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5 février 2011 6 05 /02 /février /2011 16:10

"La croyance désigne toute certitude sans preuve ... Lorsque la croyance est volontaire et jurée d'après la plus haute idée que l'on se fait du devoir  humain, son vrai nom est la foi". - Alain.

Penser est un long travail et une paix préalable. Sortant des forêts pleines de dieux l'homme, au bord de la falaise reconnut son redoutable royaume. Et c'est alors qu'il osa penser. Penser n'est pas croire. Peu de gens comprennent cela. Presque tous, et même ceux qui se défendent le plus de croire, cherchent obstinément quelque chose qu'ils puissent croire. Nous nous accrochons tous, plus ou moins, à nos idées et nous n'aimons pas toujours que l'on veuille nous les enlever. La croyance désigne une disposition involontaire à accepter, sans preuve, une doctrine, un jugement ou un fait. La croyance désigne toute certitude sans preuve et les degrés du croire sont les suivants : 

- Croire par peur ou par désir, ce que l'on redoute ou ce que l'on souhaite ;
- Croire par coutume ou par imitation ;
- Croire les rois, les riches, les orateurs, les prêtres ;
- Croire les vieillards, les traditions ;
- Croire ce que tout le monde croit, par exemple que l'Australie existe ;
- Croire enfin ce que les plus savants affirment en accord avec des preuves, par exemple que la terre tourne. 

 

 

Lorsque la croyance est volontaire et jurée d'après la plus haute idée que l'on se fait du Devoir Humain, son vrai nom est la foi. Le fondement de la croyance de notre époque se trouve dans les créations mythiques dont le couronnement est le mythe chrétien. Croire est agréable. Mais c'est une ivresse dont il faut se priver. Ou alors il faut dire adieu à la Liberté, à la Justice et à la Paix. Le doute est le sel de l'Esprit, car sans la pointe du doute, toutes les connaissances sont bientôt pourries. Le doute est un passage et pour l'essayer, il faut d'abord sentir sous le pied, une inébranlable résistance. Ainsi le doute est-il, en un sens, le premier signe de la certitude. Un croyant est un homme qui prend comme preuve sa propre humeur. Et contre cette mauvaise science, il faut seulement la volonté, le refus de croire, l'impiété délibérée. Il faut dire non aux signes, il n'y a pas d'autre moyen de les comprendre, mais toujours se frotter les yeux et scruter le signe. C'est cela même qui est veiller, autrement c'est dormir. Il faut percer l'apparence, car croire, c'est ne rien savoir. C'est même ne rien vouloir savoir. L'incrédulité est un bon mouvement. Sans l'incrédulité, la foi ne serait pas connue. Il faut partir de la stupide croyance. Il faut se sauver de là, toujours.

Seulement, il y a croire et croire. Et la différence apparaît dans les mots croyance et foi. Lorsqu'on dit qu'un homme est crédule, on veut dire par là qu'il subit l'apparence. Mais quand on dit d'un homme d'action qu'il a la foi, on veut exprimer justement le contraire. En fait, ceux qui refusent de croire sont des hommes de Foi. Croire à la Paix est foi. Mais il faut alors la vouloir. La foi est courage. Vouloir la Paix, tenir fermement cette espérance, c'est refus de croire, c'est la Foi. Kant nous éclaire le chemin pour comprendre ce qu'est la foi. Il y a deux ordres des choses : celles qui sont et celles qui seront parce qu'on les voudra. Le ciel, au dessus de nos têtes est un symbole des choses qui sont. L'univers est un fait, il faut ici que la raison s'incline. Il faut qu'elle se résigne à dormir avant d'avoir compté les étoiles. Sans chercher dieu, pour savoir si le monde est bon ou mauvais. Car le monde n'est ni bon, ni mauvais. Il existe, c'est tout. Il faut donc ici ne pas croire, mais savoir. 

Mais je ne sais pas si la Justice sera, car le futur n'appartient pas au savoir. Je dois croire qu'elle sera : voilà l'objet de la foi. Quand on voit qu'un homme qui entreprend quelque chose doute déjà de réussir avant d'avoir essayé, on dit qu'il n'a pas la foi. Vouloir, sans croire que l'on pourra vouloir sans un grand serment, ce n'est pas vouloir. Le plus haut devoir humain est qu'il faut croire, croire en sa propre volonté, comme l'entend Auguste Comte lorsqu'il affirme : "qu'il n'y a qu'un Dieu, l'Humanité et qu'une Providence, la Volonté raisonnable des Hommes". 

L'histoire de Jeanne d'Arc est plus belle que la légende d'Hercule. Car Hercule avait la force. Jeanne n'eut que la foi. La foi contre la religion, la justice affirmée, la révélation directe, le vrai miracle qui est de Foi et d'Action, l'Amour combattant. Cette belle histoire finit tragiquement par le retour des évêques, des hiérarchies, des dogmes. C'est par les mêmes forces que la Révolution a fini par l'Empire : la crédulité contre la foi. Il y a dans Jeanne, une idée flamboyante, une idée qui parle. Prodigieux mouvement de la Pensée, car cette idée veut être réalisée. Jeanne change les choses par bonne volonté, par liberté, sous l'idée d'un Devoir impérieux. Son Dieu l'inspire, mais ne l'aide pas. Aucun Dieu invisible ne marche à côté d'elle. En fait, Jeanne est seule, l'Idée est seule, partout seule. Et le bûcher de la fin éclaire le commencement. Car un vrai miracle, selon l'ordre traditionnel, descend du ciel sur les hommes. Le miracle de Jeanne était seulement dans le coeur. Il n'y aurait donc qu'à vouloir pour changer tant de choses. Prodigieux exemple. Et l'on finit par considérer comme magie noire et diabolique ce miracle de la volonté, ce dangereux miracle. 


La médiocrité s'est bien vengée. Jeanne qui était l'esprit et la volonté a été brûlée par la bureaucratie de ce temps là. Mais le Peuple éclaire la Pensée lorsqu'il veut que le mot coeur exprime à la fois l'Amour et le Courage, vérité que le bourreau n'a pas brûlée. Ainsi, il y a la foi de Jeanne et la foi de ceux qui l'ont brûlée. Et j'y vois deux religions ennemies, deux Dieux en lutte : un dieu qui est chose et un Dieu qui est Esprit. Il n'est d'ailleurs pas rare que l'on croie en Dieu comme aux sorciers. Alors, le jugement se plie, l'homme se fait petit, adorateur, il croit aux sorciers, mais il applaudit aussi quand on les brûle. La vie est alors prosternée et il y a une manière de se tenir à genoux qui vous jette à quatre pattes. Jeanne connut un autre Dieu, un autre culte, d'autres preuves. Elle se parla à elle-même, dans le silence. Elle s'éveilla à elle-même, elle jugea ce qui existait et le dit injuste. Cette foi s'éleva contre toutes les forces. L'Esprit décidait souverainement : Je dois, je veux, je vaincrai. Révélation par le dedans, Dieu Esprit. La croyance est esclavage, guerre et misère. La foi est à l'opposé de la croyance. La foi en l'Homme, c'est la foi en l'Esprit vivant. C'est une Foi qui secoue le dormeur. 

Mais il y a aussi de vrais Croyants : un petit nombre de ceux qu'on ne peut atteler, qui ne croient à rien. Ceux-là ont la foi, la Foi qui sauve. Ainsi croyance et foi ne sont pas de l'ordre du savoir ou de la connaissance, mais bien de l'ordre de la conscience. D'où l'inévitable impuissance des mots pour exprimer ce qui relève de l'indicible. 
"Il n'est pas sûr que les chemins s'ouvriront si on a la foi, mais il est sûr que tous les chemins seront fermés si l'on n'a pas d'abord la foi. Si l'on y regarde bien, la foi ne peut aller sans l'espérance et il y a un genre d'espérance et aussi un genre de foi qui concernent tous les hommes et dont le vrai nom est charité". - Alain.

