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1 janvier 2016 5 01 /01 /janvier /2016 10:42

Bienvenue sur le blog Propos maçonniques

          Ce blog est dédié aux frères et soeurs, orphelins d'un projet maçonnique exigeant et cohérent,    pour des lendemains à repenser, à rebâtir, à rêver...

 

On ne répand pas les idées, on les donne à choisir

 

La situation des apôtres me paraît assez claire … Je ne crois point qu'ils disaient ou savaient tout le vrai ; et eux-mêmes pouvaient bien sentir que ce qu'ils pensaient était encore misérablement confus, incomplet, incohérent. Mais ils avaient reçu le coup terrible ; ils avaient entrevu que rien ne tiendrait contre le vrai, quel que fut le vrai ; ils avaient aperçu la somme de pensées agréables qu'ils leur faudrait peut-être abandonner. Peut-être ce grand doute les dépouillait déjà !

 

Remettre tout en question. C'est se démettre de toute préfecture. C'est se soumettre à toute vérité mendiante … Ainsi les apôtres, soudain frappés de pensée, s'en allèrent mendiants. Ils manquaient d'expérience ; et la grande lumière n'éclairait plus rien. Il y a une vérité de l'ordre, une vérité des pouvoirs, un ajustement, une obéissance ; mais sans aucun tyran. C'est à chercher et à trouver.

Telles sont les pénibles suites de cette première imprudence, penser ...

 

Alain - Octobre 1930 - Propos - Gallimard - Bibliothèque de la Pléiade (Tome 1 - p. 969)

 

Eusthènes 25 février 2008

 

Le blog "Propos maçonniques" troispoints.info est un service en ligne de communication au public. Il est édité à titre non professionnel au sens de l’article 6 , III, 2° de la loi 2004-575 du 21 juin 2004. Conformément aux dispositions de cet article, son éditeur a choisi de rester anonyme. Conformément à la loi, mes éléments d’identification personnelle ont été communiqués au service OverBlog et à la société JFG NETWORKSD'une façon générale, vous pouvez visiter ce blog sur Internet sans avoir à décliner votre identité ni à fournir d'informations personnelles vous concernant. En cas de réclamation sur le contenu de ce blog, je vous propose de m’adresser un courrier électronique à :

Conditions d'utilisation

 

Depuis le 25 février 2008, 330.712 visiteurs uniques,

venant de 148 pays, ont consulté 644.003 pages de ce blog

Remerciements à Clément, pour l'aide apportée à sa réalisation.

Blog "Propos maçonniques" crée en février 2008 - Nom d'auteur et tous droits réservés

Copyright © 2008 Blog "Propos maçonniques

                             Les outils du Franc-maçon - Temple maçonnique de Chinon

Les outils du Franc-maçon - Temple maçonnique de Chinon

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10 décembre 2013 2 10 /12 /décembre /2013 15:15

A PROPOS DE CE BLOG ...

  • L'idée de proposer sur un blog des textes d'inspiration maçonnique est venue en février 2008. Ainsi pourraient s'exprimer librement sur le Net des propos, n'engageant que la responsabilité de leurs auteurs, sur la laïcité, la morale, puis sur des repères historiques concernant la Franc-Maçonnerie, la légende d'Hiram et sa suite, la fraternité maçonnique. Mais devant l'intérêt manifesté par les internautes, nous avons envisagé de mettre en ligne des propos plus engagés.

  • Il nous a été demandé pourquoi nous ne diffusions pas de commentaires sur notre Blog. Nous répondons individuellement, à tous les commentaires qui nous sont adressés, mais nous ne voulons pas ouvrir ni entretenir un débat public sur la Franc-Maçonnerie sur les réseaux de l'Internet. Nous n'en avons ni l'intention, ni le droit. Nous savons qu'on ne répand pas les idées mais qu'on les donne à choisir. Nous les proposons simplement à la réflexion de tous, chacun restant responsable de ses objectifs et des moyens qu'il choisit d'utiliser pour les atteindre.
  •  
  • Ce recueil de propos est une réflexion sur le sens et l'esprit de notre Ordre. Une de plus ... Comme si tout n'avait pas été dit et écrit depuis qu'il existe des exégètes de la Franc-Maçonnerie et du symbolisme, qui se copient et se recopient sans cesse les uns les autres. Précisément, nous ne voulons pas recopier nos illustres devanciers, non par goût du paradoxal et du nouveau, mais simplement parce nous sommes Francs-Maçons. Et qu'un Franc-Maçon n'est pas celui qui sait, il est celui qui cherche, qui remet en question les certitudes anciennes, les vieilles démonstrations et qui révise, quand il le faut, les vieux procès.
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  • On ne récrira plus les causeries initiatiques de Plantagenet ou d'Oswald Wirth. Non parce qu'elles ont atteint l'absolu de la perfection, mais parce qu'elles sont les filles de leur temps. "Philosophie, fille du temps" ... Chaque époque se fabrique mentalement son univers, avec tout ce qui la distingue des époques précédentes. Il y a aussi les dons qui varient, les qualités de l'esprit et les méthodes intellectuelles. Il y a surtout les centres d'intérêt. Mais l'homme a besoin de stabilité. Il trouve une telle douceur dans la stabilité que, même clairvoyant, il ferme les yeux à la réalité et ne regarde souvent que vers le passé.
  • Ce Blog est un Blog collectif. Chacun de ses auteurs y apporte la richesse, la tonalité et la complémentarité de sa sensibilité, de son vécu personnel et de son itinéraire maçonnique. Ces propos, aux sujets divers et inégaux, ne sont donc pas nés d'une vue théorique ou de convictions à priori. Ils veulent être un acte de foi dans les destins du libre esprit ainsi qu'une affirmation de cette volonté de comprendre et de faire comprendre par quoi la Franc-Maçonnerie aime se définir.
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  • Mis en ligne à la fin du mois de février 2008, ce blog n'est donc ni une "machine à sous", ni une "chronique de la ruelle". Il n'est le produit d'aucune "moulinette obédientielle". A ce jour, il a été consulté plus de 401.127 fois par plus de 172.426 visiteurs uniques depuis plus de 157 Pays Etats ou Territoire et certains articles sonttraduits en Espagnol sur le Blog d'un Frère Argentin La Imprenta de Benjamin .
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  • L'objectif de ce blog reste le même que celui qui a été indiqué le premier jour :
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  • "Puissent ces quelques propos, témoigner de la permanence de la recherche d'une vérité fuyante et incertaine, accaparée par ceux, qui prétendant la détenir, voudraient l'imposer, même par la tyrannie. Ce blog n'engage que ses auteurs. Il est dédié aux frères et sœurs, orphelins d'un projet maçonnique exigeant et cohérent, pour des lendemains à repenser, à rebâtir, à rêver".
  • Dans l'actualité maçonnique, qui révèle l'impérieuse nécessité de cet objectif, votre intérêt pour ce blog est un encouragement dont nous vous remercions très sincèrement.
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  • Eusthènes, 20 mars 2010
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24 décembre 2011 6 24 /12 /décembre /2011 05:00

Si l'on y croyait, à cette belle fête de Noël, au lieu de s'échapper dans les nuages théologiques, alors se développerait le culte de l'enfant. Alors les rois mages apporteraient leurs offrandes; non point des canons mais des livres, non point des casernes, mais des écoles. Car les enfants sont notre espérance. Nous autres de la guerre nous avons dû laisser toute espérance; et pourquoi ? Parce que nos vieillards nous ont conduits d'erreurs en erreurs, enivrés qu'ils furent de gloire sans risque. Mais aussi nous étions pris de court, occupés à faire tenir nos vieilles idées avec les nouvelles. Cependant les enfants naissent tout neufs. Ce sont des enfants de l'âge de pierre.

Ni la radio, ni le cinéma, ni la mitrailleuse, ni la loterie, ni le franc-papier n'ont changé un atome de leur précieuse albumine, ni de leurs sens fluides, ni de leur phosphore à penser. Ils ouvrent les mêmes yeux dans leur cinquième étage, qu'ils ouvraient sur les cavernes; sans la moindre buée de civilisation, sans le moindre préjugé, soyez-en sûrs. Ce sont de petits dieux, auxquels les mères font leur prière. "Ne t'occupe point, disent-elles, de l'ascenseur, ni du métro, ni de la boîte qui parle; occupe-toi seulement d'être un homme, de pouvoir ce que peut un homme, d'oser ce qu'il ose, et de penser selon ton équilibre propre. A quoi t'aideront quelques douzaines d'hommes-modèles, qui sont l'honneur de tout homme et sa vraie patrie. Homère, Shakespeare, Molière, Gœthe, Hugo, aussi bien qu'Archimède, Kepler, Descartes et Newton, te prouveront que tous les hommes sont frères; car eux-mêmes ne forment qu'un grand pays. Écoute-les, et n'écoute personne d'autre; car, avec grand souci du mieux, nous ne disons que bêtises aussitôt démenties. Nous allons te bâtir de grandes écoles, où les grands hommes pourront tenir; et c'est en leur compagnie que tu prendras toute la civilisation qui en vaut la peine, sans cesser d'être un barbare tout ingénu. Après quoi tu nous feras peur un peu, et bien plus encore aux vieillards à la barbe bouclée. Car les erreurs dans lesquelles nous sommes enlisés jusqu'aux genoux, tu n'en auras pas même l'idée, n'ayant fréquenté jusqu'à tes dix ans que les hommes éternels." Tel est le chant de Noël. Tel est le chant des berceaux.

Or, voyez comment les Caïphe et les Pilate regardent du côté des berceaux. Déjà ils font retentir le chant de guerre; déjà ils lancent par toutes les boîtes qui parlent les horribles lieux communs qui annoncent tous les maux et, bien mieux, qui les glorifient. Les Sorbonnes, les Églises, les Temples, les synagogues, préparent leurs syllogismes, non moins meurtriers que les canons. Les Maréchaux offrent un petit sabre, avec la promesse d'un galon de fil et d'une jambe en acajou. Je ne vois qu'une ressource; je la vois en quelques milliers d'instituteurs, injuriés tous les jours par Pilate et Caïphe, et qui n'y font pas même attention, soucieux seulement de ne pas laisser entrer dans la tendre cervelle les pensées de vieillards qui, depuis tant de siècles, font avorter l'homme.


