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6 février 2009 5 06 /02 /février /2009 00:20

Le discours de Nîmes **
 
Il ne serait pas loyal de terminer ces pages sans donner une indication sérieuse des capacités potentielles du travail maçonnique en matière d'initiation, c'est-à-dire d'introduction de l'apprenti dans l'ordre des réalités humaines, perçues dans leurs profondeurs, tant individuelles qu'universelles. Aussi convient-il de souligner quelques aspects de la nature des facteurs susceptibles d'apporter à chacun de ceux qui participent au travail maçonnique les éléments de sa construction en tant qu'initié.

La grande difficulté, quand on évoque l'initiation, c'est que les fantasmes les plus secrets se trouvent mis en mouvement, et que l'imagination se réfère à quelque mystère connu de rares individus ayant pratiqué des exercices difficiles et s'étant soumis à des épreuves redoutables.
 Quand on aborde ce thème avec des francs-maçons ordinaires, ils considèrent avec complaisance une activité de caractère dialectique, les mettant à même de comprendre ce qui se passe réellement dans l'ordre social, et leur ouvrant les portes d'une connaissance de caractère sociologique ou politique (au bon sens du terme, ne manquera-t-on pas d'ajouter).

Mais en réalité, quand il s'agit de la formation de la personnalité, les réactions sont plus hésitantes, et les propos entendus se confinent dans la description vague d'un conditionnement par la loge, ou d'une formation liée à la fréquentation d'êtres aux caractères divers. Il convient d'une part de sortir du vague, d'autre part de préciser, même si la chose apparaît primaire, les moyens dont disposent les francs-maçons pour mener à bien leur initiation personnelle et pour accéder à la maîtrise dont le symbole de la pierre polie ne cesse pas, de toute façon, de leur être proposé, quand bien même les discours qui se tiennent à son sujet demeurent des mots, des mots, des mots. 

Il faut donc dans les phrases qui suivent, et qui termineront ce discours, mettre l'accent sur les facteurs élémentaires de la vie maçonnique dont l'usage permet de dépasser le verbalisme sans vigueur de bien des déclarations d'intention, et de provoquer, chez chacun de ceux qui mettront en pratique les observations recueillies, une évolution intérieure susceptible de les affranchir d'une routine pernicieuse.

L'idée la plus simple, et qui n'est pas seulement maçonnique, a été de considérer, ce que nous savons tous, que tout peut être édifiant, et que l'on s'initie à partir de tout ce que le regard et l'esprit peuvent mettre en relation avec l'attitude et le comportement. Tout est moyen d'initiation. Mais encore faut-il, pour tirer profit de cette évidence a posteriori, examiner méthodiquement les ressources offertes par les pratiques quotidiennes, constantes dans toutes les loges.

C'est de là que nous devons partir, pour comprendre comment d'autres aspects plus singuliers de la vie maçonnique sont d'un grand profit quant à la maturation de chacun des maçons devenus, d'une certaine façon, opératifs.

L'entrée en loge 

On n'a pas commencé le travail maçonnique tant qu'on n'a pas compris la conversion qui s'opère par le passage du monde profane au monde sacré. La loge est l'espace sacré. Sa situation est intemporelle, sa position cosmique. Quiconque pénètre en loge se trouve projeté dans un monde où les forces cosmiques se trouvent concentrées. Les influences astrales jouent un rôle, comme les lignes magnétiques. Ce rôle, nous ne l'avons pas défini, ni mesuré, mais il existe, et se comporter comme si nous étions seulement des profanes dans un lieu sacré, c'est rompre une certaine qualité de relations. 

Sans insister sur le caractère particulier de l'atmosphère de la loge, il est nécessaire de comprendre comment la perception de la dimension du sacré peut conditionner nos pensées, nos attitudes et notre regard sur les choses. Il est très vrai que l'intensité de la prise de conscience nous détermine selon des forces que nous ne maîtrisons guère, et cela peut surprendre au point que beaucoup rejetteront une attitude trop respectueuse qu'ils qualifieront de mystique. 

En fait, entrer en loge, c'est se disposer à participer à la grande vie de la terre. Car nous n'avons pas encore compris ce qui pour certains est déjà une évidence : la terre est vivante. Le maçon dans sa loge est à l'écoute de l'univers obscur, comme il l'est à la contemplation des lumières. Sans aucun doute, il doit armer son regard pour percevoir mieux ce qui est en lui, dans la mesure où, détaché du monde, il peut prendre conscience de son équilibre intime et méditer sur les aspects les plus âpres de sa personnalité.

Mais ce regard, c'est le regard de l'initié futur, c'est-à-dire, le regard de celui qui, quittant le temple, découvrira le monde sacré qui est le monde de tous les jours. De son passage en loge il retirera le sens de la vision sacralisante, et ce qu'il verra dans la rue, les choses de tous les jours, prendront à ses yeux la vertu des choses éternelles. Ainsi recevra-t-il, dans l'ingénuité de sa démarche, la réponse à son interrogation première : où suis-je ?

Il dépassera la banalité des apparences pour tenter d'approcher le véritable visage du monde réel. Il sera capable de voir, alors qu'il n'était qu'un spectateur distrait. Les événements, les circonstances, les simples manifestations quotidiennes seront pour lui les expressions du vrai, du réel, de la permanence.

Le passage en loge lui aura découvert que ce n'est pas le monde qui doit changer, mais le regard que l'on porte sur lui, et ce regard, il découvrira par sa volonté appliquée, qu'il en est le maître. Ainsi sa conversion sera fructueuse. Et l'homme en lui aura changé.

Les postures 

On voit ici et là des tenues dont le moins qu'on puisse dire est que l'attitude des participants témoigne d'une certaine mollesse. Les bras ne sont pas tendus, les corps ne sont pas animés d'une énergie contenue, les regards sont vagues. Il faut, je crois, considérer tout geste comme un facteur de mobilisation spirituelle. La tenue personnelle est l'expression d'une dynamique intime qui est valorisante pour nous-même et pour tous. Il est bon de considérer l'unité de l'individu, dans la complexité de ses rapports entre l'esprit et le corps.

Le comportement est non seulement un facteur mobilisateur pour les forces intérieures, mais, sans aucun doute, une disponibilité affirmée pour recevoir les impacts des forces qui se jouent dans la nature. La présentation d'un être offert dans l'attente d'une mobilisation intime est un facteur déterminant pour la dynamisation de ses potentialités réceptives. Car l'attitude cohérente ordonne en nous les pensées et les émotions, fait taire les troubles passagers, et l'idéal serait en définitive que la tenue correcte permette de faire le vide dans l'esprit. 

C'est d'ailleurs ce que visent à obtenir les instructeurs militaires de leurs recrues, et il serait sot de négliger cette indication car c'est le commencement de la libération intérieure. Le vide de l'esprit est l'ouverture aux forces de l'inconscient qui remontent alors des profondeurs. Ces techniques de l'immobilité, de l'attente, dans le vide des pensées, peuvent être pratiquées sans aucune difficulté durant les temps de la préparation des travaux. Il suffît, mais cela est important, que la conscience de soi demeure active, et que l'attitude soit liée à une concentration résolue. Cela peut paraître contradictoire avec le vide de la pensée. Il n'en est rien.

La tension physique est déjà une présence à soi qui, dans la rigueur du comportement, trouve sa plénitude, mais cette plénitude comporte l'élimination du paysage factice et passager de l'esprit dans ses manifestations ordinaires. L'attention et la tension détendue se conjuguent pour faire surgir du fond de nous-même les forces accumulées depuis le commencement des temps. De même, la disponibilité de la conscience nous permet de nous imprégner des influences du monde extérieur. 

Car la grande leçon de la vie, c'est que tout est susceptible de participer à l'équilibre des forces spirituelles quand on prend l'existence comme un grand tout, ce qu'elle est indubitablement. Les perceptions extrasensorielles jouent un rôle si éminent dans notre comportement que le premier souci de chacun doit être de se mettre en condition pour les recevoir et en utiliser les ressources. C'est là le pouvoir des chamanes. Et c'est la possibilité offerte à tous.

Le silence 

Se taire est déjà prendre sur soi d'exister sans manifester son existence à l'extérieur. C'est donc faire preuve de force intérieure. Car toute la question est là. Il nous faut exister par nous-même faute de quoi nous sommes le jouet des choses extérieures, et la proie de l'instabilité permanente qui nous balance de-ci dé-là sans nous assurer de rien.

Le silence est déjà une prise de conscience de soi, dans la plus profonde des intimités et selon les données de la conscience, mais également en rapport avec l'inconscient. Car il ne s'agit pas ici du seul silence apparent, de l'absence de parole. Le silence qu'il convient d'obtenir de soi, c'est le silence intérieur. L'arrêt du défilé verbal qui ne cesse de hanter notre tête et que nous appelons la pensée.

