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17 septembre 2008 3 17 /09 /septembre /2008 08:18

Notre bonheur dépend-t-il de nous ? Notre destin n'est-il pas écrit une fois pour toutes et quelles sont réellement la portée et les limites de notre liberté individuelle ? Le mythe d'Er, le Pamphylien est sans doute l'une des plus belles pages écrites sur la relation du destin et de la liberté. Er est un soldat grec, tué au cours d'un combat, et qui se réveille huit jours après sa mort sur le bûcher de sa crémation. Et il est renvoyé, du séjour des morts, pour raconter aux vivants ce qu'il a vu dans l'au-delà ...

C'est ainsi que Platon raconte qu'un certain Er, qui avait été pris pour mort au soir d'une bataille, revint des enfers, une fois l'erreur reconnue, et raconta ce qu'il avait vu là bas. Les âmes sont conduites dans une grande prairie et on leur jette des sacs, où sont des destinées à choisir. Ainsi choisissent-elles selon leurs désirs ou leurs regrets. Ceux qui ont désiré l'argent plus que tout, choisissent une destinée remplie d'argent. Ceux qui en ont eu beaucoup, en cherchent encore davantage. Les ambitieux cherchent une destinée de roi. Les voluptueux cherchent des sacs pleins de plaisirs. Pour finir, chacun va boire l'eau du fleuve Léthé et s'en retourne, avec un nouveau destin sur l'épaule, afin de vivre sur la terre des hommes, selon son choix.

Voici une singulière épreuve et une bien étrange punition, beaucoup plus redoutable qu'elle n'en a l'air. Car il se trouve peu d'hommes qui réfléchissent sur les véritables causes du bonheur et du malheur. Ceux-là remontent jusqu'à la source, c'est à dire jusqu'aux désirs tyranniques qui mettent la raison en échec. Ils se défient des richesses, car elles rendent sensibles aux flatteries et sourds aux malheureux. Ils se défient de la puissance, car elle rend injuste, plus ou moins, tout ceux qui en ont. Ils se défient des plaisirs, parce qu'ils obscurcissent et éteignent enfin la lumière de l'intelligence. Ces sages là retourneront prudemment plus d'un sac de belle apparence, toujours soucieux de ne point risquer de perdre, dans une brillante destinée, le peu de sens droit qu'ils ont acquis et conservé avec tant de peine. Sans doute choisiront-ils quelque destinée obscure dont personne ne voudrait.

Mais les autres, qui ont galopé toute leur vie après leurs désirs, sans regarder plus loin que l'écuelle, ceux-là, que voulez-vous donc qu'ils choisissent, sinon encore plus d'aveuglement, plus d'ignorance, plus de mensonge et d'injustice ? Ainsi se punissent-ils eux-mêmes et bien plus durement qu'aucun juge ne les punirait. Sans aucune expérience d'une vie future, qui suive la mort, c'est trop peu dire que l'on n'y croit pas, on ne peut rien en penser du tout. Mais la vie future, où nous sommes punis selon notre propre loi et même selon notre propre choix, n'est-ce pas plutôt cet avenir même où nous glissons sans arrêt et où chacun développe la destinée qu'il a choisie. Rapporté à la mort symbolique du processus initiatique de l'Initiation maçonnique, le mythe d'Er le Pamphylien est proprement fulgurant.

Dans la relation entre le destin et la liberté, l'enjeu capital est de savoir qui préside aux destinées de chacun. Chez Hésiode, le destin est trinité : Clotho, la fileuse, dont la quenouille déroule le fil de la vie, Lachésis, dispensatrice du sort, qui assigne à chacun sa destinée, Atropos, l'inflexible, qui de ses terribles ciseaux, tranche sans pitié le fil des existences. Le destin est avant tout ce qui donne à chacun son lot, sa part, sa place.

Dans le stoïcisme, il est comparé à un metteur en scène, distribuant à chacun son rôle, ou à un maître de banquet, assignant à chacun sa place.=Platon se démarque d'une conception exclusivement fataliste du destin en intégrant la capacité de l'homme à choisir, à se choisir, au travers d'une réflexion informée et responsable. Des lots existent, des modèles sont tracés, écrits, filés, les destinées rédigées. Mais elles sont proposées comme des possibilités d'existences et non imposées comme des existences obligées. L'être est à la fois informé et libre, sans pression ni entrave dans sa décision, responsable enfin des conséquences de son choix, des tous ses choix, sa vie durant.

Ainsi, tout repose sur la qualité de la réflexion de chacun et certains paieront très cher d'avoir pensé si peu, si vite, si mal. Il est d'ailleurs très significatif de retrouver dans le mythe d'Er, la trilogie : pouvoir, argent, sexe. A cette trilogie, qui constitue la voie la plus sure pour l'aliénation morale et sociale de l'homme, répond la devise de la franc-maçonnerie : liberté, égalité, fraternité, mise en oeuvre dans l'itinéraire initiatique du franc-maçon.

Bien choisir, voilà l'enjeu, mais bien choisir n'est pourtant pas tout, car l'essentiel est de bien vivre. Même le dernier venu, s'il choisit avec intelligence et s'efforce de bien vivre, peut ramasser une condition convenable et bonne. Nos destinées, ces "patrons" d'existences, ensembles définis de "compossibles", selon la terminologie de Leibniz, ne portent en effet que sur les événements, les péripéties, d'une vie. Le scénario est écrit, mais non la manière de le jouer. La vertu, cet unique nécessaire, dans nos actes et nos comportements, décidera, sinon du contenu, du moins de la qualité de la vie menée ici-bas.

