Au lieu d'affirmer les Droits de l'Homme au travers des individus, nous avons laissé s'introduire insensiblement, dans notre pratique, une morale du collectif qui, négligeant l'Homme, ne considère plus que les droits d'une minorité. Et nous avons laissé glisser notre humanisme qui repose sur l'Homme, vers cette termitière qui ne repose plus que sur la somme des individus. Nous avons ainsi perdu l'Homme et vidé de sa substance notre humanisme lui-même, puisque notre vécu de la fraternité dégénère si souvent en une démarche inacceptable. Je pense que nous sommes entrain de tout gâcher, de dilapider l'héritage. Car nous confondons notre temple avec la somme de ses pierres. Nous exigeons de chacun qu'il ne lèse pas l'autre, de chaque pierre qu'elle ne lèse pas l'autre pierre. Et certes, elles ne se lèsent pas quand elles sont en vrac dans un champ. Mais elles lèsent le temple qu'elles eussent fondé et qui eut fondé, en retour, leur propre signification. Je suis las des polémiques, des exclusives et des combinaisons de clans. J'ai besoin d'une amitié comme d'un sommet où l'on respire. J'ai soif d'un compagnon qui, au delà des litiges de la raison, respecte en moi le pèlerin de ce feu là.
"Et si je diffère de toi, mon frère, loin de te léser, je t'enrichis" ...
Mais lorsque celui qui a connu cette altitude des relations, cette loyauté et ce don mutuel qui engagent la vie, compare cette expansion qui lui fut permise à la médiocrité du démagogue qui exprime sa fraternité par de grandes claques sur les épaules, ou bien qui flatte l'individu en méprisant l'homme, celui là, si vous pensiez devoir le blâmer, n'éprouverait à votre égard qu'une pitié un peu méprisante. Et il aurait raison ...
Eusthènes, 22 octobre 2010