois raisons principales.
Tout d'abord, parce que s'ils semblent absurdes au plan rationnel, les mythes dissimulent, sous le
voile du fantastique, des vérités profondes. Ensuite, parce qu'il n'est pas rare que les mythes se fondent sur des faits ou des événements historiques réels, déformés par l'imagination populaire
ou par nécessité. Enfin, comme le souligne Julien Gracq, dans la préface du Roi Pêcheur, parce qu'on ne nous laisse plus ignorer aujourd'hui que ce dont il est question dans les mythes, c'est
essentiellement de notre époque avant toute autre.
L'Age d'Or
Moment mythique de l'humanité, décrit comme étant celui de l'abondance, de la concorde et de la paix, le thème de l'Age d'Or fournit la trame de nombreux mythes et utopies et on peut le retrouver
pratiquement dans toutes tes civilisations. Dans l'antiquité, l'Age d'Or est un mythe lié au temps cyclique. Les révolutions des
astres et leur retour régulier suggèrent une succession d'âges dont Hésiode a été le premier témoin. L'Age d'Or est synonyme de liberté, de vie facile, de paix et de longévité.
Mais la littérature présente également une autre vision de l'Age d'Or, celle d'un paradis pour plus tard qui caractérise l'utopie. Celle-ci n'est plus liée à un temps cyclique, mais à un temps ouvert sur un avenir linéaire, infini dans son déroulement et aboutissant à un autre monde. A moins que la
machine n'écrase l'homme ou que ta science ne le conditionne dès l'œuf et que l'Age d'Or, définitivement perdu, ne devienne alors mémoire interdite.
Platon et le mythe du politique
Au huitième siècle avant notre ère, Hésiode raconte dans l'un de ses mythes, la succession des diverses races d'hommes qui sont apparues
sur la terre. Les cinq races qu'il énumère semblent s'ordonner d'après une échelle de valeurs représentée par des métaux (or, argent, bronze, fer). Seule, la race des Héros, qui précède la race
de fer des hommes d'aujourd'hui, ne correspond à aucun métal.
Platon reprendra, dans le Mythe du Politique, cette vision cyclique de l'histoire. Mais le mouvement
cyclique n'est plus continu et la mécanique s'efface alors devant la croyance. Tantôt le dieu guide la marche de l'univers, tantôt il l'abandonne à son propre mouvement. Lorsque l'univers suit la
marche divine, c'est l'époque des "fils de la terre", celle du rajeunissement continuel. Lorsque l'univers rétrograde, c'est le cycle que nous connaissons actuellement, celui de la dégradation
progressive.
Monde guidé, monde abandonné, temps de Cronos, temps de Zeus,
âge d'or idyllique, âge de conflits et de malheurs, tout se passe comme si l'humanité devait osciller entre deux pôles, chaque fois pour le meilleur ou pour le pire, selon qu'elle est dirigée ou
non par la divinité. Mais il existe sans doute une autre lecture du mythe, A supposer que la " divinité-pilote " se confonde avec la rationalité, tout peut s'éclairer autrement.
Car l'œuvre de Platon ne nous le laisse pas ignorer que tout va à vau-l'eau quand la raison nous lâche. Dans le contexte du mythe, le politique retrouve sa place. Il sera un soigneur d'hommes plus qu'un pasteur d'hommes. Mais il lui revient, par la vertu d'une raison efficace, au service du gouvernement,
d'enrayer les progrès du mal et de freiner la décadence. Ainsi, au pessimisme de la Philosophie de l'Histoire, répond et fait échec la foi platonicienne dans la Rationalité au service du
Bien.
La perception cyclique de l'histoire
L'éternel retour est un mythe fondamental qui, comme l'a montré Mircéa Eliade - voir les deux liens
- contamine de nombreux autres mythes et fonde de nombreux rites. L'éternel retour est figuré par un cercle. Il représente le mouvement, la roue qui tourne. Et cette image suggère une
représentation métahistorique de l'histoire, une sorte de philosophie sacrée de l'histoire.
La théorie des âges, popularisée en France par René Guénon, - voir les trois liens - prétend qu'il y aurait eu un âge d'or, puis un âge d'argent, puis un âge d'airain et enfin un âge de fer. Cette
progression serait une régression, une dégénérescence. Mais parvenue à un point avancé, ce "pourrissement" générerait un retour à l'âge d'or. La vision cyclique de l'histoire permet d'imaginer
une méta-histoire où le passé cesse d'être irréparable, car ce qui a été peut être revécu. Il reste donc toujours une autre chance et le monde peut se ré-enchanter.
Le New Age et l'historicisme
Selon le New Age, l'humanité s'apprête à entrer dans une nouvelle phase de son histoire, l'Age du Verseau, qui
durera 2.146 ans. Cette mutation astrologique est au coeur de la philosophie du New-Age. Les astrologues, qui ont mis en parallèle les phases de la précession des équinoxes avec l'évolution des
civilisations humaines, ont été suivis par le New Age. Le résultat est une forme de discours assez singulier que l'on pourrait appeler "astro-histoire".
Le principe de l'astro-histoire est que les grands stades de l'évolution humaine correspondent aux grandes années astrologiques. Toute l'évolution historique est rythmée par une horloge cosmique
battant à ta cadence de 2.146 ans. De plus chacune des ères zodiacales possède des propriétés morales spécifiques (individualisme, agressivité, harmonie).
La critique du philosophe Karl Popper récuse, au nom de la logique, toute forme de philosophie de l'histoire invoquant des lois macro-historiques. Selon Popper, on ne peut présenter le devenir
humain comme entraîné par des forces supra-individuelles dont les hommes seraient les esclaves. Une histoire théorique, équivalente à la physique théorique, sur laquelle se fonderait une
prédiction historique est donc impossible, ce qui invalide le projet même de
l'astro-histoire.
Maj 12 12 09 *