On pense trop rarement et ce délire verbal qui nous hante est assurément tout le contraire de la pensée. Ce n'est en fait qu'une série de sons intériorisés qui défilent sans but ni efficacité, avec pour seul mobile d'occuper le devant de la conscience. Or, ce qui nous est précieux, c'est d'obtenir la communion de tout ce qui constitue la réalité de notre être, et, en particulier, que les éléments inconscients qui nous déterminent puissent se manifester de façon cohérente, sans être entravés par une agitation superficielle.

Le silence intérieur, donc, qui peut être obtenu par bien des moyens dont le plus immédiat est le refus des pensées superficielles. Certes, c'est avec une attitude corporelle appropriée que l'on pourra s'abstraire de soi. Mais cette attitude corporelle n'exige en fait qu'une concentration résolue. La prière, en Occident et dans le monde musulman, peut à la vérité constituer un facteur de silence intérieur, si l'on consent à cette prière qui n'est pas une demande, mais une offrande de soi aux forces supérieures. Que votre volonté soit faite ...

Il est dommage que les moyens de trouver la paix en soi apparaissent aux yeux de nos contemporains comme risibles et fassent l'objet d'un mépris qu'ils ne méritent pas. Toutefois rien n'empêche de retrouver le chemin de l'humilité. Ce qui par-dessus tout importe, c'est de ne pas s'abandonner sans exercer sur soi un contrôle physique comportant une tension musculaire et sensible. Point de mollesse, mais une volonté d'être au cœur même de l'offrande sacrée. Le silence est la voie des humbles, et le devoir des superbes. Sachons le cultiver. 

La parole 

La parole, c'est la vie. C'est la communication avec le monde de l'esprit mais également la communication de soi à soi. Les mots sont porteurs des choses, des émotions, des sentiments, et les prononcer ne va pas sans, d'une certaine manière, un engagement de soi. Voilà pourquoi il convient d'être parcimonieux en matière de parole. Trop souvent le discours est vide parce que les mots ne sont que des sons. Or chaque mot porte en lui l'objet qu'il désigne, et l'on construit le monde avec des mots si l'on sait les employer selon leur pesanteur et leur richesse. 

Déjà l'apprenti est condamné à se taire. Parce qu'il ne sert à rien de parler quand on n'a pas pesé la force des choses. Et le compagnon n'a pas loisir lui non plus de prononcer beaucoup de mots. Il lui faut élaborer son œuvre, et cette œuvre c'est d'abord et surtout lui-même. Se répandre en explication, en retour sur soi, en reprise, c'est perdre sa force en vain. Que ton "oui" soit "oui", que ton "non" soit "non", lit-on dans les Evangiles. Mais quand on n'a rien à communiquer, l'abstention est toujours préférable au discours.

Dans la plupart des cas, les hommes croient briller avec l'expression aisée d'une conviction articulée selon beaucoup de mots. Mais la percussion d'une phrase lapidaire est de beaucoup plus incisive que le délayage verbal. Les hommes qui ne tournent pas sept fois leur langue dans la bouche risquent deux choses : la première, d'interrompre celui qui parle, la seconde de ne pas peser suffisamment les mots qu'ils doivent employer. Au demeurant, pourquoi parler si ce n'est pas absolument indispensable pour avertir, instruire ou décider ?

La parole est avant tout l'expression de l'être, et se perdre en paroles c'est dépenser en vain des forces que la concentration réfléchie nous permet d'utiliser mieux à la confortation de nous-même. Qui a souffert de ne pas parler ? Celui, certainement, qui ne prend pas au cœur de son intimité la conviction qui l'inspire. Et cette faiblesse verbale est un signe d'immaturité, car c'est l'expression d'une sorte de désir de plaire, donc d'une insuffisance éprouvée. 

Quand le président d'une loge ménage les temps de parole, il fait un travail qui devrait être fait par chacun des intervenants de son propre mouvement. Car qui ne sait pas dire en peu de mots l'essentiel ne sait pas où est vraiment l'essentiel. Et son discours égare ceux qui l'écoutent. Celui qui parle ne sait pas. Celui qui sait ne parle pas. Un point c'est tout.

Le secret 

La vertu du secret, c'est qu'il faut le tenir. Et peu importe ce qu'il est, car c'est la contrainte sur soi qui compte. Le fait de se promener dans le monde lourd d'une charge invisible apporte à l'esprit et au cœur une dimension noble, et constitue un facteur d'édification sérieux. Le monde, dit-on, ne tient que par le secret. Et il est vrai que si tout était su, plus rien ne serait sacré. Car le secret est ici lié au sacré.

Seulement, en quoi consiste le secret maçonnique ? Certainement pas dans un projet ni dans un complot. Le temps des Illuminés de Bavière et celui des Carbonari est révolu à jamais semble-t-il. Non, le secret des francs-maçons, pour être sérieux, n'en est pas moins sans autre conséquence que d'être un élément actif de la formation du caractère et de la personnalité. L'épreuve est donc de tenir à l'abri des bavardages les travaux et les personnes de l'association. C'est déjà une rude gageure car la tentation est grande de céder à la vanité, et le désir de faire l'important est déjà un grand piège dans lequel tombent les ingénus qui ne se surveillent guère. 

Toutefois, au-delà de ce secret formel, qui compte, et qui est en quelque sorte une épreuve sérieuse, il y a le secret de l'élaboration intime d'un équilibre qui se cherche en chacun des participants au travail collectif. Le travail initiatique repose en effet sur l'approfondissement de la réflexion, sur la méditation et une certaine ascèse ; réflexion, méditation et ascèse qui exigent de chacun discrétion, et dont l'ostentation détruirait toute possibilité effective. 

Le maçon doit, cherche, et réussit en définitive à sauvegarder son intimité dans le cadre d'un travail collectif. La communication superficielle n'aurait rien à gagner d'un trop aisé laisser-aller qui la transformerait vite en bavardage dérisoire et futile. Or l'intimité de la conscience mérite respect, et d'abord de soi. On n'étale pas ses états d'âme, sauf au théâtre. Et alors c'est pour en délivrer ceux qui se taisent.  

En définitive, le secret maçonnique est la pierre de touche du maçon : il est sur la voie de la maîtrise quand il sait garder secret le plus précieux de son trésor : le sentiment de la présence à soi, qui lui donne la force d'être. Sur la voie de l'initiation, le secret est l'étape révélatrice de l'aptitude du jeune impétrant à poursuivre dans cette voie. 

Les francs-maçons 

Interrogeons-les ? Ils se voudraient tous dignes du modèle qu'ils ont forgé à l'usage des autres, et auquel ils se réfèrent quand il s'agit de les juger. Mais il convient à l'initié de ne pas juger ses frères, et peut-être est-ce là la leçon la plus cruciale que l'on apprend en maçonnerie. Parce que le déroulement de l'existence nous révèle combien nos jugements sont légers, et la diversité des jugements portés par les uns sur les autres est significative de l'incapacité où nous sommes de nous arrêter à une certitude concernant autrui.

Les hommes ne sont pas simples, et que sait-on jamais d'un homme ? C'est pourquoi il conviendrait de prendre sur soi d'examiner avec mesure toutes les procédures qui président au choix des nouveaux membres de l'Ordre. Rien ne permet a priori de définir celui qui, ayant trouvé sa voie, marchera en véritable initié vers la délivrance. Des conversions s'opèrent et la grâce touche bien des sceptiques.

La cooptation est un piège dont il ne faut pas surestimer les dangers. Après tout, le hasard déciderait aussi bien que nous du choix à faire. Et c'est en fait, compte tenu des aléas des procédures, le hasard qui décide. Au demeurant, chacun n'a de problème qu'avec soi. Les autres ont leurs propres problèmes ; contentons-nous de résoudre les nôtres, sans nous préoccuper de considérer avec quels moyens s'en tirent nos frères. N'intervenons pas, si nous le pouvons vraiment, sans vivre en homme libre.

Etranger aux ambitions et servant de son mieux là où il est utile, il recherche avant tout la sérénité, loin des jeux de la cité et du pouvoir. S'il est mêlé contre son gré à ces affaires, il dit le moins de choses possible, et cherche toujours à éclairer les difficultés, plus qu'à imposer sa façon de voir. Il est à l'écoute et ne prêche pas. Il est serviable mais ne s'impose pas. Il est respectueux d'autrui mais ne flatte pas. Sa vie est au grand jour, mais il se préfère invisible et son souci de discrétion est pour lui l'expression d'une humilité vraie, c'est-à-dire consciente de soi, dans la place qui est la sienne. 

Sans doute, ce sont de vieilles exigences, et l'originalité n'en est pas le point fort. Mais ce sont certainement ces exigences qui seront nécessaires demain et toujours pour permettre à l'humanité de survivre à elle-même. 

Faut-il qu'elle survive? C'est une autre question qui ne sera pas posée ici. Ce qui est dit l'est pour servir à ceux qui cherchent une voie dans l'ordre des pratiques ordinaires.