Amis de l'enfance et sauveurs de l'enfance, je vous convie tous à l'arbre de Noël; j'y tiens beaucoup. Afin que les traîtres ne disent pas, devant cet arbre, que Jésus est né, et puis qu'il est mort, et que tout a recommencé comme auparavant. Mais au contraire chantez que Jésus est né; qu'il est né hier, qu'il naîtra demain, qu'il sauvera le monde, pourvu que Caïphe et Pilate ne le tuent pas avant ses trente ans. En foi de quoi vous ferez briller les mille lumières deux fois symboliques, puisqu'elles annoncent le printemps des arbres et le printemps de l'esprit. Enfin qu'il soit juré, sur la tête de ces poussins d'hommes, que la protection des aînés s'étendra jusqu'à leurs vingt ans; car c'est l'âge critique des poussins d'hommes, et vous savez bien pourquoi. C'est l'âge où, déjà dans leur force, ils ont encore le délicat duvet d'honneur, qui les a bientôt lancés dans les airs et sous les eaux, trop dociles à la sagesse des vieillards selon laquelle une bonne précaution contre les très redoutables Jésus, c'est d'envoyer tuer et se faire tuer tout ce qui mérite de vivre.

Or, nous devons bien, nous autres mûrs et plus que mûrs, jurer que cette fois-ci, ce Noël-ci, nous sommes décidés à mourir pour eux, au lieu de leur demander jamais de mourir pour nous. Entendez bien. Ce serment fait ne veut pas dire que nous marcherons par quatre sans savoir où, avec la naïveté des poussins. Justement, nous serons rusés; et nos têtes rassises conviennent tout à fait pour discuter du genre de mort, des ennemis, des armes, et de la manière. Non, certes, nous ne laisserons pas emmener nos précieux enfants par la main et avec de belles paroles. Mais plutôt nous formerons et maintiendrons notre haie de vétérans, derrière laquelle il y aura espérance que nos jeunes dépassent trente-trois ans. C'est l'âge où l'Homme-Dieu est tout à fait un homme.


Alain - Propos (Bibliothèque de la Pléiade - Tome 2 Page 1298).

 

"La Paix sera si les hommes la font, la Justice sera si les hommes la font, nul destin, ni favorable ni contraire n'est écrit. Les choses ne veulent rien du tout. Nul dieu dans les nuages, mais le héros seul, sur sa petite planète, seul avec les dieux de son cœur, foi, espérance, charité ... Il n'est pas sûr que les chemins s'ouvriront, si on a la foi. Mais il est sûr que tous les chemins resteront fermés, si on n'a pas d'abord la foi. Si l'on y regarde bien, la foi ne peut aller sans l'espérance. Et il y a un genre d'espérance et aussi un genre de foi qui concernent tous les hommes et dont le vrai nom est charité ... Il nous reste donc, après avoir écarté les mensonges des prêtres, à prendre la vie noblement. Etre bon avec les autres et avec soi-même, les aider à vivre, s'aider soi-même à vivre, voilà la vraie charité. La bonté est joie, l'amour est joie. Voilà par quelles vérités, on sauve ce qui est à sauver et que la religion a perdu, j'entends la belle espérance" ... Voir "Croyance et foi"

 

  Eusthènes 21 décembre 2010                    

 

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26 mars 2011 6 26 /03 /mars /2011 14:15
"Nul ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi".
Article X de la déclaration des Droits de l’Homme de 1789.
  

                                                 

Identité nationale ...


Il y a des identités qui divisent la France. L'identité nationale est fondée sur les valeurs qui rassemblent. Elle ne s'administre pas. Quelle communauté humaine, athée ou non, n'est-elle pas flanquée d'un sacrilège puni par la loi ?

Pour vivre ensemble, il faut que les hommes aient en commun quelque chose de plus grand qu'eux - un dieu, une nation ou un idéal, une journée mythologique dont ils se souviennent ensemble. Toutes les personnes qui vivent sur la même "terre", ont besoin, pour vivre ensemble, d'un universel commun, qui permette la libre existence de chacun, tout en assurant la cohésion sociale. Les valeurs de cet idéal commun sont exprimées par la devise de la République.

La première valeur est l'Individu : "Agis de telle sorte que tu traites l’humanité comme une fin et non comme un moyen" - Kant.
Il s’agit bien là d’un fondement, où l’individu est considéré comme une fin et non simplement comme un moyen. C'est l'affirmation "du caractère sacré de la Personne humaine, de la primauté absolue de l'Individu" - Emile Durkheim.  Tout être humain possède des droits imprescriptibles et sacrés (Constitutions de 1958 - Droits de l’Homme de 1789). "L’Homme d’abord, tout l’Homme, tous les Hommes", Albert Memmi. Nous sommes donc tous uniques, tous différents, tous égaux. Dans la devise républicaine, la primauté de l'Individu correspond au mot : EGALITE.

La deuxième valeur est le Libre Examen. L’article X de la déclaration des Droits de l’Homme de 1789 dit que : "Nul ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi".


Chacun dispose donc d'une Liberté absolue de penser. "Contraindre cette Liberté est une injustice, la supprimer est un sacrilège" - Rabaud Saint-Étienne. L’autonomie de chacun constitue un impératif fondamental : "Agis en toute circonstance de manière à cultiver l’autonomie d’autrui et la tienne se développera en même temps" - Jean-François Malherbe (1987).

Le Libre Examen refuse le principe d'autorité ainsi que tout dogmatisme qui impose une fois pour toutes, ce qui est vrai, ce qui est bien, ce qui est beau. Le Libre Examen est la base de la liberté absolue de conscience qui fonde l'autonomie de l'homme. Dans la devise républicaine, il correspond au mot : LIBERTE.

La troisième valeur est la Cohésion Sociale. La Laïcité a permis de fonder et de cimenter la République Française en créant un lien social qui n’était plus de nature religieuse. Et ce lien devenait beaucoup plus fort si, au-delà d’une valeur législative, il constituait une valeur morale.

La Cohésion Sociale se fonde sur la tolérance réciproque et le respect mutuel, instituant la primauté de certaines valeurs du groupe devant lesquelles doivent s'effacer les exigences individuelles. "La démocratie est la libre expression de tous les individualismes et de tous les communautarismes. La République est de même nature, mais l’individu s’efface à l’occasion au profit du groupe" -
Régis Debray.

Il s'agit donc d'un juste équilibre entre les Droits et les Devoirs de chacun. La Cohésion Sociale est le fondement du mieux vivre ensemble. Dans la devise républicaine, elle correspond au mot : FRATERNITE.

Ce qui constitue le ciment d'une société qui se régénère se reconnaît à ce qui est donné comme une vérité indiscutable, et comme un absolu de la foi : quiconque y touche est considéré comme sacrilège. La voie que la société choisira demain, sans doute l'ignorons-nous. Mais si elle peut conduire à faire de chacun, un homme bon, courageux, secourable, et un frère pour ses semblables, comme un ami pour lui-même, elle ne trahira pas nos espérances.

Alors, si nous trouvons sur notre route, des hommes qui n'ont ni nos croyances, ni la couleur de notre peau, ni notre méthode pour combattre l'injustice, ni nos façons d'aimer la lumière du jour, sachons pourtant les reconnaître comme des frères ...


Maj 26 03 2011 *

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21 mars 2011 1 21 /03 /mars /2011 13:27

Le conteur Henri Gougaud raconte l'histoire fameuse de la "Conférence des papillons". Il a emprunté cette histoire à un vieux conte persan. Toutefois, cette histoire est incomplète ... Je vais vous la raconter dans sa totalité. La version que vous allez lire est garantie authentique car je la tiens de la bouche même du papillon qui l'a vécue. Mais, je l'avoue, c'est une fable à dormir debout. 

 

42-17619982Il y avait au fond d'une forêt un endroit où vivait une foule de papillons qui allaient, qui venaient, qui voletaient sur les herbes, les feuilles mortes, la terre froide ... Mais, attention ! Cela dans le noir le plus complet. Pas la moindre lumière pour éclairer leur quête car c'était des papillons de nuit. Ils ne connaissaient que la nuit.  Ils naissaient, butinaient, se reproduisaient, devenaient vieux, s'enfermaient dans leur cocon, mouraient ... Bref, ils menaient une vie de papillon. Cette nuit-là, la brise charriait un paquet de phéromones à réveiller la libido la plus éteinte. Un petit papillon remarqua un papillon qu'il ne connaissait pas et qui, à l'inverse des autres, paraissait complètement indifférent aux effluves qui mettaient pourtant toutes les antennes en émoi. Il semblait attendre ... Oui, il semblait attendre quelqu'un.

 

u18728859"Voilà bien un drôle de Voyageur !" se dit-il. Le petit papillon était un esprit curieux et les questions qu'il se posait sur le sens de l'existence et tout le bataclan n'intéressaient ici pas grand monde.  Alors histoire de causer un peu, il invita le bonhomme à boire une coupe de nectar ...

" Je parierais que vous n'êtes pas d'ici ! D'où est-ce que vous venez ?

- Je viens d'un endroit où brille la lumière ", lui dit tranquillement le Voyageur.

- Ah ! ... et... c'est quoi, la lumière ?" .

 

La conversation s'annonçait difficile : comment en effet les ténèbres peuvent-elles se représenter la lumière ?  Le Voyageur lui expliqua posément qu'il y avait des endroits dans le monde où on voyait les choses. Imaginez ! Pour un petit papillon curieux de nature, c'était une drôle de révélation.

" Est-ce que je peux voir, moi ?

- Bien sûr, lui répondit le Voyageur, tu as des yeux comme tout le monde, mais pour voir il faut de la lumière. Et ici, il n'y en a pas". Il y eut un instant de silence pendant lequel on entendait les autres papillons voleter dans tous les sens. C'était justement la question : quel sens y avait-il à courir dans tous les sens et dans la nuit, alors que quelque part dans le monde il y avait la Lumière. La décision fut prise en une seconde. Il partirait avec le Voyageur, à la recherche de cette Lumière.

 

Commença alors l'initiation du petit papillon. Ils se mirent en chemin. Ils quittèrent d'impénétrables frondaisons, traversèrent des sous-bois plus clairsemés, et au sortir de la forêt, le petit papillon avait tout à coup ressenti des choses, une sensation inconnue : le noir n'était plus aussi intense, des formes vagues dansaient devant et sur les bords de ses yeux. Il s'en inquiéta auprès du Voyageur. "Tu commences à voir. Mais pour le moment, tu ne distingues que le lambeau des ombres". Il aurait voulu s'arrêter et profiter du spectacle nouveau qui se faisait dans sa tête, mais le Voyageur s'était remis en route. Ils voletèrent au-dessus des champs, des prés, des buissons, des haies. En fait c'est le Voyageur qui nommait toutes ces choses. "Tiens, là c'est un champ, un pré, un buisson, une haie" ... Car le petit papillon ne savait pas encore ce qu'il voyait. Pour le moment, toutes ces choses n'étaient encore que des formes sans nom. Enfin, au détour d'une haie, ils arrivèrent au lieu de la Lumière.  Au milieu de l'ombre immense où vivaient d'autres ombres, il y avait un endroit d'où elles étaient chassées. Pour le petit papillon ce fut assez extraordinaire : il comprit ce que voulait dire voir. Ce fut comme si quelqu'un lui avait enlevé un bandeau qu'il portait sur les yeux. Ses yeux se décillèrent.  Il vit que les choses du monde de la lumière avaient une couleur, un relief. Que les parfums, les couleurs et les sons se répondaient. Que l'ombre et la lumière cohabitaient dans une profonde unité. Et surtout, il vit d'autres papillons, des frères qui étaient éclairés comme lui ! Et qui se reconnaissaient comme tels. Il décida de rester et d'explorer ce nouveau monde, qu'on appelait ici, le jardin.