 

Eusthènes - 18 mars 2008        

 

Affiche de la loge maçonnique de Carcassonne

A l'occasion de la canonnisation de Jeanne d'Arc (1920) 

 

JeanneDarc 

 

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10 novembre 2010 3 10 /11 /novembre /2010 22:17
Alexandrie, c’est comme cela que j’appelais le petit bout de jardin de mon vieil ami Alexandre, qui vivait perdu là-haut dans ce village de montagne qui m’a vu naître. Cette rêverie de voyageur solitaire est dédiée à cet ami, passé à l’Orient éternel en fin d’année dernière, ce qui me permet de re-évaluer pour l’occasion le temps passé avec lui, moi à parler de mes voyages, lui à raconter la vie de son jardin. Peut-être se moquait-il gentiment de moi, mais j’aimais quand il m’appelait : "le Voyageur" ...

 

Le Voyageur passait une grande partie de sa vie sur les routes du Monde et, heureux comme Ulysse, il revenait vers le banc de pierre, comme on revient sur ses pas, comme on revient boire à la source. Ce banc était à l’ombre d’un acacia. Là, comme à chaque retour de voyage, il retrouvait Alexandre. Ce jour-là, le vieil homme ne lui demanda pas d’où il venait, comme à son habitude, mais : "Alors, le Voyageur, que deviens-tu ?".

 

Que deviens-tu ? La question prenait le Voyageur au dépourvu. Cette question-là, orientée sur le soi en devenir, exigeait de mettre un peu d’ordre dans ses histoires, de les regarder en perspective. Elle appelait une réponse non pas sur l’écume des faits tels qu’il se les racontait, mais sur ce qui donnait sens à sa chevauchée du Monde. Cette question appelait une réponse, non pas sur la trivialité des anecdotes, mais sur l’essence même du Voyage.

 

Des histoires, des tas d’histoires, ne font pas forcément une Histoire. Mais y avait-il une réponse à la question ? Le Voyageur regardait les montagnes qui l’entouraient et qui avaient été le berceau de ses rêves d’enfance, de ses rêves de départ. Il ressentait maintenant le désir impérieux de savoir si sa vie avait suivi un semblant de chemin ou si, en fin de compte, elle n’était qu’une errance, un bateau ivre. Un flot d’images le submergeait. Mais s’il voulait tirer quelque enseignement de ce qui avait été vécu, il devait s’arrêter sur quelques fragments de vie, à ses yeux remarquables. 

 

Ainsi, UN JOUR QU’IL AVAIT perdu ses papiers dans le sud algérien, le Voyageur s’était assis sur le bord de la piste, sans un sou en poche, pour constater que sans identité et sans argent, il n’avait plus aucune existence aux yeux du douanier du poste frontière, enfin pas plus que celle du chien galleux à qui il donnait des coups de botte. Que la reconnaissance de l’Autre dépendait de ce qu’il avait ou pas, et non pas de ce qu’il était. Qu’il y avait un monde entre l’existence et la reconnaissance.

 

UN JOUR QU’IL AVAIT été impliqué dans un accident de voitures sur les routes du Kerala, un accident mortel, le Voyageur avait forcé son jeune chauffeur indien à toucher le corps de l’enfant écrasé par le camion, pour lui incorporer la notion physique de la mort, notion qui lui était complètement étrangère. Mais Le Voyageur avait oublié qu’il était dans le pays du Bhagavad Gita et de la soumission à la loi du karma. Le jeune chauffeur indien avait ensuite repris le volant, et comme si rien ne s’était passé, s’était remis à foncer dans la foule, klaxon bloqué. Le Voyageur avait alors accepté l’idée que son destin puisse dépendre de cette incompréhension.

 

UN JOUR QU’IL AVAIT acheminé des vivres dans le Sahel pendant les grandes années de sècheresse, le Voyageur avait rencontré un petit groupe de Peules, des femmes isolées, résignées à la mort qui semblait les attendre dans le creux de ces ravins perdus. Les hommes étaient partis sauver le peu de bétail qui leur restait, partis là-bas, quelque part dans le sud, vers les puits de Maradi. Les reverraientelles jamais? Une femme vint le voir pour lui demander de sauver sa fille. Elle n’avait plus rien, et n’était pas sûre de lui donner à manger demain. " Prends-la, dit-elle, je te la donne, emmène-la avec toi ". L’enfant était belle, il y avait de la fierté et de la vie dans ce regard. Elle se tenait là devant lui, prête à partir, à tout quitter : elle avait fait son choix. Lui aussi, il eut à choisir, et il choisit de laisser l’enfant à son sort. Et toute sa vie, ce regard lui rappellera que l’autre choix l’aurait engagé totalement, mais que n’importe quel choix bouleverse toute une vie.

  

UN JOUR QU’IL AVAIT été porté par la prière des foules blanches se prosternant d’un même coeur vers Allah sur l’immense parvis de la mosquée d’Ispahan, un jour qu’il avait suivi sur les routes poussiéreuses du Maharastra les milliers d’adeptes qui se rassemblaient autour du gourou Saï Baba, comme une volée de papillons cherchant la lumière, un jour qu’il avait cheminé corps contre corps, le visage couvert de pigments, comme tous ces milliers de pèlerins venus vénérer la danse de Shiva dans la pénombre de la grotte sacrée de l’île d’Elephanta, un jour qu’il avait été pris de compassion à Lourdes devant les regards de ferveur exaltée des paralytiques en procession, implorant Dieu de les guérir, un jour qu’il avait senti son corps se fondre dans les pulsations de la transe vaudou qui avait saisi les centaines de fidèles réunis dans la cathédrale pourtant très catholique de Cotonou, à chaque fois, à chaque fois, le Voyageur se demandait si l’émotion des hommes, l’émotion religieuse, l’émotion corporelle, la ferveur vibratoire et collective, n’était pas en fait la vraie nourriture des dieux.

 

UN JOUR QU’IL CONTEMPLAIT la nuit étoilée dans les montagnes désertiques du Hoggar, dans cet ermitage de prière perdu entre deux immensités, celles du Ciel et de la Terre, le Voyageur avait entendu sa compagne de voyage murmurer quelques vers d’un poème qui lui revenait en mémoire. C’était Booz endormi, de Victor Hugo :

 

Les astres émaillaient le ciel profond et sombre ;

Le croissant fin et clair parmi ces fleurs de l'ombre

Brillait à l'occident, et Ruth se demandait,

Immobile, ouvrant l'oeil à moitié sous ses voiles,

Quel dieu, quel moissonneur de l'éternel été,

Avait, en s'en allant, négligemment jeté

Cette faucille d'or dans le champ des étoiles.  

 

Puis une voix s’était élevée dans le silence, un chant, beau comme une prière. Le Voyageur s’était alors demandé si l’émotion ressentie, et partagée, devant tant de beauté et une si belle harmonie, oui si la Beauté et l’Harmonie elles-mêmes n’étaient pas un avatar, n’étaient pas un leurre de l’esprit pour rendre supportable la question (la seule vraie peut-être), la question lancinante, torturante, fichée dans le creux de chaque cellule de nos corps : celle de la trajectoire éphémère de notre être dans l’effroyable infini du vide.

 
UN JOUR QU’IL AVAIT trouvé un nouveau-né, abandonné dans une décharge de Bombay, un matin de Noël, le Voyageur avait remué ciel et terre pour essayer de le sauver. Cet enfant de Noël était devenu le sien. Mais il n’y avait pas eu de miracle : l’enfant était mort le soir même. Ce ne fut pas le seul mort : ce jour-là, le Voyageur enterrait définitivement Dieu, et son cynisme.
 