Jean Mourgues -
De la Franc-Maçonnerie ou "le discours de Nîmes" - Edimaf 1990


Maj 12 12 09 *
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4 février 2009 3 04 /02 /février /2009 08:22

Le discours de Nîmes *

Il n'est pas nécessaire de présenter Jean Mourgues aux francs-maçons. Tant de livres, d'articles, de brochures signés de son nom ou de pseudonymes, ont rendu familiers son style et ses idées à tous ceux qui s'interrogent sur la Franc-Maçonnerie, son côté initiatique, son impact dans la cité et dans la vie moderne, son devenir enfin. L'humanisme chaleureux, la foi maçonnique si haute et profonde qui habitent l'un des plus grands penseurs de la Franc-Maçonnerie contemporaine, viennent illuminer ses développements d'un enthousiasme communicatif. Pourquoi se priver de tant de raisons d'espérer ? La lecture du propos de Jean Mourgues est un plaisir d'une qualité rare que l'on souhaite naturellement partager. De là ces deux propos qui reprennent quelques idées fortes exprimées à Nîmes en 1988 par celui qui était alors le Souverain Grand Commandeur du Grand Collège des Rites.

Vers l'avenir …

Société initiatique des temps modernes, la franc-maçonnerie ne peut assumer son évolution, ou une éventuelle résurrection, que dans les perspectives d'une tradition immémoriale qui, reprenant les enseignements empiriques des premiers "voyants", ne peut s'ordonner que selon les nécessités d'une reconquête de l'homme par lui-même. Cette nécessité de ressourcement apparaît aujourd'hui indispensable devant les remontées d'un antimaçonnisme de mauvais aloi qui, dénaturant les ambitions les plus légitimes de chaque individu, condamne l'Ordre à une déviation sociale de défense qui trahit sa vocation.

On le sait, certains veulent faire remonter l'Ordre maçonnique aux origines. Ils paraissent aux yeux de certains autres comme de doux plaisantins. Toutefois, nous ne saurions ignorer que les sociétés initiatiques sont recensées dans toutes les études dont le caractère peut être défini comme originel. Que ce soit en Afrique, dans l'Inde, en Amérique, ou en Chine, on recense des sociétés à tendance initiatique, dont le caractère secret a fait l'objet de bien des études. Que ce soient les Indiens Hopi, ou les Bambaras, l'étude des pratiques rituelles de ces ethnies est édifiante sur ce point, et il suffit d'évoquer les traditions initiatiques d'Eleusis pour marquer que le fait de l'existence de sociétés initiatiques est patent dans la tradition grecque, comme elle l'est dans la tradition égyptienne.

Est-ce à dire que les loges de francs-maçons qui ont essaimé en Europe au début du XVIII' siècle sont directement issues des pratiques rituelles antiques ? Nul n'oserait le prétendre. Toutefois, il est admis que ce sont les loges de maîtres maçons bâtisseurs de cathédrales qui ont fourni le cadre à l'institution moderne. Mais les loges ont été créées à une époque bien particulière, dont il serait éclairant de préciser les traits essentiels. Cette époque est conséquente à la découverte de la rotondité de la terre et à la découverte d'espaces comme de peuples nouveaux. Le centre du monde a cessé d'être Rome comme La Mecque.

Et cette indication est précieuse, car elle trouve son analogie avec l'extension spectaculaire des voyages dans l'espace, qui caractérise notre propre temps. Le besoin de savoir, de communiquer, de se retrouver au-delà des conflits sociaux et religieux fut toujours éprouvé comme une exigence humaine. Les hommes se sont reconnus, peut-être face à cette planète inconnue qui s'ouvrait aux explorations et qui leur offrait tant de spécimens humains nouveaux. La constitution des loges répond à un souci qui apparaît à quiconque s'est avisé de l'ampleur de ce que l'on a appelé avec Paul Hazard la crise de la conscience européenne.

Dès lors que la féodalité était ruinée, que l'ordre religieux était rompu, il s'imposait de reconstituer un tissu social susceptible de répondre aux besoins des temps. C'est une aristocratie de la culture qui se substitua à l'aristocratie nobiliaire et souveraine, et cette aristocratie de la culture se manifesta dans sa dimension universaliste : les artistes, les créateurs, les militaires, les aventuriers parcoururent l'Europe comme une patrie unique, et cette patrie avait pour tissu le réseau constitué par les loges, dont le rôle convivial était alors à la mode, et même constituait l'attrait principal pour les voyageurs sans bagages.

C'est ainsi que l'on vit s'établir, partout où les esprits s'ouvraient à la connaissance, des carrefours où les beaux parleurs, les brillants interprètes venaient présenter leurs talents. Circulaient ainsi des hommes de qualité, mais également bien des individus douteux. De Casanova, à Mozart, de Cagliostro à Mesmer. Avec les hommes circulaient les idées, et le monde s'offrait à la curiosité des marins d'aventure et des imaginations fertiles.

Toutefois, il faut remarquer deux choses : la première, c'est que la franc-maçonnerie se développait comme une institution anarchique et dans le désordre de l'ambiguïté, voire l'équivoque, et que les ambitieux et les politiques surent parfaitement comprendre quel instrument elle pouvait constituer pour des opérations de caractère politique et social.

C'est ainsi que les Illuminés de Bavière furent une menace pour l'ordre public. La période du despotisme éclairé constitua la période clé pour l'évolution. C'est seulement l'échec de la royauté en France qui fut à l'origine de la Révolution : la faiblesse engendre l'anarchie, et l'anarchie appelle la tyrannie. La convivialité maçonnique s'abîma dans l'affrontement populaire, et, si l'on peut dire que les loges amorcèrent le courant de liberté qui suscita les crises révolutionnaires en Europe, les maçons payèrent très cher leur libéralisme et le nombre de ces aristocrates libéraux qui périrent sous la Terreur est un triste bilan quand on fait le compte des sacrifices à la Révolution.

C'est alors que se produisit une rupture capitale dans l'Ordre maçonnique, jusqu'ici pratiquement unifié en Europe. Le divorce entre la France et l'Angleterre provoqua entre le monde anglo-saxon et le monde catholique une séparation que, maçonniquement, rien n'allait plus pouvoir effacer. Les maçons anglais réglèrent leurs différends internes entre anciens et modernes tandis que Napoléon, en politique génial, entendait se servir des réseaux constitués par la franc-maçonnerie renaissante pour s'assurer une mainmise administrative sur le pays et sur les territoires annexés par droit de conquête.

Les loges militaires et les loges administratives se constituèrent et rayonnèrent alors, dans l'Europe, avec une détermination hostile à la suprématie anglo-saxonne que les effets de la Sainte Alliance ne parvinrent pas à faire oublier. Il faut comprendre que le rôle des loges fut toutefois essentiel, quand la tourmente révolutionnaire fut apaisée, pour ramener la bourgeoisie naissante dans le sentiment de la convivialité nationale. Des hommes comme le duc Decazes, en France, furent, en raison de leurs talents, les pacificateurs. Et si l'on vit les notables, en dépit du Concordat, fréquenter encore les loges sous la Restauration et sous Louis-Philippe, c'est que le propos fraternel et universaliste demeurait vif dans la tradition maçonnique.

Cela ne nuisit nullement à la circulation des idées, et l'époque fut fertile en chimères : celle des saint-simoniens, celles des écoles phalanstériennes, celle des écoles socialistes reçues et diffusées par les milieux maçonniques donnèrent naissance à ce triomphe de la science appliquée qui constitua, au cours du XIX' siècle, au prix de la souffrance et de l'oppression ouvrières, les bases de la prospérité de l'Europe industrielle.

L'apogée de la réussite fut la période du Second Empire, où l'on vit des francs-maçons, comme Lesseps ou Enfantin, donner toute leur portée aux initiatives suscitées par les progrès scientifiques. En contrepartie, les loges furent toujours plus ou moins surveillées et, jusqu'à la République en 1875, qui les considéra comme des instruments d'émancipation sociale et des centres d'influence électorale, les loges joueront, par rapport aux pouvoirs établis, le rôle de formateur des citoyens républicains.

L'histoire de la franc-maçonnerie aurait tendance à se confondre avec la progression des doctrines sociales si, précisément, elle n'offrait le spectacle d'un combat de génération, combat qui donna naissance à bien des contestations, bien des reniements et bien des accusations. C'est parce que la franc-maçonnerie a été identifiée à la République qu'elle fut l'objet de continuelles attaques calomnieuses et que les pires desseins furent prêtés à ses membres. De toute façon, si la franc-maçonnerie fut vouée aux gémonies par les détenteurs de pouvoirs occultes, c'est que certains de ses membres, avides de jouer un rôle politique, se servirent de l'ordre comme d'un tremplin. Ils contribuèrent, de ce fait, à la dégradation de l'idéal spirituel de la franc-maçonnerie en réduisant son rôle à celui d'une fraternelle républicaine.