 

Au tout début, la vie dans le jardin fut passionnante, excitante même. Il existait une réelle fraternité entre tous ces papillons, qui s'entraidaient, se cultivaient, partageaient des repas ... Tout ce petit monde travaillait en fait à la construction du Jardin. Assoiffé de curiosité, le petit papillon allait partout, regardait tout, s'intéressait à tout.  Il s'extasiait devant des formes incroyables, des couleurs inimaginables, et il éprouva le sentiment de la Beauté, tout en étant incapable de dire si la Beauté était dans son regard ou si elle appartenait à la chose qu'il regardait. Il élargit son cercle d'exploration, et il se rendit compte, en l'arpentant, que le jardin était entouré d'ombres. Le monde de la lumière avait des limites au-delà desquelles les arbres perdaient progressivement leurs couleurs, les choses disparaissaient de la vue, disparaissaient de la vie. Il s'était demandé si, au-delà des arbres ou des buissons, qui étaient touchés par la lumière, il y avait d'autres arbres, d'autres buissons. Quelles formes auraient-ils ? De quelle couleur le feuillage ? Mais comment pourrait-il jamais le savoir puisque la lumière elle-même les ignorait ! Les choses existent-elles s'il n'y a personne pour les regarder ? Y a-t-il un monde au-delà de la limite de mes sens ?  Il essaya bien de trouver autour de lui une réponse à toutes ses questions, mais chacun allait à ses affaires, tous préoccupés à l'embellissement du jardin lui-même. Il sentit alors que la Beauté était fille de la Lumière, mais qu'elle n'était pas la Lumière. La Lumière ... Il désespérait de ne jamais la trouver quand, au détour d'un parterre, par hasard, il rencontra le Voyageur. Il lui fit part de sa quête.

 

Le Voyageur sourit et lui dit : "Comme tu viens de t'en rendre compte, le monde n'existe que par nos sens. Et pourtant, c'est la lumière qui maintient le Jardin que tu connais tel il est" ... Si le Monde n'était qu'un reflet de ses sens, où était la Lumière ? A l'intérieur ou à l'extérieur de ce monde ? Le petit papillon arrêta alors de porter le regard sur les fleurs, de tâter les pistils, de boire aux calices, il se détourna de tout ce qui faisait sa vie, tout ce qui le faisait exister en tant que papillon. Il entraîna son attention à ne plus s'accrocher au Monde qu'il connaissait. Une nuit, pour la première fois, il leva la tête ... Son regard découvrit la voûte sombre d'un ciel piqueté d'étincelles lumineuses. Il fut impressionné par l'immensité de ce vide. Il vit une masse encore plus sombre, un vide encore plus vide.  C'était la silhouette d'un temple qui se détachait dans le champ noir de la nuit, mais qui aurait pu le lui dire ? Une chose inconnue, inconcevable émanait de cette masse sombre. Impossible à fixer du regard. Au centre de ce trou noir, rayonnait un carré de lumière pure. "Tu fais face à la Lumière, lui révéla le Voyageur, ton regard est tourné vers la source de ce monde".  La Lumière jaillissait au milieu des ténèbres. Elle éclairait ce qu'elle touchait, mais pas les ténèbres elles-mêmes. Maintenant que le petit papillon avait vu la source de la Lumière, comment pourrait-il vivre sans essayer de s'y désaltérer, de s'en inonder ? Il demanda à quelques-uns de ses amis de l'accompagner dans cette quête. Mais ce Voyage ne tentait vraiment pas grand monde : à quoi bon, ici on est bien, on est éclairé. Et puis, oui, pourquoi quitter ce monde ?   

 

Alors, silencieusement et seul, il s'envola. Au cours de son élévation vers la Lumière, il s'apercevait que, petit à petit, le jardin perdait de sa matière : les lieux, et tous ceux qu'il aimait, semblaient disparaître, jusqu'à perdre toute existence. Tout ce qui avait existé pour lui, tout ce qui avait eu un peu d'importance, se perdait dans ce reflet sans consistance. Son univers n'était plus maintenant qu'une île, une pâle lueur flottant dans un océan infini de ténèbres. Se pourrait-il que le mystère ne fut pas dans cette immensité insondable, mais plutôt dans cette émergence de quelque chose, dans ce Rien ? Au fur et à mesure qu'il s'en approchait, l'éclat de la lumière devenait de plus en plus intense. Enfin il se posa sur le rebord d'une fenêtre. A l'intérieur du temple, il aperçut, entre trois colonnes, une bougie qui brûlait dans le noir profond. Une si petite bougie pour une si grande lumière ! Il s'en émut car c'était cette lueur, perdue dans l'infini désert de la nuit, qui éclairait le Jardin. Il se glissa dans la pénombre, et s'approcha. Tout à sa contemplation, il n'avait pas remarqué les quatre papillons posés sur l'accoudoir d'un siège. Apparemment, ceux-là l'avaient précédé sur le chemin vers la Lumière.  

 

flamme0" Oh sa Beauté ! disait l'un d'eux.

- Oh sa Force, Oh sa Sagesse ! chantaient les deux autres.

- C'est une larme de déesse !

- Une goutte de sang divin !

- Sentez-vous comme cette flamme nous appelle ? disait le plus vieux, un Maître certainement. C'est la lumière de Dieu. Nous l'avons vue, et désormais nous ne pourrons vivre sans elle. L'un d'entre nous doit l'approcher et ramener de ses nouvelles. Elle est notre rêve vivant. "

 

L'un d'eux quitta le siège, se posa sur le rebord de l'autel où scintillait la flamme. La flamme eut un frisson menu. La pénombre alentour s'émut. Il s'effraya, revint en hâte, décrivit la chose aperçue. Le vieux soupira, il lui dit : "Tu n'as pas approché la flamme. Que peux-tu savoir de sa nature ?".  Le deuxième vola jusqu'à l'autel, effleura la pointe du feu, poussa un cri de papillon, vira de bord, l'aile fumante, et s'en revint vers les autres en disant qu'il s'était brûlé. "Insuffisant, reprocha le vieux Maître. Allez ! Il faut en savoir davantage !".  Le troisième, ivre de passion, s'envola de lui-même. Il traversa l'espace, embrassa la flamme, s'embrasa et ... partit en fumée. Pendant un court instant, on vit de loin le papillon éblouir l'ombre. Le vieux Maître dit alors : "Lui seul sait maintenant ce qu'est la lumière".

 

Le petit papillon avait assisté au manège, quelque peu effrayé. "Pour connaître la Lumière faut-il subir le martyre ? Comme lui, suis-je prêt à l'ultime sacrifice ?".  Une voix, dans la pénombre, répondit à son interrogation muette :  "Et comme lui tu serais un parfait imbécile. Oui ! Tout comme son Maître, avec son arrogance !". Il se tourna et vit le Voyageur. Tout à son étonnement, il ne pensa même pas à lui demander ce qu'il faisait là. Le Voyageur montrait les dernières volutes de fumées noires du papillon qui venait de griller dans la flamme. 

 

" Voilà le dernier piège du voyage, dit-il, servir de nourriture à la Lumière. Après avoir parcouru tout ce chemin, surmonté tous les obstacles, ces quatre-là sont arrivés plein d'orgueil et de suffisance, et la flamme s'est nourrie de leur stupidité. Ils n'ont pas compris la lumière parce qu'ils n'ont pas compris la nature des êtres vivants.

- Quelle est cette nature ? osa demander le petit papillon encore tout tremblant.

- Cet idiot s'est jeté dans la flamme avec son corps, non avec sa lumière. Voilà son erreur. La vérité est que nous sommes des êtres lumineux".

 

Voilà, je n'ose aller plus loin, parce que la suite du récit est quelque peu farfelue : je vous le rappelle, je ne fais que vous rapporter ce que m'a dit le petit papillon, et je lui laisse l'entière responsabilité de son récit.

 

Le Voyageur lui aurait d'abord avoué que chacun était appelé à partir à la quête de la Lumière ; que sa mission, à lui, avait été d'aller le tirer de la nuit dans laquelle il était plongé, de le mettre sur le chemin, de l'accompagner, au cas improbable où il y arriverait jusqu'ici - les chances étaient mimimes, pratiquement nulles, parait-il - il devait alors lui montrer ce qu'était un être de lumière. Il avait plaisanté en disant que le destin avait mis ces quatre idiots de papillons sur sa route pour lui montrer exactement ce qu'il ne fallait pas faire : seule une lumière pouvait se jeter dans la grande Lumière sans se consumer. Si donc il voulait continuer, il devrait la chercher cette lumière dans les ténèbres qui étaient en lui, la faire jaillir, la faire émerger jusqu'à ce que le corps lui-même devienne pure lumière. Non pas, être éclairé, mais être lumineux.  "La vérité, lui avait dit le Voyageur, la seule vérité est l'irradiation de l'être dans les ténèbres vivantes. "Regarde : je vais te montrer le défi qui est donné à chaque être vivant !"

 

i89jr773Ses ailes s'étaient alors dépliées en un voile éblouissant, son corps avait semblé perdre son opacité, était devenu transparent, éclatant, s'était fondu dans l'air diaphane. L'image du Voyageur s'était transformée en un tissage de faisceaux lumineux et cette vibration s'était répandue dans l'espace jusqu'à la flamme de la bougie. Les bras de lumière se tendirent l'un vers l'autre, les doigts se touchèrent dans une gloire qui embrasa le temple tout entier. 

 

Là-bas dans le jardin, pendant un instant, ce fut le jour ...

 

Voilà, mot pour mot, ce que m'a raconté le petit papillon ... Mais comment quelqu'un de sensé pourrait-il croire à cette histoire ?

 

Antoine, 16 novembre 2010         

 

 

 

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18 mars 2011 5 18 /03 /mars /2011 07:00
Tous, sous des mots contradictoires, nous suivons les mêmes élans et nous partons en guerre les uns contre les autres, dans la direction des mêmes terres promises. Certes, nous parlons de Liberté, mais cette liberté est devenue une licence vague, limitée par le tort causé à autrui. Certes, nous parlons d'Egalité, mais faute de savoir sur quoi fonder cette égalité, elle devient une affirmation dont nous ne pouvons plus nous servir sans contradictions insurmontables. Quant à la Fraternité, comment pourrions nous en parler alors que nous sommes si souvent frères "en quelque chose" au lieu d'être simplement frères "tout court".