UN JOUR QU’IL AVAIT vainement tenté, dans leur cellule de prison partagée, de lire une pensée, un sentiment, dans les yeux de cet opposant politique dahoméen alors qu’il ne lui restait plus que cinq minutes à vivre avant d’être fusillé au poteau. Eprouvait-il de la peur, de l’indifférence, du regret, de la révolte, était-il saisi d’un impossible désir de vengeance, pensait-il à sa mère ? Le Voyageur aurait aimé accrocher dans ses yeux de la haine, de la colère, du défi, enfin quelque chose ! Mais là, rien. Arrivé au terme de son chemin, l’homme s’était retiré du monde et déjà regardait l’autre côté de la rive. Dans ces yeux vides, le Voyageur ne voyait plus que le reflet de sa propre angoisse devant l’inexorable échéance.
 
 
UN JOUR QU’IL ETAIT miné par des mois d’agressions, excédé par les vols incessants et les peurs accumulées, les attaques, le Voyageur avait eu le pouvoir de décider de la vie d’un homme, un assassin, un voleur. Dans ce coin du monde gangrené par une incessante guerre civile, la vie ou la mort de cet individu n’avait aucune importance. Celui-là allait payer pour les autres … Là, ce jour-là, il comprit qu’il était arrivé à une borne. S’il la franchissait, qui serait-il ? Pourrait-il revenir intact ?
 
Le Voyageur prenait conscience que ses expériences, et toutes celles qu’il avait accumulées dans sa besace, l’avaient poussé progressivement vers des territoires limites, aux frontières de son monde intérieur, aux confins de son esprit. Là, pas de carte pour se repérer : les taches blanches, ces terres non visitées sur la carte du monde, n’étaient pas celles qu’il avait rêvé de parcourir dans son enfance, quand il était plongé dans le "Journal des Voyages et des Explorateurs". Non, ces "terrae incognitae", ces terres inconnues, étaient bien les siennes, lovées en lui, dans les recoins de sa psyché. Ses voyages l’avaient laissé là, comme la mer en se retirant découvre un nouveau paysage. Il était confronté à ses limites, à ses repères, à l’idée qu’il se faisait de lui, à l’idée qu’il se faisait de l’Homme.
 
Alors pour retrouver l’esprit du voyage, il entreprit le voyage de l’esprit. Suivant l’antique recommandation des sages, "visita interiora terrae …", il avait remué les entrailles de sa terre, cette terre où pour renaître, il faut mourir à ses propres idées, à ses propres convictions. Mourir à sa propre histoire. Désapprendre ce que l’on croit savoir. Cette exploration, commencée il y a des années, durait encore. Il était devenu un voyageur de la Solitude, mais, en route, il avait trouvé sa lumière, son étoile, et désormais, il ne craignait plus de se perdre. Un jour, à l’aube du Millénaire, cette lumière avait été symboliquement portée avec d’autres, là-bas, au bout du monde, en Terre de Feu, et cette lumière continue de scintiller dans un océan de tempêtes. Ce fut l’une des choses les plus inutiles et les plus belles qu’il ait jamais faite : pour cette bande d’illuminés, une étincelle d’espoir pouvait chasser les ténèbres. 

prisedevueSur le chemin, il avait rencontré d’autres voyageurs, des chasseurs de Lumière comme lui. Certains la cherchaient dans la pierre-matière, d’autres dans la pierre-esprit. Il s’était joint aux uns, qui travaillaient avec la Lune sous la voûte étoilée ; les autres l’invitèrent à descendre dans la nuit d’un cabinet de réflexion et quand il était sorti des ténèbres, ils l’avaient reconnu comme un frère. Le voyage continuait. Il savait désormais que c’était un voyage vers la Lumière ...
La lune et le pavé mosaïque - Modillons - Chapelle de la Chartreuse Saint Jean du Liget (37) 
 
Alexandre avait écouté attentivement le récit du Voyageur, sans l’interrompre. Attaché à sa terre, à son jardin et à ses oliviers, le vieil homme n’avait guère quitté son village. Le cirque des montagnes qui l’entouraient était depuis longtemps son seul horizon, et son jardin, bordé de pierres sèches, le creuset de ses méditations. Il y eut un moment de silence. "Tu sais, dit Alexandre, pensif, au fond, tous les deux, on cherche à comprendre le sens de tout ça - et il faisait un geste large en montrant la montagne, le ciel … - : toi, tu dois parcourir le monde et faire tous ces voyages, vivre toutes ces aventures … Moi, tous les matins, depuis soixante ans, je vais dans mon jardin. Au bout du compte, comme toi, il ne me reste que des questions … La vie, la mort, tu sais ... Tu vois cette fleur qui se fane, qui est en train de mourir. En fait elle finit de chanter sa vie … " .
 
Alexandre est mort en septembre dernier. Restent le banc et l’ombre de l’acacia qui gardent le souvenir de ses paroles vivifiantes. Le Voyageur sait aujourd’hui, comme Alexandre, que tout homme, tout être, est un véhicule de la Vie. Que ce n’est pas lui qui voyage, mais qu’il est cheminé par l’Esprit. Que tout Homme est en lui-même un voyage. Que ce Voyage dans l’Eternel Présent est le Mystère. Et il attend l’instant, cet instant ultime, où comme Alexandre, comme toute la multitude, il se retrouvera seul, en face de l’autre rive, en savourant les derniers pas de son Voyage. Peut-être aura-t-il le désir de chanter une dernière fois ce poème de Boris Vian, cet hymne à la Vie, qui l’avait jeté sur les routes du Monde :
Je voudrais pas crever
Non monsieur non madame
Avant d'avoir tâté
Le goût qui me tourmente
Le goût qu'est le plus fort
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir goûté
  La saveur de la mort ...
 

Antoine, 10 novembre 2010           

MAJ 30 11 2010  *

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18 janvier 2010 1 18 /01 /janvier /2010 15:50

1 - Paroles dégelées

RabelaisLa tradition fait naître François Rabelais en 1394 à la Devinière, à une portée de fusil de l'Abbaye de Seuilly, où il acquiert les premiers rudiments scolaires. Il trace dans Gargantua une joyeuse satyre de ses  premières études et de la théologie scolastique qui lui a été infligée au cours de son noviciat de moine franciscain. Après avoir jeté son froc de moine pour prendre celui de prêtre séculier, Il se fait inscrire à la faculté de Médecine de Montpellier. Puis il part à Lyon, comme médecin, à l'Hôtel Dieu de Notre Dame de la Pitié du Pont du Rhône. Mais son poste de médecin et ses recherches de savant lui rapportent peu. Il n'est donc pas riche.

En lisant les Chroniques du Grand et Enorme Géant Gargantua, il songe alors qu'il s'est vendu en deux mois plus d'exemplaires de ce petit livre qu'il ne sera acheté de Bibles en neuf ans et qu'il écrirait lui-même sans grande peine un ouvrage du même billon. Il Les Silènes de Rabelais * Les Silènes de Rabelais ** prend donc comme héros le fils même de Gargantua, qui vient d'avoir tant de succès. Ainsi naît Pantagruel ...

Paroles dégelées


"J'ai lu quelque part, qu'un philosophe nommé Pétron pensait que plusieurs mondes se touchaient entre eux et formaient un triangle équilatéral au centre duquel se trouvaient le séjour de la Vérité, ainsi que les représentations de toutes les choses passées et futures ... Il me souvient aussi qu'Aristote pensait que les paroles volent et sont donc animées. Aussi, lorsqu'elles sont prononcées par un rude hiver, elles gèlent, se transforment en glace, et personne ne les entend plus. Ainsi, ce que Platon enseignait aux jeunes gens le comprenaient-ils à peine au soir de leur vie ... Il conviendrait donc de nous demander si nous nous trouverions ici dans un lieu où de telles paroles peuvent dégeler".