Ce qui est arrivé sous l'Occupation fut la conséquence d'un triomphalisme stupide. De 1920 à 1940, la franc-maçonnerie s'est contentée d'un rôle mineur et s'est laissé griser par l'illusion du pouvoir. Les idéaux maçonniques, inspirés par la volonté de connaître, par le souci d'explorer les avenues ouvertes sur la paix sociale et sur la fraternité, ne permirent jamais à l'Ordre de représenter pour la jeunesse un centre d'inspiration, ni aux maçons des modèles pour les générations montantes.

Cela donna lieu à bien des discussions dans les loges, et les questions liées au secret maçonnique, à l'extériorisation furent posées, sans jamais être tranchées de façon claire en raison du péché originel de la franc-maçonnerie moderne, qui fut d'être asservie au pouvoir politique. Sans doute y a-t-il là une aberration dont il faut rendre compte et une analyse à conduire, si nous voulons découvrir ce qui doit apparaître comme la voie offerte à la franc-maçonnerie de demain. Il est un fait certain, c'est que la franc-maçonnerie existe et donc qu'elle doit correspondre à un besoin, c'est-à-dire à une nécessité organique.

A cette nécessité organique, on ne voit pas d'autre explication que le besoin d'intégration sociale de l'individu dans l'ordre communautaire. C'est la tradition initiatique qui inspire la pérennité de l'Ordre, mais encore faut-il comprendre sur quoi peut déboucher l'initiation. Nos sociétés, à l'heure actuelle, ne peuvent plus se satisfaire d'un formalisme religieux qui se trouve à la fois contesté par d'autres formalismes et mal compris de ceux qui le pratiquent. N'oublions jamais le caractère singulier de la nature humaine (parce que c'est celui de la nature en général), qui assure sa pérennité par la multiplication des possibles.

C'est l'individu qui a valeur de promesse, et les collectivités ne durent que dans la mesure où elles assurent la perpétuation de l'individu. Cette individualisation de la valeur progressive se découvre quand on suit le processus de la dégradation totalitaire : le processus qui conduit l'Eglise totalitaire à la revendication protestante s'achève dans l'aspiration à la liberté de conscience individuelle. Et cette liberté de conscience, nous la comprenons comme l'exigence pour chacun d'une entière liberté de jugement, donc d'information, et nous la conjuguons nécessairement avec un individualisme fondamental (même si c'est pour parvenir à la conclusion que l'on ne peut vivre qu'en communauté).

Il nous faut comprendre une des données fondamentales de l'Ordre : la liberté de conscience c'est le passage à l'universalisme par l'individualisme souverain. Nous nous heurtons constamment à cet obstacle insidieux qu'est le dogmatisme, obstacle qui paralyse toute évolution et qui se dresse face à l'individualisme créateur. La franc-maçonnerie, en raison des influences profanes, a peut-être été contaminée par une espèce de sectarisme matérialiste qui a repoussé la fraternité dans les coulisses de l'Ordre. Comme si, demain, une science de la vie collective pouvait apporter la réponse. L'expérience est faite, et les vrais savants sont les premiers à connaître non seulement les limites de leur savoir, mais celles où doit se maintenir leur pouvoir.

Les lumières qui, aujourd'hui, éclairent les allées de la connaissance après nous avoir éblouis nous laissent sans ressource devant la pire des menaces, celle qui naîtrait d'une faillite de la fraternité. Or cette fraternité est essentielle à la paix entre les hommes. C'est une évidence que le refus de reconnaître l'autre est l'obstacle aux rapports créateurs qui pourraient s'instituer sur la terre des hommes.

C'est parce que je ne sais pas reconnaître mon semblable dans l'être humain qui ne partage pas ma langue, ou ma croyance, que les rivalités économiques dégénèrent en oppression. Et c'est le drame du XX siècle d'avoir découvert l'inégalité des conditions sans concevoir le danger que représente potentiellement toute inégalité. L'humiliation n'est jamais féconde. L'égalité est en effet la source nécessaire de la reconnaissance mutuelle et, si la liberté en est le fondement, l'égalité en est la manifestation. C'est parce que chaque homme est porteur de lumière qu'il est une promesse pour l'humanité.

C'est dans la loge que peut et que doit se faire l'apprentissage de la liberté pour ceux qui aspirent à l'initiation. Le caractère universaliste de la tradition maçonnique trouve dans le respect de chacun la clé de sa valeur exemplaire. Ce n'est pas que le passage de la loge à l'humanité ne fasse pas trop souvent problème : mais on oublie le nécessaire retour à l'individualité. C'est l'individu qui est au centre du débat, c'est lui qu'il s'agit de libérer.

Nous naissons tous conditionnés : par notre hérédité, par notre éducation, par notre milieu et l'éducation que nous recevons. Ce conditionnement est un facteur de survie indiscutable. Mais la personne humaine n'est adulte, et sa vie morale ne commence que lorsqu'elle dispose de soi librement, c'est-à-dire lorsque l'individu s'est affranchi du conditionnement qui le soumet aux opinions, aux mouvements de foule, et qui lui interdit de se prononcer en raison selon le libre jugement de sa conscience. L'idéal maçonnique n'est pas l'individu soumis et conditionné par une institution, mais l'individu capable de s'élever au-dessus des apparences pour définir sa conduite en toute sérénité.

C'est l'homme maître de lui, et suffisamment averti des diversités du comportement humain pour s'élever jusqu'à la compréhension des manifestations les plus opposées de la culture. La mission de l'institution maçonnique, dans sa vocation initiatique, consiste à faciliter la clarification des rapports de chacun avec lui-même, avec les autres, avec l'univers, clarification que l'on entreprend dans la loge entre frères qui ont à se policer, à se découvrir et à découvrir la valeur irremplaçable du semblable. Mais clarification que l'on poursuit toujours plus ou moins seul. Même si c'est au milieu des autres, dans l'effort de lucidité consciente qui est le destin de chaque esprit.

Symboliquement ouverts sur la lumière, marqués par le détachement dans l'action, et semblables à tous les itinéraires rapportés par les diverses traditions - du moins pour le fond - nous sommes au cœur même de l'ordre vécu. Et nous nous trouvons devant un projet social, une tentation intellectuelle de connaître, et un processus vital, intime et crucial qui nous conduit à prendre en charge la condition humaine, du moins en ce qui nous concerne personnellement. Faut-il à partir de là, imaginer une diffusion, une concertation conviviale, afin de répandre une parole ? On peut s'interroger. Est-il opportun de donner une dimension unitaire à une recherche prospective singulière ? C'est là un double problème.

Le premier se résoudra empiriquement - la conversion à la vie intérieure doit être suscitée par l'exemple et chacun rayonne ce qu'il peut. Le second, la connaissance, devrait apporter l'occasion de communiquer sinon des expériences, du moins une atmosphère de recherche, la nécessité d'une ascèse, une aspiration confortée par l'espérance fraternelle. Comment y parvenir sans commencer par la reconnaissance de l'autre, dans son originalité et dans sa foi ? Peut-être ceux qui rêvent d'une puissance maçonnique réglant l'ordre universel ont-ils de grandes espérances.

Mais la solution administrative n'est qu'une chimère. Toute institution nourrit en son sein les germes de sa propre division. Chaque fois qu'une institution se développe, elle développe en même temps des tendances opposées à ses propres objectifs, et le danger qui menace la franc-maçonnerie, c'est précisément qu'elle devienne, au lieu d'une institution à vocation émancipatrice, un appareil.

Il faut en effet reconnaître que la tradition maçonnique repose sur un certain nombre de mythes dont l'effet est plus ou moins affaibli, je veux dire : le mythe de la perfectibilité des individus, et par eux, des sociétés, le mythe de la mort et de la résurrection qui est le mythe d'Hiram, le mythe de la fraternité universelle. Il conviendrait, semble-t-il, de terminer ces propos par une mise au point considérant cette dégradation permanente de tout système mythique.

La première observation sera liée aux déclarations des francs-maçons traditionalistes concernant la perte de la pureté originelle, la chute, la dégénérescence. Il faut comprendre par là que l'unité inconsciente de la société fondée sur le mythe devient, en raison des événements et des évolutions, une sorte de toile de fond ajourée. Tant que l'évolution est insensible et que les participants aux rituels croient fermement reproduire exactement les méthodes et les pratiques consacrées, il n'y a pas de mal. Mais lorsque l'écart devient très grand, et que les historiens viennent témoigner de cet écart, le malaise social est tel qu'une crise se déclare. Cette crise que l'on nommera révolution, mais qui a pris en d'autres temps le nom de schisme, de guerre civile, se pare toujours d'une volonté de ressourcement et d'un retour aux origines.

