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16 septembre 2008 2 16 /09 /septembre /2008 08:20

Depuis une cinquantaine d'années, les hommes semblent avoir fait la découverte d'une nouvelle vertu et d'un nouveau vice de l'âme. Accepter la vie, serait cette vertu et fuir la vie serait ce vice. Bien entendu, ni ce vice, ni cette vertu ne sont bien nouveaux et les psychologues modernes ne sont pas les premiers à en avoir pris conscience. Mais pendant des siècles, le symbole du courage moral a été Saint Michel et le dragon : un Saint Michel, qui se tient triomphant sur le cadavre d'un horrible serpent griffu, aux ailes de chauve-souris, la lance plantée dans son coeur. Un mythe encore plus ancien raconte le combat d'Hercule contre l'Hydre de Lerne, où le héros, à chaque fois qu'il coupe l'une des têtes du monstre, qui en a plusieurs, en voit repousser sept autres.

Le problème du mal n'est, en effet, pas aussi simple que ne le ferait penser la morale par le combat. Les désirs, les sentiments et les impulsions de l'âme, auxquels nous donnons le nom de Mal, semblent se nourrir de cette résistance. La haine ne cesse pas du fait de la haine. C'est l'amour qui fait cesser la haine. Et nous avons pourtant beaucoup de difficultés à admettre que nous pouvons surmonter une bouffée de haine, en aimant celle-ci. Mais tout comme dans la peur, la haine de la haine ne fait qu'ajouter un sentiment de haine à un autre et le résultat est à l'opposé de celui qui est recherché.

On trouve aujourd'hui une fraction de l'opinion qui reconnaît que l'origine du mal, sous toutes ses formes, est d'ordre interne et que l'on a de meilleures chances de le maîtriser à l'aide de techniques plus pacifiques. Les promoteurs de cette attitude sont les psychologues modernes qui pensent que nos pulsions ne peuvent pas être simplement éliminées sans laisser de traces, car elles proviennent de quelque chose qui, en l'homme, est bien au-delà de la maîtrise de sa raison et de son esprit conscient. Cet aspect inconscient de lui-même, c'est l'irruption de l'irrationnel dans l'homme, que des siècles de civilisation et de discipline morale ont fini par lui faire oublier ou ignorer. Et nos expériences les plus ordinaires et les plus quotidiennes nous montrent que les forces naturelles sont extraordinairement difficiles à contrôler.

Voilà un fil conducteur qui devrait nous permettre de comprendre ce que l'on entend lorsqu'il est question d'accepter le mal, en reconnaissant que ce que la morale appelle ainsi n'est qu'une pulsion naturelle, qu'il n'y a pas lieu de craindre, si elle reste à sa place, au fond de nous-mêmes. Ainsi notre attitude envers le mal pourrait-elle être débarrassée de tout sentiment de haine.

L'acceptation de la vie signifie précisément que l'on accepte tout ce qui fait partie de la vie, ce qui ne peut toutefois constituer un "laisser-faire" spirituel. Le premier niveau d'acceptation relève d'une question technique, alors que le second niveau relève d'une question de spiritualité. Les philosophes orientaux décrivent le premier niveau comme l'acceptation partielle de la vie, expression d'un état d'esprit dualiste, qu'ils distinguent d'un état d'esprit véritablement Un. Le second niveau d'acceptation totale et d'amour de la vie reste toutefois insaisissable pour nous tant que nos efforts pour y parvenir créent un conflit constant avec tout ce qui semble aller dans le sens contraire.

Accepter totalement la vie, c'est avant tout être libre de se comporter moralement. L'idée de l'acceptation totale demeure en partie cachée dans le christianisme. Seuls quelques mystiques en parlent sans détour, alors que les religions orientales, au contraire, y insistent particulièrement. Mais il ne suffit pas de changer les noms des pouvoirs de l'âme humaine, que les anciens appelaient dieux et démons, pour qu'ils soient aussitôt privés de leur magie. Ils conservent toutes leurs caractéristiques divines ou démoniaques, même lorsqu'on a supprimé leurs auréoles et leurs ailes, ou leurs cornes et leurs pieds fourchus. Comme nous l'avons vu, la psychologie de l'inconscient, cherche à reconnaître, de nouveau, nos dieux et nos démons.

Ce qui est fondamental, en fait, est de parvenir à assimiler consciemment des phénomènes jusqu'alors inconscients et de les accepter, en dépit de leur apparente irrationalité. Il n'est pas rare que le rêveur raconte avoir vu des formes et des symboles dont il n'a jamais eu la moindre connaissance consciente et que certaines séries de rêves suivent d'assez près le déroulement de certaines cérémonies d'initiation. Jung les décrit comme un déplacement du centre de la personnalité qui va de l'ego au soi. Dans son système, Jung en fait le centre de l'ensemble du psychisme. Pour lui, l'ego n'est qu'au centre du moi conscient et le soi, une sorte de point virtuel, entre le conscient et l'inconscient, qui doit donner satisfaction aux exigences de l'un comme de l'autre.

Les rêves qui illustrent cette situation prennent généralement la forme d'un mandala, d'un cercle magique, de la fleur d'or, le lotus pour les orientaux, de la rose au centre de la croix, ou de tout ce qui peut illustrer la complétude, l'équilibre et l'accession à un état spirituel central. Une caractéristique intéressante de ces mandala est que le cercle qui les compose est habituellement divisé en quatre ou comporte une fleur à quatre pétales. Cette répartition symbolise le complet développement de l'individu dans toutes ses facultés ou fonctions : Intuition, Intelligence, Sensation, Sentiment, la quintessence du bonheur. Créer, se créer soi-même, reste fort difficile. Mais la création n'est pas le résultat d'une crispation du moi sur ses propres limites, mais un apaisement lié à l'abolition de ces limites. Le paradoxe ne disparaîtra jamais totalement de l'être réunifié, mais sera vécu sur le mode apaisé des contraires dans le soi.

L'univers devient alors un mystère infiniment plus grand que tout ce qu'il est possible d'imaginer. Et rien ne peut nous rendre plus perplexe que de nous demander comment il se fait que chacun de nous ait la possibilité d'utiliser, dans le moindre de ses actes, la même énergie que
celle qui meut les étoiles.

Alors, les vers qui terminent le chant XXIII, le dernier du Paradis de Dante, prennent tout leur sens :
 

                                     Mais mes propres ailes n'y auraient point suffi,
                                     
Si mon esprit n'avait été frappé par un éclair
                                       
Dans lequel me vint l'objet de mon désir.
                                    
 Ici les forces manquèrent à ma sublime vision,
                                   
Mais déjà faisait tourner mon désir et ma volonté
                               Comme une roue qui se
meut d'un mouvement uniforme.
 


Maj 19 10 09 - GA - L0
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