C'est ainsi que Rabelais nous raconte, au chapitre LV du Quart Livre, comment Pantagruel entendit en haute mer diverses paroles dégelées ... Voici donc un livre qui n'est pas l'œuvre d'un bouffon, ni d'un farceur trivial, mais bien celle d'un génie raffiné qui raillait le genre humain et la crédulité de ses espérances. Un génie, qui pour découvrir l'idéal humaniste, avait affranchi sa conscience du pouvoir millénaire de la pensée médiévale, en prenant délibérément position sur la rive opposée de la culture officielle, en se mettant toutefois à couvert sous le masque du carnaval et de la folie, comme il le fait assez bien comprendre lui-même dans son prologue :

"Les Silènes étaient jadis de petites boîtes comme on en voit à présent dans les boutiques des apothicaires et sur lesquelles étaient peintes des figures amusantes et frivoles et autres images semblables, pour inciter les gens à rire, à l'instar de Silène, maître du bon Bacchus. Mais à l'intérieur, on conservait de précieux ingrédients comme le baume, l'ambre gris, l'amome, le musc, la civette, les pierreries et d'autres choses de grande valeur ... A votre avis, pourquoi ce coup d'envoi ... C'est (parce) qu'il faut ouvrir ce livre et peser soigneusement ce qui y est exposé. Vous verrez alors que ce que ce que vous y découvrirez, est bien d'autre valeur que ne le promettait la boite ...". - Prologue de Gargantua.

Là où il ne trouve pas encore, Rabelais entrevoit, promet, dirige. Il est l'un des créateurs de la Nouvelle Littérature et probablement le plus démocratique de ses chefs de file, visant à un rejet de toute forme d'intolérance et à la primauté essentielle de l'Homme, par le respect de son éminente dignité et de sa féconde Liberté.

Un géant du rire

Mais, que peut-on dire de sérieux sur Rabelais dans notre langage sérieux ? On ne saurait parler de lui quand on ne parle pas comme lui. Et seul Coluche aurait osé dire quelle partie de lui-même Grandgousier se chauffait à un clair feu de bois, ou celle que Gargantua avait inventé de se torcher d'une manière révélatrice. Alors, que faire d'un géant du rire, dont le langage est la substance et l'ivresse ? Que faire de celui par qui le scandale arrive, mais qui seul, avec Molière peut-être, soutient la comparaison avec quelques géants étrangers ? Et surtout, comment aborder une réflexion sur Rabelais avec un regard résolument tourné vers le futur ? Peut-être en se demandant pourquoi il est impossible d'éviter de réfléchir son propre portrait dans le miroir qu'est par définition un chef-d'œuvre. Car il n'existe aucun lecteur sérieux qui n'ait trouvé, dans les silènes, autre chose que sa propre image. Voilà qui place l'œuvre de Rabelais au cœur du véritable étonnement philosophique, au chapitre des miroirs ...

Et l'on peut se demander si la question du miroir n'est pas précisément la question fondamentale de la littérature.  Car la véritable question est bien de savoir comment est construit un chef-d'œuvre, en forme de miroir. Et l'on essayera donc d'observer comment le miroir est construit, en tant que lieu spéculaire des métamorphoses de notre propre moi symbolique.

Je ne bâtis que pierres vives

Ainsi Rabelais décrit-il lui-même ceux à qui ses livres sont dédiés : "Les beaux bâtisseurs de pierres mortes ne sont pas écrits dans mon livre de vie. Je ne bâtis que pierres vives, ce sont les hommes" ... Ainsi le rôle de l'œuvre est-il d'engendrer ses propres lecteurs. Et Pantagruel, géant de la soif, engendre une soif inextinguible : "Et n'ayez pas peur que le vin manque, comme aux noces de Cana en Galilée, autant vous en tirerez au fausset, autant j'en entonnerai par la bonde. Ainsi le tonneau restera-t-il inépuisable. Il possède une source vive et un courant intarissable ..." - Prologue du Tiers Livre.
   

 

Sources : Manuel de Dieguez - article Rabelais - Encyclopaedia Universalis                                            

 

Eusthènes, 18 janvier 2010                    


                                                                                                                               

 

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18 janvier 2010 1 18 /01 /janvier /2010 15:45

2 - L'oracle de la Dive Bouteille

deviniereThélème, l'utopie humaniste

Le long de la Loire, passés Langeais et Bréhémont, à deux lieues de la grande forêt de Port-Huault, se trouve le Pays de Thélème. Thélème ! L'allégorie qui termine le récit de Gargantua, l'Utopie Humaniste qui peut apparaître comme un retour possible à l'âge d'or. Toute la vie (des Thélémites) était régie non par des lois, des statuts ou des règles, mais selon leur volonté et leur libre arbitre. Et leur règlement se limitait à cette clause : 

                     FAIS CE QUE TU VOUDRAS.

Et grâce à cette liberté, ils rivalisaient d'efforts pour faire tous ce qu'is voyaient plaire à un seul. Mais toute grande pensée, tout grand effort se concluent nécessairement par un échec. Sinon, ce serait le signe d'ambitions bien modestes et bien confortables.

Je ne vous citerai pas la liste de tous ceux qui ne sont pas invités à entrer dans l'Abbaye de Thélème. Elle sert en effet trop souvent à ceux qui veulent se donner l'air, sans en avoir l'air, de jouer les coquins affranchis des bons usages en loge et qui démontrent même parfois, par le tracé géométrique du théorème de Pythagore, que la loge est bien un microcosme où tout se passe, sans que rien ne se passe. Je vous citerai plutôt ceux qui sont invités à y entrer par l'inscription qui se trouve sur la grande porte de l'abbaye :

"Entrez ici, vous qui prêchez le Saint Evangile d'un esprit non débile... En ce lieu sont accueillis les Grands de ce monde et les gens simples du Peuple. Vous y serez mes intimes, mes familiers, mes aimables compagnons. Entrez aussi, Dames de Haut Parage, en ce lieu est le séjour d'honneur" ...

Deux siècles plus tard, à l'aube de la Révolution, Condorcet dira :

"Il faut accorder aux femmes une éducation semblable à celle que l'on dispense aux hommes. Le génie féminin ne se borne pas à la maternité. La femme peut accéder à toutes les fonctions. Seule l'injustice et non la nature lui interdit le savoir et le pouvoir" ...

Mais malgré le droit de vote et les déclarations d'intention, il sera sans doute nécessaire, même en franc-maçonnerie, d'attendre encore un certain temps, avant de constater une réelle évolution de certaines mentalités.

L'oracle de la Dive Bouteille.

Je veux me marier, dit un jour Panurge à Pantagruel. Mais faut-il se marier au risque d'être cocu ? Pour le savoir, les deux compères font appel à la divination. Mais ni les dés, ni la Sibylle de Panzoult, ni l'astrologie, la théologie, la philosophie, ni même les fous ne sont en mesure de leur apporter une réponse satisfaisante. C'est donc en désespoir de cause que les deux amis décident d'aller consulter l'Oracle de la Dive Bouteille. Après de longues navigations, racontées dans le Quart et le Cinquième Livres, ils arrivent enfin à l'île désirée. Là, ils descendent sous terre par quatre niveaux et découvrent à la porte du Temple deux plaques portant les inscriptions suivantes :

               "La Destinée mène celui qui consent, tire celui qui refuse" 
               "Toutes les choses se meuvent à leur fin" ...


Dans le Temple, éclairé par une Lanterne admirable, ils sont conduits par la Vénérable Pontife Bacbuc vers une belle fontaine dont l'eau a le goût de vin, selon l'imagination des buveurs. Puis Panurge est présenté devant la Dive Bouteille et c'est alors qu'il reçoit le MOT : "Trinch !". "Tel est, dit Rabelais, le mot le plus joyeux et le plus divin que l'on puisse entendre : "Buvez !" Car boire est le propre de l'Homme. Mais non pas boire simplement et absolument, car les bêtes boivent aussi bien. Car dans ce vin là est caché la vérité et il a ainsi le pouvoir de remplir l'âme de toute vérité, de tout savoir et de toute philosophie".

Le Grand Pan

Leur voyage terminé, les deux amis sont invités à : "Aller, sous la protection de cette sphère spirituelle, dont le centre est partout et la circonférence nulle part, que nous appelons Dieu" - fin du voyage et du Cinquième Livre.