Une seconde observation : la légitimité sociale est toujours centrée sur un absolu - absolu mythique, certes, qui est plus ou moins perçu par l'ensemble des individus constituant la communauté, mais qui fonctionne comme référence permanente : ce fut, aux temps de la Rome primitive, le mythe de Romulus et de Remus, puis le culte de la République, puis celui des empereurs, puis au temps du christianisme, l'avènement de la cité de Dieu, enfin, pour les républicains modernes, la liberté. De nos jours on voit se dessiner une autre référence universelle (potentiellement), la référence aux Droits de l'homme. C'est une sacralisation qui est sur le point d'occulter la référence à la vérité, à la démocratie et à la volonté divine.

La troisième observation concerne l'activité artistique. L'art est l'interprète du sacré. Quand la production artistique devient individuelle, quand l'unité de l'art se défait, il y a ce que l'on appelle pudiquement décadence. Cela signifie que la fonction de l'art cesse d'être globalement sociale pour devenir l'apanage de groupes particuliers, d'écoles, de chapelles.

Je conclus simplement en soulignant que toute société tient sa cohérence et sa consistance de la référence mythique qu'elle secrète et qu'elle cultive dans l'ensemble de ses activités rituellement assumées. Quand ce mystère semble se défaire, c'est qu'il se reconstitue obscurément d'une autre manière, et l'on peut dire que tout ce qui apparaît précisément comme mythique, au sens d'illusoire, est lié aux systèmes désuets, abandonnés et rétrogrades.

Mais en revanche, ce qui constitue le ciment de la société qui se régénère se reconnaît à ceci qu'il est donné comme une vérité indiscutable, et comme un absolu de la foi : quiconque y touche est considéré comme profanateur. Il suffit de constater ce qui se passe dans le monde pour comprendre les fondements de la société future : ces fondements sont liés aux hérésies sociales. Or les hommes ne se délivreront du conditionnement social que par la pratique d'une vie intérieure communiant avec la vie spirituelle de l'humanité éternelle. Voire avec la spiritualité cosmique.


Jean Mourgues - De la Franc-Maçonnerie ou "le discours de Nîmes"
Edimaf 1990


Maj 12 12 09 *
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31 janvier 2009 6 31 /01 /janvier /2009 09:50

La littérature maçonnique moderne fournit beaucoup de contestations concernant le symbolisme Imaginatif et les interprétations exagérées des symboles proposés à la réflexion du franc-maçon.

Témoignages :

J. R. Rylands - Loge Quatuor Coronati :

"La Franc-maçonnerie risque peu de souffrir beaucoup des attaques d'ennemis extérieurs à ses rangs, mais elle pourrait bien souffrir des activités de ses membres enthousiastes mal avisés. Il est difficile d'évaluer l'étendue du mal fait à la chaude amitié de l'Ordre et qui pourrait être fait à l'avenir par l'activité de ce que nous pouvons appeler l'école pseudo-mystique [...].

Et cependant, cela existe sans aucun doute, et dans son rejet de tout canon de l'étude historique réelle, et dans son refus méprisant de méthode scientifique, dans sa facilité extravagante à inventer, dans sa substitution de l'individualisme à la fraternité, les efforts de cette école sont diamétralement opposés aux objectifs de cette Loge. […].

Comment un esprit de recherche critique peut-il exister là où l'Ordre est considéré comme un culte pseudo-mystique ? [...] Nous reconnaissons qu'il y a de la place, dans la Franc-maçonnerie, pour toutes catégories et écoles philosophiques avec certaines limites [...]. Mais je suggère que nous devrions toujours regarder avec inquiétude l'émergence d'un dogmatisme là où la liberté d'interprétation a prévalu jusqu'à présent [...].

Et cependant on ne peut pas nier que le dogme a sa place dans différentes explications de la Franc-maçonnerie qui ont cours aujourd'hui. Avec beaucoup d'étalage de jargon philosophique on nous dit que la Franc-maçonnerie est ceci et cela, et on nous invite à accepter une foule de significations plus profondes et de symbolisme caché".
 

F. R. Worts - avertissement aux étudiants en franc-maçonnerie (1923) :

"L'Ordre moderne est essentiellement spéculatif, et chaque Maçon doit nécessairement être spéculatif d'une certaine manière dans son attitude face à ses principes ; mais il y a une tendance largement répandue à repousser les limites de la vraie recherche spéculative et à exagérer les valeurs symboliques.

Cette tendance s'était déjà fortement développée vers la fin du XVIIIe siècle, et dans les temps modernes elle est devenue à la fois dangereuse pour l'Ordre et pour la compréhension correcte de ses exigences morales et de ses enseignements. Malheureusement ce symbolisme incroyablement exagéré a été enseigné par des Francs-maçons sincères et célèbres tels que Oliver, Paton Fort Newton et Wilms Hurst, qui ont exercé beaucoup d'influence à leur époque [...].

De tels extrêmes d'interprétation spéculative sont inacceptables [...]. Les explications symboliques qui sont virtuellement standardisées dans les rituels modernes sont claires, simples et totalement satisfaisantes. C'est le droit incontesté de chaque Maçon de rechercher plus loin les interprétations qui combleront ses besoins spirituels. Mais il devrait se rappeler la ligne de Tennyson sur la "fausseté des extrêmes et être peu enclin à accepter les plus larges explications" jusqu'à ce qu'il puisse le faire avec entière conviction".
 

E. Ward - Prestonian Lecture (1970) :

"Les mots étant des symboles pour faire passer des idées dans l'esprit humain, il s'ensuit que sur de longues périodes leurs significations changent de même que les sujets qu'ils décrivent changent eux-mêmes. Dans les premiers temps de la Franc-maçonnerie beaucoup de mots véhiculaient pour nos prédécesseurs des sens très différents de ceux qui sont communément compris aujourd'hui".


H. Ward à la quatrième page des "résumés" de la Loge Quatuor Coronati (1969) :

"Découvrir votre propre interprétation de nos symboles est la meilleure sorte d'exercice maçonnique ; le seul danger est que cela peut vous conduire trop loin des explications normalement simples qui étaient prévues. Beaucoup d'entre nous ont vu des exemples extraordinaires et tirés par les cheveux qui n'ont aucun rapport avec la Franc-maçonnerie et qui n'auraient jamais pu exister dans les esprits de ceux qui ont rassemblé ou approuvé les véritables mots et procédures qui sont en usage aujourd'hui ".

La symbolâtrie (vénération excessive des symboles) rend le symbolisme complexe et obscur. Elle engendre un éloignement inutile du simple symbolisme originel adopté pour une meilleure compréhension de concepts moraux ? La Franc-maçonnerie ne définit pas la signification des symboles. Elle invite ses membres à spéculer sur leur sens. Cette liberté d'interpréter est bonne, mais quand elle est poussée à l'extrême elle peut n'être d'aucun bénéfice, et être même dangereuse pour ceux qui n'ont pas une culture maçonnique suffisante.

Les symboles sont à utiliser pour une meilleure compréhension des concepts qu'ils supportent. Ils ne doivent pas être vénérés au point de devenir le but final de la recherche de ceux qui cherchent à tirer de leur interprétation une satisfaction émotionnelle, plus qu'intellectuelle.


Maj 12 12 09 *
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6 janvier 2009 2 06 /01 /janvier /2009 14:17

 

 

(Il est inutile de présenter) une liste complète des Grades prétendus maçonniques ou plutôt des aberrations de toute nature, pratiquées, pendant un siècle et demi, par des hommes dits d’élite ; inventés par des Maçons qui, doutant de la puissance civilisatrice de la Maçonnerie symbolique, croyaient devoir recourir à une extension de moyens ; ou créés, en plus grande partie, par d’adroits spéculateurs qui, connaissant le faible humain pour les décorations et la vanité, ont enté sur la belle simplicité des trois premiers degrés, qu’ils n’ont pu parvenir à détruire, des systèmes faux et souvent absurdes ou horribles, persuadés que l’appât de la nouveauté attirerait des dupes, dont le nombre aujourd’hui est encore considérable.

Ils existent ces grades, il faut donc les connaître pour les apprécier. Mais tout Maçon qui les range au dessus des trois premiers degrés n’a pas la conscience de la valeur de ces derniers ; nous oserions même ajouter qu’il ne les connaît pas. De quelle utilité un tel maçon, presque profane, peut-il être dans l’institution ?

Cette ignorance, qui déshonore son jugement, ne peut provenir que du manque d’instruction dans son atelier. Au lieu d’y recevoir la lumière maçonnique, on désépaissit à peine les ténèbres du monde profane. Alors, il n’est pas étonnant que les divagations plus ou moins éloquentes des orateurs des chapitres lui fassent oublier les pâles allocutions de sa loge. Ce sont tous ces hauts grades qui ont attiré sur l’institution primitive des persécutions et une défaveur qui, jamais, ne l’auraient atteinte.

