Très justement, le travail maçonnique comprend dans l'année quelques tenues au cours desquelles se manifeste un rituel, c'est à dire l'expression d'un vécu collectif qui a pour fondement et pour finalité, l'exercice toujours difficile de la démocratie et de la fraternité. Tenues d'exception, d'élections, d'installation, Banquet d'Ordre, rapport moral, rapport d'activité, rythment ainsi notre cheminement, offrant à chaque fois pour l'Atelier l'occasion d'une réflexion sur le but que nous nous sommes fixé : l'amélioration de l'homme et de la société. Dans cette voie, aucun effort ne peut, ni ne doit être négligé pour que soit respectée et enrichie notre pratique maçonnique.
Un certain jour, nous sommes entrés en maçonnerie, sans trop savoir exactement pourquoi, et nous nous sommes mis en marche. Ne sommes-nous pas aujourd'hui pris au piège d'une structure qui, par la qualité de ses réflexions et le mirage d'une tradition symbolique, nous immobilise en nous dérobant du temps que nous pourrions consacrer plus efficacement dans la vie profane, à des formes d'action adaptées à nos convictions ? Et nos actes sont-ils réellement en harmonie avec nos discours ? Bien sur, la mauvaise extériorisation et la cotisation élevée sont des obstacles réels à l'engagement maçonnique de très nombreux profanes. Des maçons sans tablier s'agitent sur les antennes et écrivent dans une certaine presse. Mais interrogeons-nous aussi sur notre propre action.
Si nous voulions maintenir le monde tel qu'il est, nous pourrions nous dispenser de venir en loge. Mais notre but est de le transformer. Alors, en perdant l'illusion d'une ascension facile, il s'agit donc de poursuivre notre chemin en mettant nos actes en harmonie avec nos discours et de nous y tenir avec optimisme, honnêteté et rigueur. En un mot, vivre en maçon. Pour y parvenir, l'initiation nous fournit une méthode dont l'efficacité est proportionnelle au travail accompli dans une fraternité vécue. Les francs-maçons viennent tous d'horizons très différents et forment cependant des loges unies. Mais le degré initiatique de chaque loge se situera au niveau où chaque franc-maçon le portera. Car à quoi bon travailler ensemble si nos blocages sont ceux du monde profane ?
La franc-maçonnerie dispose d'une autorité morale acquise au cours de son histoire. Cette autorité devrait sans doute peser davantage sur une société où l'injustice sociale se nourrit du plus grand gaspillage, l'un comme l'autre institutionnalisés. L'image que nous devons donner de la maçonnerie ne peut être celle d'une sorte de conservatoire d'un humanisme édulcoré, car nous avons la certitude qu'elle détient une part des raisons que les hommes et les femmes d'aujourd'hui ont d'espérer. C'est cette image-là que nous devons porter à l'extérieur et pour cela, dans le contexte profane et maçonnique, accorder nos actions avec les principes de notre Ordre, en gardant à l'esprit, qu'un homme ou une femme ne sont pas ce qu'ils disent, mais qu'ils sont ce qu'ils font.
Eusthènes, 16 juin 2010