 

Au lieu d'affirmer les Droits de l'Homme au travers des individus, nous avons laissé s'introduire insensiblement, dans notre pratique, une morale du collectif qui, négligeant l'Homme, ne considère plus que les droits d'une minorité. Et nous avons laissé glisser notre humanisme qui repose sur l'Homme, vers cette termitière qui ne repose plus que sur la somme des individus. Nous avons ainsi perdu l'Homme et vidé de sa substance notre humanisme lui-même, puisque notre vécu de la fraternité dégénère si souvent en une démarche inacceptable. Je pense que nous sommes entrain de tout gâcher, de dilapider l'héritage. Car nous confondons notre temple avec la somme de ses pierres. Nous exigeons de chacun qu'il ne lèse pas l'autre, de chaque pierre qu'elle ne lèse pas l'autre pierre. Et certes, elles ne se lèsent pas quand elles sont en vrac dans un champ. Mais elles lèsent le temple qu'elles eussent fondé et qui eut fondé, en retour, leur propre signification. Je suis las des polémiques, des exclusives et des combinaisons de clans. J'ai besoin d'une amitié comme d'un sommet où l'on respire. J'ai soif d'un compagnon qui, au delà des litiges de la raison, respecte en moi le pèlerin de ce feu là.      

 

"Et si je diffère de toi, mon frère, loin de te léser, je t'enrichis" ... 

 

 Mais lorsque celui qui a connu cette altitude des relations, cette loyauté et ce don mutuel qui engagent la vie, compare cette expansion qui lui fut permise à la médiocrité du démagogue qui exprime sa fraternité par de grandes claques sur les épaules, ou bien qui flatte l'individu en méprisant l'homme, celui là, si vous pensiez devoir le blâmer, n'éprouverait à votre égard qu'une pitié un peu méprisante.   Et il aurait raison ...

 

Eusthènes, 22 octobre 2010         

 

 

 

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16 mars 2011 3 16 /03 /mars /2011 21:25

myositisANous reproduisons ici, avec la fraternelle autotisation du blog Le Myosotis Libre des Maçons-Libres de-St-Jean d'Alsace & d'Austrasie, l'allocution, prononcée à l'occasion de la remise à un nouveau Frère, par le Vénérable d'une Loge d'Allemagne, d'un pin's - "une épinglette", représentant un myosotis, que les maçons allemands portent tous, et pour certains, dans la vie profane.

 

Une leçon à tirer pour l'avenir de la Franc-maçonnerie en France, à partir de l'histoire de cet emblème affectionné des Francs-Maçons libres. 

 

       A Pierre A.              

 

Au début de 1934, peu après la montée d'Hitler au pouvoir, il est devenu évident en Allemagne d'abord, puis dans toute l'Europe occupée, que la Franc-maçonnerie était en danger. La même année, le "Grand Lodge of the Sun" (une des Grandes Loges allemande de l’avant-guerre, située à Bayreuth), qui réalise les dangers que cela représente, adopte la petite fleur bleue du Myosotis comme signe distinctif "substitué", en lieu et place des traditionnels équerre et compas. Une petite fleur bleue, le myosotis, (forget me not en anglais, ne m’oublie pas), jugeant que ce nouveau symbole n'attirerait pas l'attention des nazis, comme moyens d'identification entre frères à l'extérieur, tout en diminuant le risque d'une éventuelle reconnaissance en public par les nazis, qui étaient engagés dans une chasse à l’homme, et une confiscation de masse de toutes les propriétés des Loges maçonniques. 

 

Cette fleur délicate a infiltré la Franc-maçonnerie et a assumé son rôle en tant que symbole de la Maçonnerie vivante, durant le règne des ténèbres. Au cours de la décennie suivante, durée du pouvoir nazi, dans les villes, parfois jusque dans les camps de concentration, cette petite fleur bleue fixée au revers de l'habit, permettait aux frères de s'identifier mutuellement en public et distinguait ceux des Frères qui refusaient que la lumière de la maçonnerie s’éteigne en terre allemande. 

 

myosotisBQuand le "Grand Lodge of the Sun" a été rouverte à Bayreuth en 1947, par le passé Grand Maître Beyer, une petite épinglette en forme de Forget-Me-Not a été officiellement adoptée comme emblème de la Convention de la première assemblée des frères qui avaient survécu aux dures années de l’obscurantisme, pour rallumer la lumière maçonnique. Au couvent annuel de la nouvelle Grande Loge Unie d'Allemagne AF & AM (VGLvD), en 1948, cette épinglette a été adoptée comme emblème maçonnique officiel en l'honneur des milliers de frères vaillants qui, au péril de leur vie, ont poursuivi leur travail Maçonnique dans des conditions si difficiles. 

 

À la conférence des Grands Maîtres aux Etats-Unis, le Dr. Theodor Vogel, le premier Grand Maître des Grandes Loges Unies D’Allemagne, a offert à chacun des représentants des juridictions amies présentes un myosotis comme gage d’amour fraternel. Cette petite fleur emblème de fraternité dans une période si noire, est devenue l’insigne le plus largement utilisée parmi les Maçons d’ Allemagne. Depuis les années de son adoption, dans la plupart des loges, le myosotis est présenté au nouveau Maitre Maçon, à qui son histoire est brièvement expliquée. Sa signification dans le monde aujourd’hui est attestée par des dizaines de milliers de frères qui continuent de l'afficher avec une fierté significative.

 

De plus, en raison des ces dangers et des moyens de résistance adoptés, il n’y a plus en Allemagne aujourd’hui, de " Grandes Loges/obédiences " en rivalité, en concurrence, les unes avec les autres. Toutes les Grandes Familles sont Fédérées en un ensemble homogène avec ses diversités et ses particularismes. 

 

Une leçon à tirer, pour l'avenir de la Franc-maçonnerie en France, à partir de l'histoire de cet emblème affectionné des Francs-maçons libres.   

 

Eusthènes 16 mars 2011        

 

 

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13 mars 2011 7 13 /03 /mars /2011 23:41
Impressions d'initiation - (mars 1971) ...
 
desertD'abord, le silence ... Point de désir d'absolu sans silence. Grâce à ce silence auquel nous sommes invités, la moindre bonne volonté, le moindre bon mouvement se tournent à notre profit. Si loin que nous soyons de la parfaite connaissance, abandonnons-nous à ce silence l'espace d'un instant. Et déjà nous sentons que nous devenons plus attentifs à nous-mêmes. Et moi, j'ai eu comme le regret de choses qui n'avaient point encore de sens. Sinon, pourquoi aurais-je marché dans la direction de vérités que je ne pouvais pas concevoir. J'ai choisi, vers des puits ignorés, des chemins rectilignes qui furent semblables à des retours. J'ai eu l'instinct de mes structures ...   Dans la noire plaine de l'initiation, n'ayant pas encore compris quelles étaient ces profondeurs, je fus pris de vertige ... Ici, je ne possédais plus rien au monde. Je n'étais plus qu'un simple mortel, égaré entre du sable et des étoiles.  Et je méditais sur ma condition d'homme, éloigné des pôles de ma vie par trop de silence. Il me semblait sortir des limites ordinaires de la vie et m'avancer, tremblant de vertige, sur le rebord de l'éternité.
 

Et je me découvris plein de songes ... Ils me vinrent sans bruit, comme des eaux de source et je ne compris pas, tout d'abord, la douceur qui m'envahissait. Il n'y eut, au début, point de voix, ni d'images ... Mais dans cette nuit, bâtie comme une cathédrale, quelque chose qui ressemble au sentiment d'une présence, d'une amitié très proche et déjà à demi devinée. Il était quelque part un temple que j'aimais ... Peu m'importait qu'il fut éloigné ou proche. Il suffisait qu'il existât pour remplir ma nuit de sa présence. Puis une voix lointaine est venue mourir sur le rivage. Les mots résonnaient dans la nuit et il n'en subsistait qu'un indéchiffrable message. Mais je n'ai jamais entendu la voix prendre ainsi le large ... Dans l'abîme noir qui nous sépare, c'est comme un lancer de navire. Dans la pâte vierge que j'étais d'abord, vous avez alors frappé une belle image, et le temple lui-même, clos de murs, rayonne ...

 

Brusquement, m'est apparu le visage de la destinée ... Vieux bureaucrate, mon camarade, nul ne t'as fait évader et tu n'es point responsable. Tu as construit ta paix à force d'aveugler de ciment toutes les ouvertures vers la lumière. Tu t'es roulé en boule dans ta sécurité bourgeoise, tes routines, les rites étouffants de ta vie quotidienne. Tu as élevé cet humble rempart contre les vents et les marées et les étoiles. Tu n'es pas l'habitant d'une planète errante. Tu ne te poses point de questions sans réponses. Tu as eu bien assez de mal à oublier ta condition d'homme ... Maintenant, la glaise dont tu es formé a séché et nul ne saurait désormais réveiller en toi le poète ou le musicien, qui, peut-être d'abord t'habitaient. Et moi, j'entre dans un monde où je lirai mon chemin dans les étoiles, responsable de ce qui se bâtit chez les vivants, responsable un peu du destin des hommes dans la mesure de mon travail.

 

Etre homme, c'est précisément être responsable. Responsable de soi, des camarades qui espèrent. Responsable de leurs joies et de leurs peines. C'est connaître la honte en face d'une misère qui ne semblait pas dépendre de soi. C'est être fier d'une victoire que les camarades ont remportée. C'est sentir, en posant sa pierre, que l'on contribue à bâtir le monde ... La pierre n'a point d'espoir d'être autre chose que pierre. Mais de participer, elle s'assemble et devient temple. On meurt pour une cathédrale, non pour des pierres. On meurt pour un peuple, non pour une foule. On meurt par amour de l'homme, s'il est la clef de voûte d'une communauté. On meurt pour cela seul dont on peut vivre ...

  

i89jr773Quant à toi qui m'accueille aujourd'hui, mon frère, je ne me souviendrai jamais de ton visage. Car tu es l'homme, et tu m'apparais avec le visage de tous les hommes à la fois. Tu ne m'as point dévisagé, mais déjà tu m'as reconnu. Tu es le frère bien aimé et à mon tour je te reconnaîtrai dans tous les autres hommes. Tu m'apparais, baigné de noblesse et de bienveillance, grand seigneur qui a le pouvoir de m'accompagner vers la Lumière. Tous mes amis, tous mes ennemis, en toi, marchent vers moi. Et je n'ai plus un seul ennemi au monde. Je tolèrerai donc désormais les mauvais sculpteurs comme condition des bons sculpteurs, le mauvais goût comme condition du bon goût et la contrainte intérieure comme condition de la liberté.