Sans toutes ces vaines superfétations, les Lefranc, les Baruel, les Proyart, les Cadet-Gassicourt, les Gyr et autres écrivains non initiés n’auraient pas écrit contre la Maçonnerie. On sait, depuis longtemps, le cas qu’on doit faire des grades templiers et autres qui avaient des meurtres à venger ; et dans quel discrédit sont tombés les systèmes alchimiques, bibliques, cabalistiques, hermétiques, lévitiques, théosophiques et autres, basés sur le philosophisme, la magie, etc …

Et l’on sait aujourd’hui que le Rite écossais est une jonglerie inventée ailleurs qu’en Écosse, et que le dernier ordre du Temple ne fut qu’une création moderne, soutenue à l’aide de l’audace et de la fronde, et qui ne remonte pas au-delà de 1804.

Renonçons donc à toutes ces innovations schismatiques, hiérarchiques, à toutes ces superfétations hétérogènes, sectogènes. Laissons de côté tous ces titres pompeux et ridicules, tous ces cordons, hochets honteux de vanité, et revenons, de bonne foi, aux utiles effets de l’initiation maçonnique et à sa simplicité primitive ; dans elle seule se trouvent l’union, l’instruction et la force.

Puisse le siècle ne pas s’écouler avant que notre vœu soit accompli !

J-M. Ragon - Tuileur Général de la Franc-maçonnerie - (Nomenclature de soixante quinze maçonneries, cinquante deux rites et plus de mille quatre cents grades).

Ainsi les hauts grades sont sectogènes et le Rite écossais une pure "jonglerie" qui ne nous vient pas d’Écosse mais est le fruit de la cupidité de certains et de la vanité des autres. Et Ragon sait de quoi il parle puisqu’il est trente-troisième du Rite écossais Ancien Accepté, dignitaire du Rite de Misraïm et de l'Ordre du Temple de Bernard-Raymond Fabre-Palaprat ... Autant parler de ce que l’on connaît … Ceci ne valide pas pour autant, les prétentions des (hauts) grades "dits" de sagesse, du Rite Français que le Grand Orient a adopté comme dénominateur commun.
                                                                                                   Voir la tentation de Blois


Maj 12 12 09 *

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4 janvier 2009 7 04 /01 /janvier /2009 16:35

 

"On n’est jamais initié que par soi-même" (Rituel) ...   

 

La franc-maçonnerie se déclare comme un ordre initiatique. L’initiation apportée par l’opération du rite donne la "grande lumière" symboliquement. Elle indique le chemin, un chemin dont on apprend qu’il faudra le parcourir, quite à en découvrir l’entrée et à en explorer le cours. Parce que la franc-maçonnerie n’a pas d’enseignement ni ne catéchisme avec des dogmes et ne veut pas être une école avec un programme d’enseignement, elle laisse l’initié au début du chemin. Indiquant bien que c’est à l’initié de continuer sa recherche en prenant sur lui-même, sans espérer le concours d’un maître ou d’un guide ou d’un gourou. Initié certes, mais seul. De temps en temps quelques balises lui permettent de se recaler s’il veut bien continuer sa route (initiation au second, à la maîtrise, maître secret, Royal Arch, 14ème et 18ème, 30ème) ... Des outils, des balises, des symboles, des mots et des signes lui sont montrés. Des émotions, des intuitions, des mythes émergent d’autres mondes. Des états modifiés de conscience manifestent des fonds d’êtres. Des formules sèment des alertes : "Connais toi toi-même ...", "Je suis celui qui suis... Je suis" ...

 

Initié certes, mais il faut suivre le chemin seul. Des frères sur leur propre chemin accompagnent le mouvement. Mais aucun n’est guide. Aucun n’indiquera de direction. Personne aux carrefours. Compagnons certes sur les voies de la Lumière, mais pas forcément sur la même voie ni aux mêmes étapes. Parfois des rencontres dans des auberges communes au hasard des cheminements. On raconte. On rend compte. On échange mais on ne dort pas forcément au même étage. Dès lors comment s’initier soi-même ? Entreprendre de se connaître soi-même. Qui est soi-même ? Cela suppose qu’il y ait un soi-même et qu’il y ait un outil qui permette de l’observer. On appellera cet outil "la conscience" cette capacité qu’on a de s’examiner soi-même. Cela suppose aussi qu’il y ait quelque chose à observer, qui forme l’être, on dira le "Soi". "... le Soi étant le lieu mystérieux où il puise toutes ses ressources" ... dans l’inconscient ou le soma, qui se manifesterait par l’intuition, par l’émotion et qui nourrirait l’intuitif et se trouverait au ventre, par opposition au cerveau qui active la conscience en sa faculté d’analyse par les moyens de la raison (mental, pensée ...) laquelle remonte la chaîne des effets et des causes.

 

L’émotion au sens qui met en mouvement, anime et donne l’existence deviendra donc l’outil qui permet d’aller à la connaissance du soi … ou simplement d’en approcher. Rappelons que l’initiation est fondée sur l’émotion (Aristote), sur le mythe, le signe et le symbole, sur l’intuition plutôt que sur la raison analytique et discourante. Initié par soi-même ! Mais initié à quoi ? Initié à Soi, bien sûr, parce ce que "en se connaissant soi-même, on parvient à connaître l’univers et les dieux" (Socrate), c’est-à-dire le monde et la vie. Car ce qui fait que "Je suis ce que je suis", le Soi, ne résulte pas exclusivement de ce que j’ai acquis de mon vivant par l’éducation dans la société. Pour une part essentielle il pré-existe à la conscience que j’en ai acquis même s’il se trouve enfoui sous les leurres et les strates de l’éducation qui ont façonné mon Moi historique. Je ne trouverai "Ce que je suis", je ne me "connaîtrai moi-même" qu’en fouillant dessous les masques acquis. Peut-être trouverai-je que je suis piloté, conduit, inspiré, orienté, averti, conseillé à mon insu par ce fond essentiel de l'être qui vit malgré que j’en ai ?

 

Je ne sais ce que je découvrirai au bout de la route. C’est ce qui fait la passion du voyage. De ce que je connais face à ce que je connais pas encore ou que je ne connaîtrai jamais ou que je ne peux pas connaître ou que je ne veux pas connaître, qu’est-ce qui est le plus déterminant pour la vie ? Est-ce que ma vie pourrait se suffire de ce que je connais d’elle ? Ou bien puiset- elle dans des fonds où m’a conscience n’est pas encore parvenue ? Ma vie peut survivre en dehors des décisions que je prends en toute conscience et même elle survit malgré mon indifférence, mon ignorance, mon inconscience. L'initiation me conduit sur le chemin qui même au fond de l'être, au delà des obstacles qui l'enfouissent. Sur cette route, on peut m'encourager, me supporter, me conseiller ... Personne ne peut y aller pour moi.

 

Cyrille , 4 janvier 2009         


MAJ 7 12 2010 *

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4 janvier 2009 7 04 /01 /janvier /2009 08:06

Un tribunal en Maçonnerie où manquent les moyens coercitifs, quelle déception l II y a des statuts et des règlements ; si un frère y manque, ou à l'honneur, l'atelier, sur les conclusions du rapport fait ad hoc, prononce une interdiction temporaire ou la radiation sur le tableau, cette formalité réglementaire est toute la justice maçonnique …

Des autorités maçonniques, sur des plaintes qu'elles eurent, quelquefois, la faiblesse d'écouter, faites par des auteurs dans un but d'instruction et d'utilité, n'ont pas craint, dans le dessein, sans doute, de faire preuve d'autorité, de compromettre leur haute et grave position, en s'érigeant en tribunal - mot étrange en Maçonnerie - à l'effet de prononcer des jugements et même des pénalités pour ces sortes d'infractions qui, souvent avaient eu lieu antérieurement, avec de moins bonnes intentions, sans que l'institution en fut, le moins du monde, ébranlée …

Voici, d'ailleurs, ce qu'en dit un auteur très compétent, ancien officier du Grand Orient :

Un jugement en Maçonnerie n'est et ne peut être qu'une triste et ridicule parodie des jugements rendus, dans la Société, par les tribunaux. On y essaie les mêmes forme ? Ou, du moins, leurs ombres …

D'abord, il a toujours paru fort inconvenant qu'une Société, sans caractère légal, se permette d'imiter les formes et de prendre les noms des institutions civiles ou religieuses les plus importantes : c'est manquer au respect que l'on doit à ces institutions.

En second lieu, par la nature même des choses, il y a deux formalités essentielles, dont le défaut annule radicalement toute procédure dans la Société et qui ne pouvant être constatées en Maçonnerie, font que tous les actes auxquels on ose donner le nom de jugements ne sont que de mauvaises plaisanteries. Ces deux formalités essentielles sont la citation de l'accusé et la signification du jugement.