"C'est le Grand Pan, le Bon Pasteur, qui éprouve non seulement de l'affection pour ses brebis, mais aussi pour ses bergers. A sa mort, il y eut des plaintes et des lamentations dans toute la machine de l'Univers. Car selon l'interprétation qui est la mienne ce Pan, très bon et très grand, notre unique Sauveur, mourut près de Jérusalem, sous le règne de Tibère César" - Quart Livre, chapitre XXVIII.

Ainsi, le Grand Pan est mort et il a emporté La Parole. C'est Rabelais qui le dit. Nous pouvons donc le croire sur Parole. "Prenez et buvez"

 

Eusthènes, 18 janvier 2010                    

 

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3 septembre 2009 4 03 /09 /septembre /2009 08:27

1 - Aspects du mythe

Aujourd'hui, tout le monde, ou peu s'en faut, s'intéresse aux mythes. Pourtant la notion de mythe est loin d'être élucidée de même que la question sur le sens et la signification des mythes. Deux thèses principales s'affrontent. Pour la première, la vérité des mythes n'est qu'un effet de signification. Pour la seconde, le mythe dît quelque chose à quelqu'un sur quelque chose.

Le passage du mythos au logos, du discours imagé au discours raisonné, du discours mythique au discours conceptuel, témoigne pour les deux théories, sans toutefois les départager réellement. Pourquoi croit-on aux mythes? Probablement pour trois raisons principales.

Tout d'abord, parce que s'ils semblent absurdes au plan rationnel, les mythes dissimulent, sous le voile du fantastique, des vérités profondes. Ensuite, parce qu'il n'est pas rare que les mythes se fondent sur des faits ou des événements historiques réels, déformés par l'imagination populaire ou par nécessité. Enfin, comme le souligne Julien Gracq, dans la préface du Roi Pêcheur, parce qu'on ne nous laisse plus ignorer aujourd'hui que ce dont il est question dans les mythes, c'est essentiellement de notre époque avant toute autre.

L'Age d'Or

Moment mythique de l'humanité, décrit comme étant celui de l'abondance, de la concorde et de la paix, le thème de l'Age d'Or fournit la trame de nombreux mythes et utopies et on peut le retrouver pratiquement dans toutes tes civilisations. Dans l'antiquité, l'Age d'Or est un mythe lié au temps cyclique. Les révolutions des astres et leur retour régulier suggèrent une succession d'âges dont Hésiode a été le premier témoin. L'Age d'Or est synonyme de liberté, de vie facile, de paix et de longévité.

Mais la littérature présente également une autre vision de l'Age d'Or, celle d'un paradis pour plus tard qui caractérise l'utopie. Celle-ci n'est plus liée à un temps cyclique, mais à un temps ouvert sur un avenir linéaire, infini dans son déroulement et aboutissant à un autre monde. A moins que la machine n'écrase l'homme ou que ta science ne le conditionne dès l'œuf et que l'Age d'Or, définitivement perdu, ne devienne alors mémoire interdite.

Platon et le mythe du politique

Au huitième siècle avant notre ère, Hésiode raconte dans l'un de ses mythes, la succession des diverses races d'hommes qui sont apparues sur la terre. Les cinq races qu'il énumère semblent s'ordonner d'après une échelle de valeurs représentée par des métaux (or, argent, bronze, fer). Seule, la race des Héros, qui précède la race de fer des hommes d'aujourd'hui, ne correspond à aucun métal.

Platon reprendra, dans le Mythe du Politique, cette vision cyclique de l'histoire. Mais le mouvement cyclique n'est plus continu et la mécanique s'efface alors devant la croyance. Tantôt le dieu guide la marche de l'univers, tantôt il l'abandonne à son propre mouvement. Lorsque l'univers suit la marche divine, c'est l'époque des "fils de la terre", celle du rajeunissement continuel. Lorsque l'univers rétrograde, c'est le cycle que nous connaissons actuellement, celui de la dégradation progressive.

Monde guidé, monde abandonné, temps de Cronos, temps de Zeus, âge d'or idyllique, âge de conflits et de malheurs, tout se passe comme si l'humanité devait osciller entre deux pôles, chaque fois pour le meilleur ou pour le pire, selon qu'elle est dirigée ou non par la divinité. Mais il existe sans doute une autre lecture du mythe, A supposer que la " divinité-pilote " se confonde avec la rationalité, tout peut s'éclairer autrement.

Car l'œuvre de Platon ne nous le laisse pas ignorer que tout va à vau-l'eau quand la raison nous lâche. Dans le contexte du mythe, le politique retrouve sa place. Il sera un soigneur d'hommes plus qu'un pasteur d'hommes. Mais il lui revient, par la vertu d'une raison efficace, au service du gouvernement, d'enrayer les progrès du mal et de freiner la décadence. Ainsi, au pessimisme de la Philosophie de l'Histoire, répond et fait échec la foi platonicienne dans la Rationalité au service du Bien.

La perception cyclique de l'histoire

L'éternel retour est un mythe fondamental qui, comme l'a montré Mircéa Eliade - voir les deux liens - contamine de nombreux autres mythes et fonde de nombreux rites. L'éternel retour est figuré par un cercle. Il représente le mouvement, la roue qui tourne. Et cette image suggère une représentation métahistorique de l'histoire, une sorte de philosophie sacrée de l'histoire.

La théorie des âgespopularisée en France par René Guénon, - voir les trois liens - prétend qu'il y aurait eu un âge d'or, puis un âge d'argent, puis un âge d'airain et enfin un âge de fer. Cette progression serait une régression, une dégénérescence. Mais parvenue à un point avancé, ce "pourrissement" générerait un retour à l'âge d'or. La vision cyclique de l'histoire permet d'imaginer une méta-histoire où le passé cesse d'être irréparable, car ce qui a été peut être revécu. Il reste donc toujours une autre chance et le monde peut se ré-enchanter.

Le New Age et l'historicisme

Selon le New Age, l'humanité s'apprête à entrer dans une nouvelle phase de son histoire, l'Age du Verseau, qui durera 2.146 ans. Cette mutation astrologique est au coeur de la philosophie du New-Age. Les astrologues, qui ont mis en parallèle les phases de la précession des équinoxes avec l'évolution des civilisations humaines, ont été suivis par le New Age. Le résultat est une forme de discours assez singulier que l'on pourrait appeler "astro-histoire".

Le principe de l'astro-histoire est que les grands stades de l'évolution humaine correspondent aux grandes années astrologiques. Toute l'évolution historique est rythmée par une horloge cosmique battant à ta cadence de 2.146 ans. De plus chacune des ères zodiacales possède des propriétés morales spécifiques (individualisme, agressivité, harmonie).

La critique du philosophe Karl Popper récuse, au nom de la logique, toute forme de philosophie de l'histoire invoquant des lois macro-historiques. Selon Popper, on ne peut présenter le devenir humain comme entraîné par des forces supra-individuelles dont les hommes seraient les esclaves. Une histoire théorique, équivalente à la physique théorique, sur laquelle se fonderait une prédiction historique est donc impossible, ce qui invalide le projet même de l'astro-histoire.


                                                                                                                              
Maj 12 12 09 *

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2 septembre 2009 3 02 /09 /septembre /2009 07:29

2 - La perversion totalitaire

La double fonction du mythe, montrer et rassurer, constitue son ambivalence et son ambiguïté. Notre imaginaire nous procure le mythe du paradis perdu : explication de la douleur causée par une
rupture (autrefois, nous étions heureux dans un temps et un lieu privilégiés). Nos ancêtres ayant commis une faute, nous avons été rejetés de ce paradis et nous portons en nous cette faute, "le péché originel".

Mais, cela n'est pas obligatoirement irrémédiable, car nous pouvons sortir de cette situation par la "Rédemption". Pour certains, la Rédemption s'accomplit par l'intercession d'un Sauveur. Pour d'autres, la Rédemption - ou réparation - s'effectue par un retour à l'unité primordiale en rassemblant les éclats dispersés du miroir brisé d'Aphrodite (en rassemblant ce qui est épars).