 

J'ai écrit mon poème, il me reste à le corriger ... Mais qu'est-ce qu'écrire sinon corriger ? As-tu vu sculpter la pierre ? De correction en correction sort le visage. Et le premier coup de ciseau était déjà correction du bloc de pierre.  Quand je construis mon temple, je corrige le sable, puis je corrige mon temple et de correction en correction, je marche vers Dieu.  

 

Le désert - llustration du Petit Prince, par Antoine de Saint-Exupéry 

 

 Impressions d'initiation                               

   Paris, mars 1971                                   

                                                                   

Le 8 janvier 1847, à la loge de Besançon les réponses de Proudhon, aux questions rituelles furent les suivantes :

- Que doit l'homme à ses semblables ? Réponse : Justice à tous les hommes.

- Que doit l'homme à son pays ? Réponse : Le dévouement.

- Que doit l'homme à Dieu ? Réponse : La guerre ... 

Mieux informé sur la Franc-maçonnerie, Proudhon écrira plus tard :

"Le Dieu des Maçons n'est ni Substance, ni Cause, ni Ame, ni Monade, ni Créateur, ni Père, ni Verbe, ni Amour, ni Paraclet, ni Rédempteur, ni Satan, ni rien de ce qui correspond à un concept transcendantal : toute métaphysique est ainsi écartée. C'est la personnification de l'équilibre universel : Dieu est architecte. Il tient le niveau, l'équerre, le marteau, tous les instruments de travail et de mesure. Dans l'ordre moral, il est la Justice. Voilà toute la théologie maçonnique" - 

  

Eusthènes, 14 mars 2011                    *

 

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10 février 2011 4 10 /02 /février /2011 11:14

La légende d'Hiram 

 

Les origines de la légende, sa signification, la suite de la légende, le grade de Royal Arche, Conférence de Roger Dachez,  suivie de la légende des trois mages qui ont visité la grande voûte et découvert le centre de l'idée -  légende profondément ésotérique, qui constitue la trame du rituel du grade de Royal Arch

 

Salomon, Hiram, Zorobabel, n’ont ni construit, ni rebâti le Temple … Ils nous ont légué son modèle, caché sous une image. Ils nous indiquent le chemin vers la Cité Idéale où il s’élèvera, dans l’harmonie.

 

Le Tour de France

 

Chaque mois de juillet, le "Tour de France" ressuscite la grande fête du vélo. Il peut être vu comme un carnaval moderne, qui laisse une place à l’expression mouvante et rituelle des rêves populaires. Durant cette épreuve, une nouvelle classe d’âge succède à la précédente. Le temps détrône l’ancien monde et couronne le nouveau. Naissance et mort ne sont pas coupées l’une de l’autre et les deux pôles du devenir sont englobés dans leur unité contradictoire. La course est un temps joyeux, qui interdit à l’ancien temps de se perpétuer et qui engendre le temps nouveau. Les champions qui dominent la course cherchent à acquérir une "maîtrise" de la vie, une forme de perfection humaine où l’imitation des aînés joue un grand rôle. Cette recherche de la perfection pourrait se définir par trois maximes :

                        "l’apprentissage, long et difficile, doit être méthodique",
                               "les chefs-d’œuvre sont marqués par le temps",
                                      "la mort vient toujours à son heure" …

 

Mais, dans le "Tour de France", on parle de la mort en faisant la fête et en acclamant les nouveaux champions qui viennent pour perpétuer la tradition. Le maillot jaune est un symbole qui fait entrer son détenteur dans la catégorie des hommes dieux qui meurent. Comme dans le cycle du "Rameau d’Or" décrit par James Frazer, "il faut tuer l’homme dieu, dès qu’apparaissent les signes de son déclin et transmettre son âme à un successeur vigoureux". Ainsi, de maillot jaune en maillot jaune, la course cycliste du "Tour de France" forme une longue chaîne de "meurtres rituels". Héros solaire, le vainqueur conquiert la "Toison d’Or" après une longue lutte et par un acte de rupture : "la mise à mort rituelle et symbolique de son prédécesseur", exécutée au nom de la pérennité des valeurs. Cette mise à mort est réalisée dans un moment d’une "grande sacralité" et le nouvel élu symbolise l’éternelle jeunesse du "monde nouveau"

 

Ce n'est pas l'usage de parler d'actualité dans ce blog ... Mais observer que l'on peut trouver dans le "Tour de France" certaines analogies avec avec le mythe fondateur de la franc-maçonnerie, c'est souligner que la démarche maçonnique consiste moins à s'envoler ou à se réfugier dans les "nuages théologiques" des rituels et des symboles que de considérer le symbolisme comme une certaine manière de "voir" et de "savoir" qui, en renouvelant le regard intérieur, transfigure la vision de l'homme. C'est également affirmer que la démarche maçonnique doit intégrer dans sa réflexion les traditions populaires, mythologiques et religieuses, afin d’y rechercher ce qui peut  révéler le sens de la destinée de l’homme et la signification de l’aventure humaine.

 

 

1 - Origines et signification

 

               

Les origines de la légende d'Hiram

L’étude des origines d’une institution a pour préliminaire la distinction entrec la légende et la vérité historique. Cette distinction, entre la fable et la réalité, s’imposeparticulièrement en ce qui concerne la légende d’Hiram, dont les origines sont à la fois obscures et méconnues. Si l’on ajoute foi à des contes dont l’antiquité n’est pas douteuse, le problème sera vite résolu …Il suffira d’interroger un maître, de préférence "un ancien". Un de ceux qui ont conservé intacte la foi des anciens âges et d’écouter. Il dira les origines bibliques de la légende, les étapes de la construction du Temple de Salomon, les péripéties de la vie d’Hiram et son assassinat final par trois mauvais compagnons. Il citera des noms, des faits, des dates. Aucune question ne l’embarrassera, car la relation traditionnelle, dont il sera l’interprète, est des plus précises. Inutile d’ajouter que ses dires, dont la sincérité sera absolue, ne seront appuyés par aucune preuve, qu’ils resteront donc peu vraisemblables et que le travail de l’historien, loin d’être terminé, après cette audition, commencera seulement avec elle.

Martin Saint-Léon expose les légendes que possèdent les fédérations qui administrent les trois Rites du Compagnonnage : "les Compagnons du Devoir et de Liberté", "les Enfants de Maître Jacques", "les Enfants du Père Soubise". Chacun des trois Rites possède sa légende propre et prétend se rattacher à l’un de ces trois fondateurs : Salomon, Maître Jacques, Soubise. Et chaque légende possède elle-même des variantes, voire des versions différentes. Maître Jacques aurait été l’un des premiers maîtres artisans de Salomon et l’un des compagnons d’Hiram. Il aurait travaillé à la construction du Temple de Salomon et serait devenu le Maître des Tailleurs de Pierre, des Maçons et des Menuisiers. Le Temple achevé, il aurait quitté la Judée, en compagnie d’un autre Maître, Soubise, avec lequel il se brouilla. Soubise débarqua à Bordeaux et Maître Jacques à Marseille. La fin de l’histoire de Maître Jacques semble calquée sur le récit de la passion du Christ. Alors qu’il était en prière, l’un de ses disciples vint lui donner un baiser de paix. C’était le signal convenu pour cinq assassins qui le tuèrent de cinq coups de poignard. Soubise fut accusé d’avoir été l’instigateur de ce meurtre, ce qui fut longtemps la cause de la désunion entre les Compagnons des deux Rites. Mais cette accusation fut finalement estimée infondée et injuste.

Une autre version de la légende veut, qu’au lieu d’avoir été un artisan contemporain de Salomon, Maître Jacques ait été tout simplement le même personnage que Jacques de Molay, dernier Grand Maître des Templiers, brûlé sur ordre de Philippe le Bel. Jacques de Molay a très bien pu, dans le cadre des nombreuses constructions édifiées par les templiers, donner une règle aux ouvriers Maçons, Tailleurs de Pierre et constituer des sociétés de Compagnons. Cette version, à première vue moins invraisemblable que la précédente, ne repose toutefois sur aucun fondement historique. Car si l’existence d’une filiation entre les Templiers et le Compagnonnage, n’est pas impossible, force est de considérer que, même probable, elle demeure purement conjecturale.

La légende de Soubise est implicitement contenue dans la précédente. Soubise, architecte du Temple de Salomon, comme Maître Jacques, ami de celui-ci, serait devenu l’instigateur de son assassinat. Le fait est toutefois contesté. Mais d’après un autre récit, Soubise aurait été un moine bénédictin qui aurait vécu à la fin du XIIIème siècle. C’est sous le costume des moines bénédictins, qu’il est généralement représenté dans les Cayennes. Soubise aurait participé, avec Jacques de Molay, à la construction de la cathédrale d’Orléans. Le Compagnonnage aurait été fondé à cette époque et Soubise aurait survécu quelques années au Grand Maître des Templiers. Cette version, qui n’est pas impossible, reste également purement conjecturale.

Les Compagnons du "Devoir et de Liberté" , Enfants de Salomon, prétendent eux, que leur fondateur est le Roi Salomon lui-même. Et ils se réfèrent à une légende qui a pour point de départ un passage de La Bible (Premier Livre des Rois, Chapitres 5 & 7) : "Le roi Salomon envoya quérir Hiram de Tyr. C’était le fils d’une veuve de la tribu de Nephtali. Il était rempli de sagesse, d’intelligence, de science, pour faire toute œuvre en airain. Il vint donc chez le roi Salomon et fit ses ouvrages". Rien, dans ce texte, ne permet de conclure à l’existence d’une association telle que le Compagnonnage au temps de Salomon… Mais la légende continue le récit biblique. Pour payer les ouvriers, en éliminant les intrus et les oisifs qui se mêlaient à eux, Hiram donna à chacun des ouvriers un mot de passe pour se faire reconnaître. Ainsi, chacun était payé selon son mérite et recevait, le moment venu, le mot de passe de son nouveau grade. Le Compagnonnage de Liberté était fondé.

Une seconde légende se superpose à la première. Trois compagnons, Holem ou Hoben, Sterkin ou Skelem, et Hoterfut, furieux de s’être vus refuser la maîtrise, décidèrent de contraindre Hiram à leur donner le "mot" de maître ou de l’assassiner. Cette version constitue la trame du rituel maçonnique de l’élévation à la maîtrise.Le récit le plus connu et le plus complet de la légende se trouve dans le livre des "Voyages en Orient", de Gérard de Nerval. Il nous raconte "l’histoire de la Reine du Matin et de Soliman Ben Daoud, Prince des génies" (l’histoire de la Reine de Saba et de Salomon, fils de David)… Au fil des douze chapitres, d’"Adoniram", le premier, à "Mac Benah", le dernier, se révèle tout le symbolisme de la légende. Les trois mauvais compagnons y symbolisent l’ignorance, l’hypocrisie et le fanatisme. La recherche et la découverte du corps d’Hiram exaltent les trois vertus opposées, mais aussi la liberté et la fidélité, l’une portant l’autre, et qui sont les vertus de l’esprit. La fidélité est la lumière de l’esprit. Dès qu’on change ses idées d’après l’événement, l’intelligence n’est plus qu’une "fille".