A moins que la partie intéressée consente à signer un récépissé de ces deux actes, il est impossible, faute d'officiers ministériels, de constater qu'ils ont eu lieu. Il n'en peut donc résulter qu'un jugement par contumace, qui est nul de plein droit. Il est vrai qu'on envoie un frère dans le parvis du temple, pour sommer l'accusé de comparaître. On a comparé celle formalité ridicule à la plaisanterie des convives qui appellent les absents par dessous la table.

Et quand même des jugements contre des accusés, cités d'une manière aussi dérisoire, ne seraient pas le comble de la sottise, tout contumax n'a-t-il pas la faculté de se faire juger de nouveau, en se présentant ?

Comment ose-t-on donc mettre en tête de ces prétendus jugements, qu'ils sont prononcés souverainement et sans appel ? Qu'un Maçon ait forfait à l'honneur, dans ce cas, la Société a le droit de discuter les fait, de recueillir l'avis de ses membres, et de rayer de son tableau celui qui lui parait coupable.

Mais, que l'accusé se présente ou non, une société libre où le lien est tout fraternel et l'autorité toute gracieuse, n'aura jamais le droit de soumettre un de ses membres à la forme humiliante d'un jugement pour des erreurs maçonniques, pour des dissidences.

Une procédure et un jugement maçonniques qui, par les noms imposants qu'on ose leur donner, tendent a déshonorer des Maçons aux yeux des hommes qui se laissent séduire par la pompe des mots, ne déshonorent que les juges, ou, plutôt, en font, tout à la fois, et des Perrin-Dandin, possédés de la manie de juger, et des Scapins qui foudroient leurs ennemis, pour les faire rire. - Extraits des Travaux maçonniques du Frère Chemin-Dupontès, Officier du Grand Orient – 4ème cahier.

J-M. Ragon – Rituels (Inquisiteur, Commandeur – 31ème degré) – Editions du Prieuré.

Jean-Marie Ragon de Bettignies (1781 - 1862) fut initié à la franc-maçonnerie en 1804 à Bruges. Il fut membre du Grand Orient De France, du Rite de Misraïm, de l'Ordre du Temple de Bernard-Raymond Fabre-Palaprat. Il fonda et présida la célèbre loge parisienne "Les Vrais Amis", devenue ensuite "Les Trinosophes", ainsi que le Chapitre et l'Aréopage s'y rattachant.
Considéré par ses contemporains comme le franc-maçon le plus instruit du XIXème siècle, il est l'auteur de nombreux ouvrages maçonniques qui eurent une influence considérable :

La Messe et ses Mystères, le Cours philosophique et interprétatif des initiations anciennes et modernes, l'Orthodoxie Maçonnique, La Maçonnerie Occulte, ainsi qu'une collection de rituels maçonniques. Il fut également l'éditeur de la première revue maçonnique française, "Hermes"
.
Dans le même ouvrage, Ragon précise, au sujet du 31ème grade du Rite Ecossais Ancien Accepté (Grand Inspecteur, Inquisiteur, Commandeur) :

"Ce titre est plus que déplacé dans une nomenclature maçonnique. Ce grade d'ailleurs paraît n'avoir été créé que pour faire nombre. On le regarde comme une répétition inutile du Prévôt et Juge, 13ème degré. Il faut bien qu'il en soit ainsi, puisqu'on n'en tient plus compte dans la collection des grades. Un consistoire, 32* degré, ayant à initier un candidat, ne lui donne pas la dénomination du 31ème degré, qui lui est immédiat, non, il saute par dessus, pour initier un chevalier Kadosch, 30ème degré. Cet usage, qui est contraire aux règles, prouve l'ignorante ineptie des faiseurs de Charleslon qui ne savaient pas ce qu'ils faisaient en surchargeant de huit grades inutiles le rite d'Hérédom".


Maj 19 10 09 - GA - L0

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28 décembre 2008 7 28 /12 /décembre /2008 07:56
La fin de la Franc-maçonnerie ? -

 

Telle est la question qu'ose poser Alain Bauer dans son dernier livre "Le crépuscule des frères". Sans préjugés et sans tabous. Sans concession surtout. Car, partout dans le monde, la franc-maçonnerie apparaît menacée. Au sein de ses bastions anglo-saxons, où elle ne cesse de diminuer en nombre. En France, où sa brillance retrouvée ne saurait cacher l'illusion de son pouvoir, les limites de son action.  Doutant depuis plus de vingt ans sans le savoir vraiment, la franc-maçonnerie est-elle au bord du renouveau ou du déclin ? Tout à la fois retour sur les origines, bilan critique du présent, vision lucide quant à demain, cet ouvrage, iconoclaste, dérangeant, salutaire, en appelle à une conception créatrice de la tradition.

Extraits …

 

La franc-maçonnerie à la croisée des chemins.



                                   

Les francs-maçons ont manqué, pour un temps et peut-être pour longtemps, un embranchement essentiel de l'histoire moderne. Au moment où un espace serein de dialogue et d'approfondissement personnel, de réflexion intime et de travail citoyen, était de plus en plus recherché par un grand nombre de personnes, les obédiences ont oublié qu'elles avaient été inventées notamment pour offrir cela. Le Grand Orient assume d'ailleurs une part importante de cette erreur.

 

En effet, depuis l'affaire Dreyfus, la plus ancienne obédience française, jadis si vaillante, a peur d'elle-même et de sa place dans la société. Elle la revendique sans vraiment l'assumer. Elle déplore son effacement sans pourtant s'affirmer. Une crise se profile ? Le Grand Orient se mobilise mais crée immédiatement une autre structure pour œuvrer dans la société : Ligue des droits de l'homme, Ligue de l'enseignement, mutuelles et autres associations se sont ainsi développées partout, peuplées dès l'origine par de nombreux francs-maçons. Hier fiers de leur appartenance, ils apparaissent aujourd'hui frileux et souvent clandestins. Quand le Grand Orient prend position lui-même, il donne l'impression de se marcher sur les pieds. Quand il se tait, il se plaint de ne pas être entendu ! Ces contradictions, à des nuances près, affectent aussi les autres obédiences …

 

Les sujets concernant la société en elle-même, sa reconstitution, ses pulsions, ses frilosités, ses angoisses, sont rarement à l'ordre du jour. La franc-maçonnerie semble devenue une simple spectatrice des bouleversements du monde et de la détresse des hommes. Elle s'émeut, s'agite, dénonce - parfois. Mais elle intervient de moins en moins. Du coup, elle commence à payer le prix d'un renoncement prétendument pragmatique après avoir tant rêvé d'être à proximité du feu des lumières …

 

Si encore il s'agissait simplement de trouver un représentant emblématique à qui on demanderait d'intervenir, la crise serait simple à résoudre … En fait, il n'est pas besoin d'un meilleur porte-parole. Ce qui nous manque, c'est justement la Parole …

 

Alain Bauer - Le crépuscule des frères - La Table Ronde

 

Alain Bauer est Franc-maçon depuis trente ans, a été le grand-maître du Grand Orient de France, du tournant du millénaire jusqu'à 2003. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages de référence sur la franc-maçonnerie.



Alain Bauer parle de la franc-maçonnerie

Maj 19 10 09 - GA - L0
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26 décembre 2008 5 26 /12 /décembre /2008 09:22

"La guerre est pour les âmes un agent de purification, un facteur d'expiation, un levier qui les aide à gravir les hauteurs du patriotisme et du désintéressement chrétien".
Son Eminence le Cardinal Mercier, archevêque de Malines - (Lettre pastorale - Noël 1914).


L'Adoration


(p.18) - Ah ! raison superbe, tu croyais pouvoir te passer de Dieu ! Tu ricanais quand, par son Christ et par son Eglise, il prononçait les paroles graves de l’expiation et de la pénitence. Enivré de tes succès éphémères, homme frivole, repu d’or et de plaisir, tu te suffisais insolemment à toi-même !

Et le vrai Dieu était relégué dans l’oubli, méconnu, blasphémé avec éclat, parfois par ceux que leur situation chargeait de donner à autrui l’exemple du respect de l’ordre et de ses assises. 

(p.20) - Le niveau moral et religieux du pays montait-il de pair avec sa prospérité économique ? Le repos dominical, l’assistance à la Messe du dimanche, le respect du mariage, les lois de la modestie, qu’en faisiez-vous ? … Que devenaient la simplicité de nos pères, l’esprit de pénitence, la confiance dans l’autorité ?

(p.19) - L’anarchie pénétrait les couches inférieures ; les consciences droites se sentaient tentées de scandales :
"Jusques à quand, pensaient-elles, jusques à quand, Seigneur, tolérerez-vous l’orgueil de l’iniquité ? Où êtes-vous, Maître, et donnerez-vous donc finalement raison à l’impie qui proclame que vous vous désintéressez de votre œuvre ?".