Mais les fascistes et les intégristes ne partagent ni cette démarche, ni cette vision des choses. Pour eux, les mythes expriment une vérité absolue, d'essence divine, ou cosmique. Le totalitarisme voit dans les mythes un support - un vecteur - destiné à véhiculer des principes. Il vide ainsi les mythes de toute poésie, de tout imaginaire, et leur refuse alors la possibilité d'en dire plus.

Un ordre éternel

Car l'ésotérisme n'intéresse le totalitarisme que dans la mesure où il est possible de l'utiliser pour construire des idéologies et des théologies. Ces idéologies renvoient à l'idée de Tradition, mais une tradition " pure ", à défendre contre la subversion démoniaque d'autres communautés comme la nôtre, qui se veulent, elles aussi, " traditionnelles".

Les idéologies totalitaires veulent installer un éternel présent et en finir avec le devenir. Leur âge d'or, quelle que soit sa forme, arrête et fige pour toujours une histoire pour laquelle il n'y a pas de plus loin où il faut arriver. Ce désir d'éternel présent est associé à une condamnation radicale du monde moderne. Le traditionalisme des fascistes et des intégristes, voit le système social fondé sur un " Ordre Social " qui subordonne l'individu.

Il intègre le système de pensée de deux francs-maçons célèbres : Joseph de Maistre et Bonald et il s'enrichit des doctrines de Barrés, Maurras et Léon Daudet. Il s'agit là d'une pensée qui adhère à une représentation statique du monde. Cette pensée défend un Ordre Eternel, contre une représentation dynamique, pour laquelle tout état est transitoire.

La vision cyclique de l'histoire, par les partisans de l'Ordre Eternel, admet le changement, mais à la condition de le concevoir dans un cycle qui promet son retour. Car l'Ordre Eternel est sacré. Il s'inscrit dans un plan divin - ou cosmique - et il faut donc y croire, en le considérant comme intangible. Ceux qui subvertissent le plan divin sont donc des matérialistes qui nient le sacré.

Telle est la pensée des thuriféraires des vieilles valeurs qui rejettent l'idée de progrès. Il n'est pas demandé à la vérité d'être vraisemblable. Il lui est simplement demandé de convenir. Il n'est pas demandé à la vérité d'être vraie, il lui est demandé d'être satisfaisante. Pour cela, il faut la réviser. Alors, s'installe une vérité ou une parole de substitution, confortées par l'idéologie dominante.

L'âge d'or à venir est celui de la fin des démocraties, du retour des monarchies, de l'abandon des droits de l'homme au profit des droits de dieu, en un mot, celui du triomphe de l'église catholique romaine (même si, pour certains, l'église de Jean doit triompher de celle de Pierre).

Il faut donc opposer à nos mystères d'autres mystères, à nos références antiques pré-chrétiennes, d'autres références aussi anciennes. D'où l'émergence d'ésotérismes où "Occident" - ou "le Nord" - sont les lieux de la lumière. A la lumière qui vient de l'Orient s'oppose naturellement celle qui vient de l'Occident. Et même si fascisme et intégrisme ont une vision sensiblement différente de l'âge d'or, cette démarche est commune au fascisme néo-païen, à certaines formes de néo-celtisme, à certains groupements catholiques intégristes et même à une certaine maçonnerie néo-johaniste.

La liberté ou la soumission au destin

"La première caractéristique de la modernité a été en quelque sorte inaugurée par la Révolution française lorsque le Tiers Etat s'est proclamé souverain et a donc dérobé au Roi de droit divin, c'est à dire à Dieu lui-même, la souveraineté. C'est alors que l'individu, concept ignoré auparavant, est né. C'est l'acte révolutionnaire dans son essence suprême et dans sa radicalité absolue. Tout le reste est secondaire. La démocratie est née ce jour là, dans le traumatisme d'une solennelle et éclatante rupture.

L'Islam, on le sait n'a même pas connu une réforme. C'est à dire que la place de Dieu dans la cité, de la religion dans le pouvoir, de l'Eglise (ou de ce qui en tient lieu) dans l'Etat, cette place demeure toujours indiscutée, même lorsque les consultations électorales sont organisées.

La deuxième caractéristique de ce qu'on appelle aujourd'hui la modernité, c'est tout simplement la civilisation industrielle. On sait d'ailleurs que le terme d'"intégrisme" a été pour la première fois formulé pour condamner les incidences de l'industrialisation sur les mœurs.

Ce dont les intégristes ont toujours fait le procès, c'est finalement l'usage d'une liberté abandonnée à l'homme. Abandon blasphématoire à leurs yeux, puisque cette liberté n'appartient qu'à Dieu. Et la philosophie de cet intégrisme islamique rejoint tout naturellement - terrorisme en plus - celle des traditionalistes français du XIXème siècle, lesquels ont dénoncé dans la Révolution, l'optimisme aberrant et irresponsable qui a consisté à faire confiance à l'homme. Islam veut dire : soumission à Dieu ...

Il s'agit du heurt de deux conceptions métaphysiques : celle qui inclut la Liberté et cette autre qui se soumet au destin".

Jean Daniel - Nouvel Observateur du 4.10.2001.
 

                                                                                                                                               
Maj 12 12 09 *

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1 septembre 2009 2 01 /09 /septembre /2009 07:29

3 - Temps profane et temps sacré

Ainsi, tandis que certains se réclament des discours sur le Nouvel Age, l'Age du Verseau, les utopies millénaristes et la vision cyclique de l'histoire, la Franc-Maçonnerie, elle, évolue, et ses adeptes y apportent l'esprit du temps en le confrontant aux idées d'autrefois.

Les soirées privilégiées, connues des maçons, ne peuvent se produire que dans les Loges qui, au moyen d'un rituel, pratiquent l'art d'ouvrir une porte sur un monde hors du temps et libéré de toute limite. Ce monde, à l'intérieur d'un temple "orienté", couvert de sa "voûte étoilée", devient d'autant plus réel qu'il est imaginaire. Ainsi, par le moyen du Rite, le franc-maçon peut passer de la durée temporaire ordinaire au temps sacré.

Le temps sacré est, par sa nature même, réversible dans le sens qu'il est un temps mythique primordial, rendu présent. Le franc-maçon vit ainsi dans deux sortes de temps : le temps profane et le temps sacré, qui se présentent à lui sous l'aspect paradoxal d'un temps circulaire, réversible et récupérable, une sorte d'éternel présent mythique, qu'il est possible de réintégrer par le Rite. Ce temps sacré, périodiquement réactualisé, est bien un temps mythique, primordial, non identifiable au temps historique : un temps originel, dans le sens qu'il n'est précédé d'aucun autre temps, parce qu'aucun temps ne peut exister avant l'apparition de la réalité racontée par Le Mythe.

Le Temple de Jérusalem

Un symbolisme temporel analogue est intégré dans le symbolisme cosmologique du Temple de Jérusalem. Ce Temple est une "Image du Monde", se trouvant au "Centre du Monde" et il sacralise non seulement le Cosmos tout entier, mais aussi la Vie Cosmique, c'est à dire "le Temps".

Hermann Usener a, le premier, expliqué la parenté étymologique entre "le Temple" et "le Temps". Le Temple désigne l'aspect spatial et le Temps l'aspect temporel du mouvement de l'horizon dans l'espace et dans le temps. Le Temple que chaque maçon doit construire en lui-même représente l'édifice idéal que chacun de nous est appelé à réaliser et le Temple de Jérusalem est une image de l'univers destiné à satisfaire notre raison, une conception philosophique traduisant autant qu'il est possible une approche de la vérité. Et cela quel que soit le Rite que chacun peut choisir librement.