La signification de la légende

SJB-2.jpgLa légende d’Hiram, est pour le nouveau maître une invitation à réfléchir son propre portrait dans le miroir que lui propose la légende. Il essayera donc d'observer comment le miroir est construit en tant que lieu spéculaire des métamorphoses de son propre moi symbolique … Car cette légende est d’abord un recours à soi-même, où chacun est invité à trouver sa propre vérité. Et c’est bien là que se trouve sans doute le sens alchimique de la légende, si l’on veut bien voir dans l’alchimie la tentative de chaque individu pour découvrir sa propre vérité, son propre secret, pour trouver la connaissance suprême réservée à chaque itinéraire humain. Car qu’est-ce donc que l’Initiation, sinon la traversée de la vie humaine, avec ses joies et ses épreuves, à travers laquelle l’être humain met à nu, lentement, cette étincelle qui est en lui et qui, une fois révélée, éclaire l’univers et lui donne un sens ?On retrouve les acteurs de la légende au portail Nord de la cathédrale de Chartres où figurent David avec Salomon et la Reine de Saba ainsi que Zorobabel ... Salomon, constructeur, il y a trois mille ans, du premier temple, détruit en l’an 600 avant notre ère par Nabuchodonosor II. Près de lui, se trouve Zorobabel, architecte du second temple, embelli par Hérode et détruit par les romains, en l’an 70 de notre ère. Eséchiel, l’inventeur du "troisième temple", a disparu du portail nord à la Révolution. Mais Saint Jean-Baptiste au même portail présente au passant l’emblème du troisième temple, la Jérusalem céleste, "la Cité qui n’a besoin ni du soleil, ni de la lune pour l’éclairer, car l’agneau est son flambeau".

"Ici, tout est symbole", cette affirmation, répétée au cours de la cérémonie d’initiation maçonnique est chargée de sens, parce qu’elle annonce la valeur de la démarche et la méthode de travail : la recherche du sens, au-delà de l’apparence. Après son apprentissage et son compagnonnage, le franc-maçon médite sur la passion d’Hiram. Et il apprend alors que les maîtres disposent pour se reconnaître d’un mot substitué à la "parole" qui a été perdue. La "parole" est perdue pour ceux qui croient avoir tout vu, tout dit et qui disent "qu’il n’y a rien à voir". La parole est effectivement perdue lorsqu’on n’est plus à même de produire une pensée nouvelle à propos des symboles. Ainsi la "parole" est-elle toujours à retrouver et sa quête exige une remise en question permanente de toutes nos certitudes antérieures. Muni du mot substitué, le Maître Maçon explore les paysages proposés par les rites. Mais le voyage initiatique ne peut être accompli que par celui qui ne se contente pas du mot substitué. La Maîtrise véritable exige l’essentiel. Encore faut-il garder un esprit critique et conserver un certain humour, afin de ne pas devenir un dévot béat qui attend une "révélation" de la part de ses maîtres. Ainsi, au départ, dès le commencement de la quête, il faut savoir que la "parole" ne pourra se dire. Elle sera montrée, sous l'égide de la rose, sortie d’une boite, sous forme d’initiales, qui sont le symbole du "mot" et non le "mot" lui-même, enfin retrouvé ...  

 

2 - La suite de la légende
       
Le grade de Royale Arche 

L'un des motifs qui provoqua, en 1750, la célèbre querelle maçonnique entre les "Antients" et les "Modernes" réside dans l’attitude des uns et des autres envers le grade de Royale Arche - la Sainte Arche Royale de Jérusalem. Les Anciens admettaient la pleine valeur de ce grade dont ils faisaient l’une des pièces maîtresses de l’édifice maçonnique et qu’ils pratiquaient réellement. Les modernes, par contre, refusaient officiellement de reconnaître ce grade, bien qu’ils fussent nombreux à le prendre et à s’y faire recevoir. Le schisme cessa en 1823, par la création de la Grande Loge Unie d’Angleterre dont l’article 2 de la déclaration préliminaire précisait que : "la maçonnerie pure et ancienne consiste en trois degrés, sans plus, à savoir : Apprenti, Compagnon et Maître Maçon, y compris l’Ordre Suprême de la Sainte Arche Royale". 

Ce grade est-il de source opérative ? Très probablement non. Est-il issu des degrés hiramiques, en constituant la seconde partie du grade de Maître ? Rien ne prouve que les deux légendes du troisième degré et de l’Arche Royale aient jamais été associées dans un même cérémonial. Toutefois, les Anciens accusaient les modernes d’avoir mutilé le grade de Maître en l’amputant de sa seconde partie. Ce qui porte l’idée d’une maçonnerie en trois grades, le troisième étant reçu au cours de deux cérémonies distinctes …

Les rituels du grade de Royale Arche 

Les origines des rituels du grade de Royale Arche sont multiples et complexes. Le plus ancien rituel connu de ce grade date de 1760. Après la tenue du premier Grand Chapitre de Royale Arche en 1766, le développement des rituels se caractérise, sous l’influence semblerait-t-il de jésuites, par la substitution à la légende ancienne, solomonienne et hiramique, d’une nouvelle légende racontant la reconstruction du Temple par Zorobabel.

L’enseignement historique du grade - qui présente des similitudes avec celui de Chevalier d’Orient du Rite Français - raconte que, "lors de la reconstruction du temple, trois pèlerins inconnus s’étaient offerts pour déblayer les décombres de l’ancien édifice. Et comme le bruit courait que quelque chose d’important était enfouis sous les décombres, il leur avait été recommandé de prendre le plus grand soin pour réaliser leur travail. Au bout de quelques jours, ils avaient découvert, derrière un mur sonnant le creux, une voûte où ils avaient aperçu des tables, portant une partie des lois divines et un petit autel recouvert d’un voile. Ce voile soulevé leur avait permis de lire les noms des Maîtres qui avaient construit le premier temple, mais aussi le nom de l’Eternel - non pas celui qui est donné à l’ordinaire, mais un autre - qui était manifestement la parole perdue. Tous les Maîtres présents avaient dû prendre l’engagement de ne jamais révéler aux autres frères la parole retrouvée et de ne jamais la prononcer qu’en présence de deux autres Maîtres". 
Le grade de Royale Arche, tel qu’il prend corps en Angleterre à partir de 1766 affiche une marque chrétienne que l’on retrouve dans le rituel de Maître Parfait du Rite Ecossais Rectifié. Ceci suppose que dans les Loges qui pratiquaient le grade de Royale Arche, la légende de l’Ancien Testament soit interprétée d’un point de vue chrétien : celui de l’annonce de la reconstruction symbolique du troisième temple.

Dans le rituel de 1765, les acteurs en sont les Maîtres Sublimes, Salomon, Hiram, Roi de Tyr et Hiram, l’architecte assassiné
. "Les Maîtres Sublimes demandent à Salomon de leur conférer le grade de Royale Arche. Salomon leur répond négativement, sachant qu’il a condamné une trappe dans le sanctuaire. Cette trappe mène à un souterrain qui donne accès à une voûte de neuf arches. Longtemps après, Salomon envoie trois intendants, Sublimes Ecossais, pour chercher les choses les plus précieuses dans les ruines du Temple (ce qui constitue une incohérence, le Temple de Salomon étant détruit plus de quatre cents ans après sa construction). L’un des intendants accroche sa pioche à un gros anneau fixé à une dalle. Il soulève la dalle - dont l’image se trouve sur le sautoir du 14ème grade du Rite Ecossais Ancien Accepté - et découvre le souterrain. Il lie une corde autour de sa taille et dit à ses compagnons qu’il tirera sur la corde pour demander qu’on le remonte. Il descend dans le trou - le souterrain serait donc bien au fond d’un puits. Il passe trois arches, tire trois fois la corde pour se faire remonter. Au cours d’une nouvelle tentative, il passe six arches, tire six fois la corde. Il redescend une nouvelle fois avec un flambeau et passe neuf arches. Un pan de mur se détache et il aperçoit une pierre triangulaire sur laquelle est écrit le mot sacré du grade de Royale Arche : JABULUM. Il fait le même signe que Salomon, lorsqu’il a refusé de leur conférer le grade de Royale Arche (Signe d’Admiration). Il met un genou en terre, une main dans le dos et l’autre pour se protéger de la lumière (Signe de Protection) et tire sur la corde pour se faire remonter. Revenu avec les autres intendants, il leur dit : "Jabulum est un bon maçon" et décide avec eux :- que le nouveau mot de passe sera "Je suis ce que je suis"…

Le symbolisme du grade de Royale Arche 

Les soirées privilégiées parfois vécues par les francs- maçons ne peuvent se produire que dans les Loges qui, au moyen d’un rituel, pratiquent l’art d’ouvrir une porte sur un monde hors du temps et sur un univers sans limite. Ce monde, à l’intérieur d’un Temple orienté, couvert de sa voûte étoilée, devient d’autant plus réel qu’il est imaginaire. Ainsi, par le moyen du Rite, le franc-maçon peut passer de la durée temporaire ordinaire au temps sacré. Le franc-maçon vit ainsi dans deux sortes de temps : le temps profane et le temps sacré, qui se présente sous l’aspect paradoxal d’un éternel présent mythique qu’il est possible de réintégrer par le Rite. Le thème de la recherche de la parole perdue s’inscrit naturellement dans cette démarche.
 Après son apprentissage et son compagnonnage, le franc-maçon médite sur le meurtre d’Hiram. Et il comprend que le mot que les Maîtres utilisent, pour se reconnaître, est un Mot substitué, dont ils portent les initiales sur leur tablier et que le but de la démarche est la recherche de la Parole perdue … Muni du mot substitué et afin de retrouver cette Parole, le Maître Maçon explore les paysages proposés par les rites. Le processus de l'initiation nous donc fait traverser des paysages, plus précisément des structures qui jalonnent la voie initiatique, qui n'est elle-même qu'une expérience totale de la vie

Au douzième degré du Rite Ecossais Ancien Accepté, le Maçon redécouvre que le Temple que chaque Maçon doit construire en lui-même, représente
l'édifice idéal que chacun de nous est appelé à réaliser et que le Temple de Jérusalem est une image de l'univers destiné à satisfaire notre raison, une conception philosophique traduisant, autant qu'il est possible, une approche de la Vérité.Au XVlllème siècle, avant la structuration définitive de la Franc-maçonnerie spéculative, la prononciation du mot de maître est J H V H (Jéhovah). Tout se passe ensuite comme si tout le mythe d'Hiram consistait, dans un de ses aspects, à supprimer cette invocation pour la remplacer par un mot substitué qui sera le premier mot que l'on entendra et dont les significations vont de Mach Banach, Marrow in the Bone, Moabon enfin, qui deviendra le mot substitué du Rite Ecossais Ancien Accepté.