(p.19) - Un coup de foudre, et voici tous les calculs humains bouleversés. L’Europe entière tremble sur un volcan. Par milliers nos braves ont été fauchés ; les épouses, les mères pleurent des absents qu’elles ne reverront plus ; les foyers se vident ; la misère s’étend, l’angoisse est poignante …

Ce que j’ai vu de ruines et de cendres dépasse tout ce que j’avais pu imaginer. Eglises, écoles, asiles, hôpitaux, couvents sont hors d’usage ou en ruines. Des villages entiers ont quasi disparu …

La crainte du Seigneur est le principe de la Sagesse. Les émotions se pressent dans les âmes, mais il en est une qui domine, c’est le sentiment que Dieu se révèle le Maître.

(p.19) - Des hommes déshabitués depuis longtemps de la prière, se retournent vers Dieu. Dans l’armée, dans le monde civil, en public, dans le secret des consciences, on prie.

Et la prière n’est pas, cette fois, une parole apprise par cœur qui effleure les lèvres, elle monte du fond de l’âme et se présente devant la Majesté Souveraine sous la forme sublime de l’offrande de la vie.

C’est tout l’être qui s’immole à Dieu. C’est l’adoration …


Maj 17 11 09 - GA - L0  

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11 décembre 2008 4 11 /12 /décembre /2008 22:43

Chacun sait que l’homme est d’une nature complexe. Certains, par image, disent qu’il y a plusieurs bêtes en lui, comme emboîtées les unes dans les autres, à la façon des poupées russes.

 

D’abord, il y a évidemment l’animal apparent, avec son faciès et sa stature. On le nourrit et l’abreuve. On l’éduque et l’habille. Il a ses qualités et des défauts. Je le vois dans le miroir. Les autres me renvoient son image. Mon image. Je suis d’abord celui que je vois, dont les autres me renvoient l’image.

 

Évidemment, ce n’est pas si simple. Au-delà de l’animal apparent, il y a des bêtes profondes, tapies derrière l’image. Il arrive qu’on se découvre différent de ce qu’on croyait être. Des humeurs s’affrontent, des traits de caractères se révèlent. On observe qu’on est doué pour une chose ou pour une autre. L’homme se découvre guidé, malgré qu’il en ait, vers telle activité, avec des remontées d’instinct et des passions soudaines qui s’imposent ou des colères qui l’emportent et l’étonnent lui-même.

 

Il se sent animé, par occasion, de forces qui germent, qui éclosent et qu’il ne maîtrise pas. Comme celui-là qui va jusqu’à sacrifier sa vie – ou celle des autres - pour une idée qu’il ne veut ou ne peut renier. Des bêtes plus profondes encore vivent dans des jardins secrets dont on n’a pas la clef, enkystées là depuis toujours, et qui se révèlent au grand jour sous le choc d’un stress ou d’un accident. Et voilà qu’elles prennent les choses en mains, imposent leur élan et révèlent une nature des tréfonds jusqu’alors ignorée.

 

D’aucuns s’inquiètent alors de ne pas se connaître en entier. Ils découvrent avec les hasards de la vie qu’ils ne sont pas tout à fait ce qu’ils pensaient être. Ils cherchent leur véritable identité. Et de consulter l’horoscope pour le signe zodiacal, Ou le numérologue qui révèle par thème astral des vérités profondément enfouies. Fortune du psychologue, du psychiatre et autre psychanalyste qui mettent à nu sur canapé les acquis ignorés, les déterminants inassouvis.

 

C’est encore peu dire. Au-delà de la dernière bête, il y en a une autre encore.Au-delà de la dernière réponse, encore question. La descente dans l’intime est sans fin. Chacun un jour se sent mystère pour lui-même.

 

J’évoque tout ceci d’une manière délibérément fruste - imaginant que chacun s’y reconnaîtra - pour venir au besoin que chacun découvre un jour d’aller à la quête de ce mystère, au travers de multiples strates. Et de plonger loin au profond de l’être dans l’espoir d’y trouver l’identité, la connaissance de soi. Et de remonter les abîmes intérieurs, mieux connaissant, en accord avec soi-même, suffisamment pour se tolérer quand montent des bouffées d’inconnu. Mieux à même de maîtriser ces élans vitaux afin d’être mieux maître de soi.

 

La franc-maçonnerie ne prétend pas fournir les clés, ni donner à chacun sa vérité. Elle ne prétendra pas expliquer, interpréter, ni fournir des solutions aux mystères et inconnues révélés.

 

Mais elle invite chacun, et d’abord l’apprenti, à faire le voyage intérieur, à se visiter dans les profondeurs pour connaître et se reconnaître. Elle suggère la recherche, elle indique le chemin, elle guide éventuellement le voyageur pour un voyage qui restera bien sûr personnel.

 

On lit chez nos symbolistes que "le fil à plomb soutenu par un arceau" implique cette démarche, cette descente dans l’intérieur de soi. Le fil à plomb visualise la verticale, attiré par la pesanteur, force vitale centripète issue de l’intime de la terre en son centre.

 

Soi-même étant entendu comme la pierre cachée de VITRIOL, "pierre cachée dans la pierre brute encore chez l’apprenti, mais pierre brute aussi chez tout maçon qui, malgré les degrés et qualités arborés, reste toujours un apprenti, se revendique toujours apprenti".

 

Ainsi espère-t-on que le fil de ce bijou serve de fil d’Ariane dans ce voyage intérieur, dans ce travail sans fin, sur la voie de la connaissance de soi … de la maîtrise de soi.


Maj 19 10 09

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10 décembre 2008 3 10 /12 /décembre /2008 10:05

Une initiation entre image et réalité

D'où vient que l'idée que l'on a de soi, tantôt se limite à une pensée machinale, cyborg soumis à ses déterminismes, tantôt au contraire se met à répondre à une identité souveraine, fondée sur elle même et se reconnaissant au delà du temps, à la fois une et multiple, changeante et non changeante à chaque rencontre où finalement, on réussit à sortir de soi pour s'unir à quelque chose ou quelqu'un d'autre, réalisant à sa façon, le Simorg de la légende ? A partir de souvenirs personnels et de réflexions plus philosophiques, ce livre tente de traduire cette expérience du temps et de l'instant, du réel et de l'imaginaire, de soi et de l'autre. Expérience de l'ange, de l'amour, de l'art, de l'engagement vital qui, par la coïncidence des opposés, est celle de la double présence.

Extraits :

Les rituels sont discriminants ; ils créent - mais seulement dans le secret - la différence entre ceux qui larguent les amarres et ceux qui restent à quai. Par exemple, en Maçonnerie, cette question posée à l'apprenti : "Avez-vous quelque chose à me communiquer ?". Pendant  vingt ans, je n'y ai rien vu de notable et je ne suis pas "parti" avec elle.

Maintenant, je commence à comprendre en quoi elle est centrale en toute vie, dont la mienne, ayant vu, dans la rue, un couple s'arrêter pour s'embrasser. Rien de plus banal. Pourtant, ce geste ordinaire montre à l'évidence quelque chose à se communiquer, ce qui n'est pas le cas de tous les instants où l'on croit vivre.

En fait, chacun étant être-avec-l'autre, nous ne vivons pleinement que lorsque nous avons quelque chose à communiquer. Y compris à soi-même. Seul, l'esprit se communique. Ce couple m'a aussi éclairé sur la raisson pour laquelle, la plus profonde communication commence rituellement par un geste, non par des mots.

Nous avons besoin de nourriture pour le corps et d'une double nourriture pour l'esprit : intellectuelle et spirituelle. Suivre en soi un chemin spirituel vers "le témoin" ou "l'ange" révélant "qui" nous sommes, ce n'est pas renoncer aux avancées de la connaissance intellectuelle. Au contraire.

La réalité du monde et de soi, au profond de ce que nous pouvons en savoir, nous informe que l'esprit est l'image où le réel se reconnaît comme tel puis se reconnaît comme autre. Et ainsi avance. Démarche spirituelle d'image en image équilibrant les avancées, et maîtrisant les reculs sur le chemin de la connaissance.

Même les axiomes sur quoi se fondent les sciences en dépendent : ils marchent comme les mots substitués du maître franc-maçon, permettant de passer outre les énoncés indécidables. L'indécision manifestée par le spectacle du monde quant à nos propres destinées - l'universalité de la mort - ne signifie donc pas que nous ne pouvons pas décider.

Sartre eut le courage de l'affirmer sans nul mysticisme. Il a forcé le paradoxe jusqu'à dire que l'homme est condamné à être libre dans un monde où "l'existence précède l'essence" ; que nous ne serons quelque chose qu'une fois morts. Avant, nous ne sommes pas, nous existons sans savoir ce que nous serons.

La démarche initiatique résout le paradoxe : elle associe de façon égale l'engagement et la connaissance, la foi axiomatique par les mots substitués et le doute rationnel ; la parole et le silence ; l'existence fraternelle et l'essence de l'amour.

Pierre Auréjac - Une initiation entre image et réalité
Véga - Collections Horizons initiatiques
 


Maj 19 10 09 - GA - L0/

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