Salomon, Hiram, Zorobabel, n'ont ni construit, ni rebâti le Temple. Ils nous ont légué son modèle, caché sous une image. Ils nous indiquent le chemin vers ta Cité idéale où il s'élèvera dans l'harmonie.

La recherche de la parole perdue

Le thème de la parole perdue à retrouver s'inscrit naturellement dans le mythe de l'éternel retour, lui-même porteur d'un sens qui demande à être interprété. La théorie des Ages l'interprète au premier degré. Mais d'autres interprétations restent à faire ...

Toutes les traditions font allusion à un bien perdu ou disparu. Paradis ou parole, quelle que soit sa symbolisation, ce bien est toujours porteur du même réseau de significations : une rupture nécessaire à l'accomplissement du cycle mort et renaissance.

La recherche de la parole perdue, à laquelle est associée la prononciation de cette parole constitue l'essence même de la démarche initiatique proposée par la franc-maçonnerie. Et cette démarche est pratiquement commune à toutes les pédagogies initiatiques, quelles que soient les traditions.

Mais dès le départ, au commencement du voyage, le franc-maçon doit savoir que la parole retrouvée ne pourra se dire. Elle sera montrée, sortie d'une boîte, sous l'égide de la rose, sous forme de lettres, qui sont les initiales du Mot et non le Mot lui-même, enfin retrouvé. Cela veut dire que la "vision suprême", révélatrice de l'ultime réalité, ne peut être dite et que la révélation s'efface.

Une vérité dite devient un mensonge

Selon l'Art, il convient d'interroger cette idée d'illumination suprême et, par un désir d'ordre spirituel, de dépasser les limites de ce qui est mesurable. Les commentaires que l'on trouve sur ces expériences font état d'un retour à l'unité, d'une dissociation, d'une fusion de l'Etre dans le Tout, vécus lors d'instants fugitifs ou lors d'extases prolongées. Cette forme de vécu du Sacré est-il illusion ou réalité au-delà ?

Résistons prudemment à la tentation de répondre à cette question, sans être dupes de notre parti pris de ne pas répondre. Car nous refusons sans doute de le faire parce que nous voulons croire qu'il y a une fin au voyage autre que le néant, sachant qu'une vérité dite devient un mensonge, parce qu'elle ne rend compte que d'une interprétation et que seuls peuvent se dire des mots substitués, qui ne sont jamais que des mots utiles "pour mémoire".


Maj 12 12 09 *

 

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30 novembre 2008 7 30 /11 /novembre /2008 10:04

Lorsque les tribus nomades de chasseurs et de bergers se sédentarisent pour devenir agriculteurs, la régularité des phénomènes cosmiques et météorologiques devient un facteur essentiel du maintien de la vie.  C'est alors que débute la création mythique, fondée sur l'influence des astres sur les conditions de la vie humaine. 

Les hommes voient
dans les mouvements des astres des forces intentionnelles qui se livrent un combat incessant afin de les aider ou de leur nuire. Le lever du jour ou la pluie sont reçus comme des dons du ciel. L'homme adresse alors des prières aux divinités pour les remercier ou pour les implorer.

 

Les évolutions des astres sont imaginées comme des combats entre divinités bienfaisantes ou malveillantes. Au-delà de ces phénomènes immenses et sans rapport avec la durée de la vie humaine, émergent des images à signification précise, qui ont pour but d'exprimer les conflits internes de l'homme dans cette immensité effrayante. Et de poser la question de sa destinée après la mort.

 

L'homme peut même, en purifiant ses aspirations, atteindre l'idéal représenté par la divinité : le héros vainqueur de la mythologie acquiert l'immortalité et se trouve symboliquement élevé au rang de divinité. Et le symbole divinité prend, en retour, l'apparence humaine pour visiter les mortels.

 

Il se crée alors un courant d'obligations "réciproques" entre l'Homme et la Divinité. L'homme recherche la satisfaction essentielle : une orientation sensée de sa vie comme don ultime de la divinité qui devient le juge symbolique attribuant la récompense ou le châtiment des actes, des intentions, des désirs,  les intentions impures étant figurées par des monstres que l'Homme-Héros doit combattre.

 

C'est ainsi que la figuration mythique, imaginée à l'origine comme un combat entre les astres considérés comme des divinités, finit par exprimer les conflits internes de l'âme humaine. La lecture des récits mythologiques compris dans cette voie, devient alors à la fois passionnante et très révélatrice.

 

Paul DIEL - petite bibliothèque payot

Le symbolisme dans la mythologie grecque – N° 87

Le symbolisme dans la bible – sa signification psychologique – N° 246

Le symbolisme dans l'Evangile de Jean (avec Jeanine Solotaref) – N° 400


Maj 19 10 09 - GA - L0

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19 octobre 2008 7 19 /10 /octobre /2008 08:14

Au commencement, l'homme s'étonna de toutes choses et il adora la puissante nature, le soleil, le feu, les moissons, les animaux et dans le même temps, il essaya d'agir comme les plantes poussent, ce qui fut magie. J'appellerai religion de la nature cette religion mère, où la nature paraît comme invincible et impénétrable.

Vint ensuite la religion olympienne, où la forme humaine est seule adorée et où le monde est gouverné comme un royaume. J'appellerai religion politique cette religion des conquérants. Je l'appellerai aussi bien religion urbaine, par opposition à la première qui est évidemment agreste.

Et quant à la troisième religion, qui est devenue dans notre occident non moins populaire, sous le nom de christianisme, on ne peut s'y tromper d'après les nouvelles valeurs qu'elle enseigne, je la nommerai religion de l'Esprit. Et je n'en vois point d'autre. Telles sont, en fait, les étapes de l'Homme.

Je ne puis dire au juste à quel moment je suis sorti du catholicisme. Sans doute lorsque j'ai compris que la tristesse n'est ni grande, ni belle et que la sagesse ne consiste pas à méditer sur la mort en creusant sa propre tombe comme les trappistes. J'ai pensé qu'il n'était pas possible que ce soit là le vrai secret de la vie et je me suis délivré de cette religion comme d'une maladie ... J'ai tout de même l'empreinte. Nous l'avons tous ...

Ainsi, j'appellerai religion de la nature cette religion mère. Et le dieu Pan figure très bien pour moi ce panthéisme naïf, où le dieu Tout se change en une poussière de dieux. Les saisons, le réveil périodique de la végétation, le changement et le retour des astres qui annoncent ou accompagnent tous les autres changements, les mœurs et les migrations des animaux, le tonnerre, la foudre, l'orage, les comètes, les éclipses, les cyclones, les volcans, toutes les terrifiantes exceptions, les sources aussi, les images reflétées, l'écho - autre reflet - l'obscurité et le silence des bois, tout cela ensemble est l'objet d'un culte et l'occasion de fêtes.

Et ce paganisme, ou religion des paysans, subsiste encore sous mille formes. Mais il faut être paysan pour sentir pleinement cette religion du soleil et des saisons. Les citadins qui ne sont qu'usuriers et emprunteurs, comptent par échéances et par semaines.

L'idée qui me semble exprimée dans toutes ces fêtes paysannes : Pâques, qui est la fête du printemps ou de la résurrection, la fête-Dieu, qui est la fête des fleurs, la célébration des morts au moment de l'année où toutes choses commencent à mourir, c'est qu'il faut attendre la nature, faire comme elle veut, ne pas discuter, ne pas souhaiter d'autres cieux et un autre monde, ni une condition surhumaine, ni un progrès selon nos préférences. Mais j'y vois aussi un espoir ou une confiance. Car l'homme qui se plaint de sa condition humaine
et qui accuse la nature est un homme qui commence à mourir et même qui souhaite mourir.

A cette religion agreste, s'oppose la religion urbaine. Les forces naturelles sont remplacées ici par le veilleur de nuit, le boulanger, le magistrat, le médecin, le prêtre. Une autre nature se montre ici toute humaine, et l'on voit apparaître alors la religion politique, qui est l'olympique. La religion politique est toute de commémorations. C'est une religion du foyer et des ancêtres. Ce culte est universel.