Le sens profond du Rite Ecossais Ancien Accepté est le passage fondamental de l’Ancien au Nouveau Testament , où le tétragramme Chrétien I N R I se substitue au tétragramme hébraïque I H V H. Et toute la démarche ultérieure sera ciblée sur la découverte de la complémentarité de l’Ancien et du Nouveau Testament, l’un, symbolisé dans les grades vétéro-testamentaires par la formule : Amour de la Vérité et l’autre symbolisé par la référence au Nouveau Testament : Amour de l’Humanité, symbolisme que l’on retrouvera sur l'échelle mystérieuse du rituel du trentième grade du Rite Ecossais Ancien Accepté …
Certains diront : qu’importent les spéculations et les retours vers le passé à l’époque de la science, de la technique, de l’efficacité, de la raison… Les sceptiques et les agnostiques diront que la maçonnerie n’a que faire de dieu et des religions. Les croyants objecteront que leur foi leur suffit et s’en remettront à leur église, avec plus ou moins de confiance, pour s’occuper de leur dieu et du salut de leur âme. L’église, de son côté, parle de moins en moins, afin de ne pas effaroucher le client, l’important restant de maintenir, autant que possible, une influence fondée sur quelques principes d’ordre moral.

Quant aux francs-maçons, ils se présentent sous des visages bien divers, sans unité de doctrine ni d’action. Il existe, il est vrai, pour les trois premiers grades, un critère simple : celui de la régularité, qui garantit, dans l’ensemble, la reconnaissance de principes communs traditionnels. Et les choses deviennent encore plus claires lorsqu’on sait que la régularité doit s’apprécier sous deux aspects complémentaires : la régularité obédientielle et la régularité initiatique. Mais cette simplicité relative, qui concerne la franc-maçonnerie des grades symboliques, fait place à une réelle confusion lorsqu’il s’agit des "hauts" grades.L’histoire de ces grades est fort complexe et l’on y trouve le meilleur, mais également, il faut en convenir, le pire. On s’aperçoit, de plus, qu’il n’existe, au regard des "hauts" grades, aucun critère de régularité, ni aucun pouvoir régulateur qualifié, même si le Rite Ecossais Ancien Accepté peut se prévaloir de regrouper, au niveau mondial, 90 pour 100 des maçons travaillant dans les Ateliers au delà du troisième grade. Peut-on d’ailleurs parler "du" Rite Ecossais Ancien Accepté, tant les pratiques en sont parfois différentes, et les formules constitutives laissées "ad libitum" de chaque Atelier ?

Il semblerait donc raisonnable d'accepter une constatation de départ aussi simple qu’évidente. La franc-maçonnerie est, à l’origine, une initiation de Métier et l’ésotérisme qu’elle met en œuvre est d’essence judéo-chrétienne. Partant de là, il convient de déterminer et de comprendre l’expression de cette essence judéo-chrétienne, d’en suivre le passage de la maçonnerie opérative de jadis à la maçonnerie spéculative moderne, puis de son évolution jusqu’à la pratique actuelle. Salomon, Hiram, Zorobabel, n’ont ni construit, ni rebâti le Temple… Ils nous ont légué son modèle, caché sous une image. Ils nous indiquent le chemin vers la Cité Idéale où il s’élèvera, dans l’harmonie. Il importe donc que les maçons de bonne foi, rejetant les idoles, mènent à bonne fin une pratique des "hauts" grades qui leur donne leur seule justification : aider, servir et honorer la Franc-maçonnerie symbolique, qui est la seule détentrice de toute l’initiation. Ainsi, la maçonnerie de Royale Arche pourrait-elle être considérée à juste titre comme la fondation et la clé de voûte de l’ensemble de l’édifice maçonnique. Dégagée de tout dogme, de toute attache cultuelle, considérée non comme un grade, mais comme un complément et une explication des grades symboliques, laissée à la libre interprétation de la conscience individuelle de chacun, elle montrerait ainsi l’importance, non pas tant religieuse, que sacrée de l’initiation maçonnique. Avec elle, s’éclairerait toute la signification à donner à la légende opérative et traditionnelle du Temple de Jérusalem ainsi que la haute portée de son enseignement initiatique selon lequel l’accomplissement du chemin de la connaissance rejoint la quête spirituelle de l’Amour.


Conférence de Roger Dachez 
 

La question des origines de la Franc-Maçonnerie occupe un statut particulier dans l'imaginaire maçonnique. Préoccupés par la transmission, certains franc-maçons ont dicté des règles et établirent des lois qui façonnèrent l'histoire de l'institution qui ressortit des "Constitutions d'Anderson". C'est ainsi que la Franc-Maçonnerie s'origina dans le Paradis Terrestre immémorial d'Adam et Eve et qu'elle fut transmise par les prophètes et les rois, accréditant la thèse selon laquelle la Grande Loge, apparue à Londres au XVIIIème siècle, n'était pas une "création" mais un "éveil", éveil s'inscrivant donc dans la continuité des bâtisseurs de cathédrales. Théorie qui connaît une rupture avec l'avènement de l'histoire moderne sur laquelle s'appuie, entre autre, la Franc-Maçonnerie spéculative qui tenta de "décortiquer" le mythe de la Franc-Maçonnerie opérative.

Cet exposé tente de répondre aux deux questions suivantes: la Franc-Maçonnerie spéculative dérive-t-elle de la Franc-Maçonnerie opérative? L'Histoire peut-elle détruire le mythe? N'a-t-elle pas plutôt le pouvoir de le restituer dans sa dimension fondatrice et son sens réel.

 

Eusthènes 12 mars 2008          

Maj 17 02 2011

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6 février 2011 7 06 /02 /février /2011 04:34

Les francs-maçons ont une filiation mythique, fondée symboliquement sur la légende d’Hiram. Voici, dans son intégralité, la légende profondément ésotérique, qui constitue la trame du rituel du grade de Royal Arch. Source : La symbolique maçonnique de Jules Boucher - Annexe.

 

Légende des trois mages qui ont visité la grande voûte

et découvert le centre de l'idée

 

Longtemps après la mort d'Hiram et de Salomon et de tous leurs contemporains, après que les armées de Nabuchodonosor eurent détruit le royaume de Juda, rasé la ville de Jérusalem, renversé le Temple, emmené en captivité la population non massacrée, alors que la montagne de Sion n'était plus qu'un désert aride où paissaient quelques maigres chèvres gardées par des Bédouins faméliques et pillards, un matin, trois voyageurs arrivèrent au pas lent de leurs chameaux. C'étaient des Mages, des Initiés de Babylone, membres du Sacerdoce Universel, qui venaient en pèlerinage et en exploration aux ruines de l'ancien sanctuaire. Après un frugal repas, les pèlerins se mirent à parcourir l'enceinte ravagée. L'écrasement des murs et les fûts des colonnes leur permirent de déterminer les limites du Temple. Ils se mirent ensuite à examiner les chapiteaux gisants à terre, à ramasser les pierres pour y découvrir des inscriptions ou des symboles.

 

Pendant qu'ils procédaient à cette exploration, sous un pan de mur renversé et au milieu des ronces, ils découvrirent une excavation. C'était un puits, situé à l'angle sud-est du Temple. Ils s'employèrent à déblayer l'orifice. Après quoi, l'un d'eux, le plus âgé, celui qui paraissait le chef, se couchant à plat ventre sur le bord, regarda dans l'intérieur. On était au milieu du jour, le Soleil brillait au zénith et ses rayons plongeaient presque verticalement dans le puits. Un objet brillant frappa les yeux du Mage. Il appela ses compagnons qui se placèrent dans la même position que lui et regardèrent. Evidemment, il y avait là un objet digne d'attention, sans doute un bijou sacré. Les trois pèlerins résolurent de s'en emparer. Ils dénouèrent leurs ceintures qu'ils avaient autour des reins, les attachèrent les unes au bout des autres et en jetèrent une extrémité dans le puits. Alors deux d'entre eux, s'arc-boutant se mirent en devoir de soutenir le poids de celui qui descendait. Celui-ci le Chef, empoignant la corde, disparut par l'orifice.

 

Pendant qu'il effectue sa descente, nous allons voir quel était l'objet qui avait attiré l'attention des pèlerins. Pour cela, nous devons remonter plusieurs siècles en arrière, jusqu'à la scène du meurtre d'Hiram. Quand le Maître eut, devant la porte de l'Orient, reçu le coup de pince du second des mauvais Compagnon, il s'enfuit pour gagner la porte du Sud ; mais tout en se précipitant il craignit, soit d'être poursuivi, soit - ainsi que cela devait arriver - de rencontrer un troisième mauvais Compagnon. Il enleva de son cou un bijou qui y était suspendu par une chaîne de soixante-dix-sept anneaux, et le jeta dans le puits qui s'ouvrait dans le Temple, au coin des côtés Est et Sud. Ce bijou était un Delta d'une palme de côté fait du plus pur métal, sur lequel Hiram, qui était un initié parfait, avait gravé le nom ineffable et qu'il portait sur lui, la face en dedans, le revers seul, exposé aux regards, ne montrant qu'une face unie. Pendant que, s'aidant des mains et des pieds, le Mage descendait dans la profondeur du puits, il constata que la paroi de celui-ci était divisée en zones ou anneaux faits en pierres de couleurs différentes d'une coudée environ de hauteur chacun. Quand il fut en bas, il compta ces zones et trouva qu'elles étaient au nombre de dix.

 

Il baissa alors son regard vers le sol, vit le bijou d'Hiram, le ramassa, le regarda et constata avec émotion qu'il portait inscrit le mot ineffable qu'il connaissait lui-même car il était, lui aussi, un initié parfait. Pour que ses compagnons qui n'avaient pas comme lui la plénitude de l'initiation, ne puissent le lire, il suspendit le bijou à son col par la chaînette, mettant la face en dedans, ainsi qu'avait fait le Maître. Il regarda ensuite autour de lui et constata, dans la muraille, l'existence d'une ouverture par laquelle un homme pouvait pénétrer. Il y entra, marchant a tâtons dans l'obscurité. Ses mains rencontrèrent une surface qu'au contact, il jugea être de bronze. Il recula alors, regagna le fond du puits, avertit ses compagnons pour qu'ils tiennent fermement la corde et remonta. En voyant le bijou qui ornait la poitrine de leur chef, les deux Mages s'inclinèrent devant lui ; ils devinèrent qu'il venait de subir une nouvelle initiation. Il leur dit ce qu'il avait vu, leur paria de la porte de bronze. Ils pensèrent qu'il devait y avoir là un mystère ; délibérèrent et résolurent de partir ensemble à la découverte.