La piété, en son sens le plus positif, veut que l'on fasse société avec les morts et qu'on leur rende ainsi une sorte de vie ... La piété s'appuie sur les signes et les anniversaires. Elle se donne des devoirs contre l'oubli. Mais chacun sait bien que l'oubli est plus fort que la piété et que c'est un peu la faute des morts et un peu la nôtre. C'est un peu la faute des morts s'ils n'ont guère valu par leurs conseils et par leur exemple. La religion s'amincit alors jusqu'à une politesse de forme, et sans promesse de durée. Mais c'est aussi notre faute à nous si les morts meurent une seconde fois.

Jupiter est un homme, mais il n'arrive pas encore à être un dieu. Jupiter n'est pas assez dieu. Il n'est pas non plus tout à fait homme. Et c'est parce qu'il n'est pas assez homme qu'il n'est pas encore digne d'être dieu. Jéhovah, au contraire, n'est plus homme du tout. Et sa façon d'être incompréhensible est celle de l'indescriptible qui se cache derrière un nuage. Ce pur esprit ne peut plus s'incorporer. Il est coupé de l'homme ...

Il fallait donc revenir plus près de l'homme vrai. La religion s'est donc incarnée. Et ce n'est pas peu de chose, que d'avoir reconnu et commémoré le modèle spirituel de l'homme, couronné d'épines, non seulement jugeant mieux que nous, mais souffrant mieux que nous. Tel est le second mouvement de l'esprit qui nous ramène du pur esprit à l'esprit fraternel.

Ce dieu nouveau, qui enfin est homme, termine un long tâtonnement d'idolâtrie errante. Mais le plus divin, en ce Dieu-Homme, c'est la conscience élevée jusqu'à l'Esprit, et qui propose une autre société et une autre vie. Voilà donc l'Esprit, que le culte cherche et espère, comme l'enfant Dieu le signifie assez.

Les images de Noël sont étonnantes et même à bien regarder, subversives. Il y a lèse-majesté dans ce vieux mythe et j'admire comment la pensée populaire tient ferme depuis tant de siècles. Cet enfant dans la crèche, entre le bœuf et l'âne, et ces rois mages adorant, cela ne signifie pas que les pouvoirs vaillent un seul grain de respect. Il me semble aussi que le bœuf et l'âne, dans cette puissante image, figurent les dieux de l'Inde et de l'Egypte, déchus mais encore participants.

Il faut que l'Esprit, en chacun de nous, réalise l'unité entre la loi du Père qui demeure, et la loi du Fils, qui est éternelle …

II nous reste donc, après avoir écarté les mensonges des prêtres, à prendre la vie noblement et à ne point nous déchirer nous-mêmes et les autres par contagion. Etre bon avec les autres et avec soi-même, les aider à vivre, s'aider soi-même à vivre, voilà la vraie Charité. La bonté est joie. L'amour est joie. Voilà par quelles vérités on sauve ce qui est à sauver, et que la religion a perdu, j'entends la belle Espérance …

Car il n'est pas sur que les chemins s'ouvriront si on a la Foi. Mais il est certain que tous les chemins resteront fermés si on n'a pas d'abord la Foi. Si l'on y regarde bien, la Foi ne peut aller sans l'Espérance. Et il y a un genre d'Espérance et un genre de Foi qui conviennent à tous les hommes et dont le vrai nom est Charité ...

Et voici l'évangile nouveau : la paix sera si les hommes la font, la justice sera si les hommes la font ; nul destin, ni favorable, ni contraire n'est écrit ; les choses ne veulent rien du tout ; nul dieu dans les nuages, mais le héros, seul sur sa petite planète, seul avec les dieux de son cœur, Foi, Espérance, Charité …
 

                                                                                                                                    Sources : Alain - Propos


Maj 19 10 09 - GA - L0
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18 septembre 2008 4 18 /09 /septembre /2008 08:16

"Le bonheur n'est pas au bout du chemin, le bonheur c'est le chemin" ...

C'est dans les religions que l'on trouve les réponses les plus anciennes à la question du bonheur. Une certaine conception de la spiritualité, très courante, fait qu'un nombre considérable de gens sont persuadés que le bonheur se trouve loin au-delà de notre vie présente et que la vie terrestre n'est destinée qu'à nous y préparer. Nous ne le connaîtrons, ce bonheur, qu'après notre mort, ou bien lorsque nos pensées atteindront les plus hautes sphères pendant notre vie, si bien que nous serons encore au monde, mais non plus tout à fait de ce monde.

Il semble bien qu'une telle idée vient de ce que les vérités spirituelles sont décrites, pour des besoins de simplification, en termes de temps et d'espace. Le ciel et l'enfer sont repoussés dans le temps vers une vie après la mort, ce qui entraîne un dégoût manifeste pour le monde tel qu'il est et ce qui ne peut donc être une source de bonheur.

Cette réflexion se fonde sur la conviction que le bonheur, dans ce qu'il a de plus profond, se trouve bien au-delà de la portée de quelque technique ou de quelque croyance que ce soit. Aucun conseil ne sera donc donné ici sur ce qu'il convient de faire pour devenir heureux.

En tout premier lieu il faut distinguer l'eudémonisme, qui est la doctrine philosophique du bonheur et l'Hédonisme, qui est un système philosophique qui définit le plaisir comme le but ultime de la vie. Et comme il est possible de prendre du plaisir à faire du mal aux autres, il est tout à fait essentiel de bien définir le bonheur dont il sera question ici.

La morale d'Epicure tient le bonheur comme le souverain bien et la fin ultime de l'homme. Le bonheur consiste dans la volupté, mais la volupté liée à la raison et à la modération, une sorte d'hédonisme moral. Le résultat de la critique de Kant est le scepticisme métaphysique et le dogmatisme moral. La morale ne peut être fondée sur le désir d'atteindre le bonheur, mais sur le Devoir. On doit donc se rendre digne du bonheur en subordonnant sa quête au respect des lois morales dictées par la raison. Nous laisserons enfin aux stoïciens l'art d'être heureux quand le malheur leur tombe sur la tête.

On pourrait penser que la notion de bonheur est essentiellement subjective. Ne dit-on pas que le bonheur des uns fait le malheur des autres, et inversement. Nous devons aussi distinguer la joie et le bonheur. La joie est un état passager qui s'extériorise en général, même s'il existe des joies intérieures. Mais cet état est d'une durée limitée, souvent provoqué par un événement extérieur ou imprévu, ce qui donne à la manifestation de la joie le caractère spontané que l'on connaît bien.

Le bonheur est une chose très différente. C'est un sentiment plus intérieur, plus profond, plus intime, qui se fonde sur une sensation durable de la plénitude de l'existence, d'une harmonie véritable dans le déroulement de notre vie, d'un accord parfait entre nos aspirations les plus profondes et la réalité de notre existence. Le bonheur enfin, n'est pas le contraire du malheur et il n'y a pas de passage direct mais, au contraire, toute une série d'états pour passer de l'un à l'autre.

D'un côté, il y a ceux qui veulent faire jouer les mécanismes spirituels à leur profit et qui s'efforcent d'imposer leur propre volonté aux choses. De l'autre, ceux qui s'ouvrent au réel, à ce qui est. Ici se joue l'accès à une véritable liberté intérieure. Etre libre, c'est être capable d'adhérer intérieurement, au-delà de toute nécessité, à tout ce qui advient. Tel est sans doute le bonheur en question.


Maj 19 10 09 - GA - L0
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  • : Propos maçonniques
  • : Puissent ces quelques propos témoigner de la permanence de la recherche d'une vérité fuyante et incertaine accaparée par ceux qui - prétendant la détenir - voudraient l'imposer, même par la tyrannie. Ce blog n'engage que ses auteurs. Il est dédié à tous les frères et soeurs - orphelins d'un projet maçonnique exigeant et cohérent - pour des lendemains à repenser, à rebâtir, à rêver.
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