 

Ils placèrent une extrémité de la corde faite des trois ceintures sur une pierre plate existant auprès du puits et sur laquelle on lisait encore le mot "Jakin". Ils roulèrent dessus un fût de colonne où l'on voyait le mot "Boaz", puis s'assurèrent qu'ainsi tenue la corde pouvait supporter le poids d'un homme. Deux d'entre eux firent ensuite du feu sacré à l'aide d'un bâtonnet de bois dur roulé entre les mains et tournant dans un trou fait dans un morceau de bois tendre. Quand le bois tendre fut allumé, ils soufflèrent dessus pour provoquer la flamme. Pendant ce temps, le troisième était allé prendre, dans les paquetages attachés en croupe des chameaux, trois torches de résine qu'ils avaient apportées pour écarter les animaux sauvages de leurs campements nocturnes. Les torches furent successivement approchées du bois enflammé et s'enflammèrent elles-mêmes au feu sacré. Chaque Mage, tenant sa torche d'une main, se laissa glisser le long de la corde jusqu'au fond du puits. Une fois là, ils s'enfoncèrent, sous la conduite de leur chef dans le couloir menant à la porte de bronze. Arrivés devant celle-ci le vieux Mage l'examina attentivement à la lueur de sa torche. Il constata dans le milieu, l'existence d'un ornement en relief ayant la forme d'une couronne royale, autour de laquelle était un cercle composé de points au nombre de vingt-deux.

 

Le Mage s'absorba dans une méditation profonde, puis il prononça le mot "Malkuth" et soudain la porte s'ouvrit. Les explorateurs se trouvèrent alors devant  un escalier qui s'enfonçait dans le sol. Ils s'y engagèrent, la torche toujours à la main en comptant les marches. Quand ils en eurent descendu trois, ils rencontrèrent un palier triangulaire, sur le côte gauche duquel commençait un nouvel escalier. Ils s'y engagèrent et, après cinq marches, ils trouvèrent un nouveau palier de même forme et mêmes dimensions. Cette fois, l'escalier continuait du côté droit et se composait de sept marches. Ayant franchi un troisième palier, ils descendirent neuf marches et se trouvèrent devant une deuxième porte de bronze. Le vieux Mage l'examina comme la précédente, et constata l'existence d'un autre ornement en relief représentant une pierre d'angle, entourée aussi d'un cercle de vingt-deux points. Il prononça le mot "Iésod" et la porte s'ouvrit à son tour. Les Mages entrèrent dans une vaste salle voûtée et circulaire, dont la paroi était ornée de neuf fortes nervures partant du sol et se rencontrant en un point central du sommet. Ils l'examinèrent à la lueur de leurs torches, en firent le tour pour voir s'il n'y avait pas d'autres issues que celle par laquelle ils étaient entrés. Ils n'en trouvèrent point et songèrent à se retirer ; mais leur chef revint sur ses pas, examina les nervures les unes après les autres, chercha un point de repère, compta les nervures et soudain il appela.

 

Dans un coin obscur il avait découvert une nouvelle porte de bronze. Celle-là portait comme symbole un Soleil rayonnant, toujours inscrit dans un cercle de vingt-deux points. Le chef des Mages ayant prononcé le mot "Nefzah", elle s'ouvrit encore et donna accès dans une deuxième salle. Successivement, les explorateurs franchirent cinq autres portes également dissimulées et passèrent dans de nouvelles cryptes. Sur l'une de ces portes, il y avait une Lune resplendissante, une tête de lion, une courbe molle et gracieuse, une règle, un rouleau de la loi, un œil et enfin, une couronne royale. Les mots prononcés furent successivement "Hod", "Tiphereth", "Chesed", "Geburah", "Chochmah", "Binah" et "Kether". Quand ils entrèrent dans la neuvième voûte, les Mages s'arrêtèrent surpris, éblouis, effrayés. Celle-là n'était point plongée dans l'obscurité. Elle était, au contraire, brillamment éclairée. Dans le milieu étaient placés trois lampadaires d'une hauteur de onze coudées, ayant chacun trois branches. Les lampes, qui brûlaient depuis des siècles, dont la destruction du royaume de Juda, le rasement de Jérusalem et l'écroulement du Temple n'avaient pas entraîné l'extinction, brillaient d'un vif éclat, illuminant d'une lumière à la fois douce et intense tous les recoins et tous les détails de la merveilleuse architecture de cette voûte sans pareille taillée à même le roc.

 

Les pèlerins éteignirent leurs torches dont ils n'avaient plus besoin, les déposèrent près de la porte, ôtèrent leurs chaussures et rajustèrent leurs coiffures comme dans un lieu saint, puis ils s'avancèrent en s'inclinant neuf fois vers les lampadaires. A la base du triangle formé par les lampadaires, se trouvait un autel de marbre blanc cubique de deux coudées de haut. Sur la face supérieure de l'autel, étaient gravés à l'or pur, les outils de la Maçonnerie : la Règle, le Compas, l'Equerre, le Niveau, la Truelle, le Maillet. Sur la face latérale gauche, on voyait les figures géométriques : le Triangle, le Carré, l'Etoile à cinq branches, le Cube. Sur la face latérale droite, on lisait les nombres : 27, 125, 343, 729, 1331. Enfin, sur la face arrière, était représenté l'Acacia symbolique. Sur l'autel était posée une pierre d'agate de trois palmes de côté. Au dessus, on pouvait y lire, écrit en lettres d'or, le mot "Adonaï". Les deux Mages, s'inclinèrent, pour vénérer le nom de Dieu ; mais leur chef, relevant au contraire la tête, leur dit : "II est temps pour vous de recevoir le dernier enseignement qui fera de vous des Initiés parfaits. Ce nom n'est qu'un vain symbole qui n'exprime pas réellement l'idée de la Conception Suprême". II prit alors à deux mains la pierre d'agate, se retourna vers ses disciples en leur disant : "Regardez, la Conception Suprême, la voilà … Vous êtes au Centre de l'idée". Les disciples épelèrent les lettres lod, Hé, Vau, Hé et ouvrirent la bouche pour prononcer le mot, mais il leur cria : "Silence ! c'est le mot ineffable qui ne doit jamais être prononcé". II reposa ensuite la pierre d'agate sur l'autel, prit sur sa poitrine le bijou du Maître Hiram et leur montra que les mêmes signes s'y trouvaient gravés.

 

"Apprenez maintenant, leur dit-il, que ce n'est pas Salomon qui fit creuser cette voûte hypogée, ni construire les huit qui la précèdent, pas plus qu'il n'y cacha la pierre d'agate. La pierre fut placée par Henoch, le premier de tous les Initiés. l'Initié Initiant, qui ne mourut point, mais qui survit dans tous ses fils spirituels. Henoch vécut longtemps avant Salomon, avant même le déluge. On ne sait à quelle époque furent bâties les huit premières voûtes et celle-ci creusée à même le roc". Cependant, les nouveaux grands Initiés détournèrent leur attention de l'autel et de la pierre d'agate, et regardèrent le plafond de la Salle qui se perdait à une hauteur prodigieuse. Ils parcoururent la vaste nef où leurs voix éveillaient des échos répétés. Ils arrivèrent ainsi devant une porte, soigneusement dissimulée et sur laquelle le symbole était un vase brisé. Ils appelèrent leur Maître et lui dirent : "Ouvre-nous encore cette porte, il doit y avoir un nouveau mystère derrière — Non, leur répondit-il, il ne faut point ouvrir cette porte. Il y a là un mystère, mais c'est un mystère terrible, un mystère de mort. — Oh, tu veux nous cacher quelque chose, le réserver pour toi ; mais nous voulons tout savoir, nous l'ouvrirons donc nous-mêmes".

 

Ils se mirent alors à prononcer tous les mots qu'ils avaient entendus de la bouche de leur Maître ; puis comme ces mots ne produisaient aucun effet, ils dirent tous ceux qui leur passèrent par l'esprit. Ils allaient renoncer, quand l'un d'eux dit enfin : "Nous ne pouvons cependant pas continuer à l'infini". Et sur ce mot : "En Soph", la porte s'ouvrit violemment, les deux imprudents furent renversés sur le sol, une tornade s'engouffra sous la voûte, éteignant les lampes magiques. Le Maître se précipita sur la porte, s'y arc-bouta, appela ses disciples à l'aide. Ils accoururent, s'arc-boutèrent avec lui, et leurs efforts réunis, parvinrent enfin à refermer la porte. Mais les lumières ne se rallumèrent pas. Les Mages, plongés dans les ténèbres les plus profondes se rallièrent à la voix de leur Maître qui leur dit : "Hélas, cet événement terrible était à prévoir. Il était écrit que vous commettriez cette imprudence. Nous voici en grand danger de périr dans ces lieux souterrains ignorés des hommes. Essayons cependant d'en sortir, de traverser les huit voûtes et d'arriver au puits par lequel nous sommes descendus. Nous allons nous prendre par la main et nous marcherons jusqu'à ce que nous retrouvions la porte de sortie. Nous recommencerons dans toutes les salles jusqu'à ce que nous soyons arrivés au pied de l'escalier de vingt-quatre marches. Espérons que nous y parviendrons". Ils firent ainsi …

 

Ils passèrent des heures d'angoisse, mais ils ne désespérèrent point. Ils arrivèrent enfin au pied de l'escalier de vingt-quatre marches. Ils le gravirent en comptant 9, 7, 5 et 3 et se retrouvèrent au fond du puits. Il était minuit, les étoiles brillaient au firmament ; la corde des ceintures pendait encore. Avant de laisser remonter ses Compagnons, le Maître leur montra le cercle découpé dans le ciel par la bouche du puits et leur dit : "Les dix cercles que nous avons vus en descendant représentaient aussi les voûtes ou arches de l'escalier ; la dernière correspond au nombre onze, celle d'où a soufflé le vent du désastre, c'est le ciel infini avec les luminaires hors de notre portée qui le peuplent". Les trois Initiés regagnèrent l'enceinte du Temple en ruines ; ils roulèrent de nouveau le fût de colonne sans y voir le mot "Boaz". Ils détachèrent leurs ceintures, s'en enveloppèrent, se mirent en selle. Puis, sans prononcer une parole, plongés dans une profonde méditation sous le ciel étoilé, au milieu du silence de la nuit, ils s'éloignèrent au pas lent de leurs chameaux, dans la direction de Babylone.

 

Eusthènes  6 février 2011          

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