La déclaration de l'hiérophante est formelle : "La vertu n'a point de maître. Chacun en aura plus ou moins selon qu'il l'honorera ou la négligera". Une chose est de se voir attribuer une destinée, une autre est de gérer l'emploi, vertueux ou non, de sa situation. Le destin détermine le schéma d'une vie, non sa qualité spirituelle, qui relève, elle, de la seule liberté et de la seule responsabilité individuelle.

En tous lieux dans le monde, la cité ou les âmes, ainsi qu'en tous temps, la pensée réfléchie règne en souveraine. Le bonheur est à ce prix.


Maj 19 10 09 - GA - L0
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16 septembre 2008 2 16 /09 /septembre /2008 08:20

Depuis une cinquantaine d'années, les hommes semblent avoir fait la découverte d'une nouvelle vertu et d'un nouveau vice de l'âme. Accepter la vie, serait cette vertu et fuir la vie serait ce vice. Bien entendu, ni ce vice, ni cette vertu ne sont bien nouveaux et les psychologues modernes ne sont pas les premiers à en avoir pris conscience. Mais pendant des siècles, le symbole du courage moral a été Saint Michel et le dragon : un Saint Michel, qui se tient triomphant sur le cadavre d'un horrible serpent griffu, aux ailes de chauve-souris, la lance plantée dans son coeur. Un mythe encore plus ancien raconte le combat d'Hercule contre l'Hydre de Lerne, où le héros, à chaque fois qu'il coupe l'une des têtes du monstre, qui en a plusieurs, en voit repousser sept autres.

Le problème du mal n'est, en effet, pas aussi simple que ne le ferait penser la morale par le combat. Les désirs, les sentiments et les impulsions de l'âme, auxquels nous donnons le nom de Mal, semblent se nourrir de cette résistance. La haine ne cesse pas du fait de la haine. C'est l'amour qui fait cesser la haine. Et nous avons pourtant beaucoup de difficultés à admettre que nous pouvons surmonter une bouffée de haine, en aimant celle-ci. Mais tout comme dans la peur, la haine de la haine ne fait qu'ajouter un sentiment de haine à un autre et le résultat est à l'opposé de celui qui est recherché.

On trouve aujourd'hui une fraction de l'opinion qui reconnaît que l'origine du mal, sous toutes ses formes, est d'ordre interne et que l'on a de meilleures chances de le maîtriser à l'aide de techniques plus pacifiques. Les promoteurs de cette attitude sont les psychologues modernes qui pensent que nos pulsions ne peuvent pas être simplement éliminées sans laisser de traces, car elles proviennent de quelque chose qui, en l'homme, est bien au-delà de la maîtrise de sa raison et de son esprit conscient. Cet aspect inconscient de lui-même, c'est l'irruption de l'irrationnel dans l'homme, que des siècles de civilisation et de discipline morale ont fini par lui faire oublier ou ignorer. Et nos expériences les plus ordinaires et les plus quotidiennes nous montrent que les forces naturelles sont extraordinairement difficiles à contrôler.

Voilà un fil conducteur qui devrait nous permettre de comprendre ce que l'on entend lorsqu'il est question d'accepter le mal, en reconnaissant que ce que la morale appelle ainsi n'est qu'une pulsion naturelle, qu'il n'y a pas lieu de craindre, si elle reste à sa place, au fond de nous-mêmes. Ainsi notre attitude envers le mal pourrait-elle être débarrassée de tout sentiment de haine.

L'acceptation de la vie signifie précisément que l'on accepte tout ce qui fait partie de la vie, ce qui ne peut toutefois constituer un "laisser-faire" spirituel. Le premier niveau d'acceptation relève d'une question technique, alors que le second niveau relève d'une question de spiritualité. Les philosophes orientaux décrivent le premier niveau comme l'acceptation partielle de la vie, expression d'un état d'esprit dualiste, qu'ils distinguent d'un état d'esprit véritablement Un. Le second niveau d'acceptation totale et d'amour de la vie reste toutefois insaisissable pour nous tant que nos efforts pour y parvenir créent un conflit constant avec tout ce qui semble aller dans le sens contraire.

Accepter totalement la vie, c'est avant tout être libre de se comporter moralement. L'idée de l'acceptation totale demeure en partie cachée dans le christianisme. Seuls quelques mystiques en parlent sans détour, alors que les religions orientales, au contraire, y insistent particulièrement. Mais il ne suffit pas de changer les noms des pouvoirs de l'âme humaine, que les anciens appelaient dieux et démons, pour qu'ils soient aussitôt privés de leur magie. Ils conservent toutes leurs caractéristiques divines ou démoniaques, même lorsqu'on a supprimé leurs auréoles et leurs ailes, ou leurs cornes et leurs pieds fourchus. Comme nous l'avons vu, la psychologie de l'inconscient, cherche à reconnaître, de nouveau, nos dieux et nos démons.

Ce qui est fondamental, en fait, est de parvenir à assimiler consciemment des phénomènes jusqu'alors inconscients et de les accepter, en dépit de leur apparente irrationalité. Il n'est pas rare que le rêveur raconte avoir vu des formes et des symboles dont il n'a jamais eu la moindre connaissance consciente et que certaines séries de rêves suivent d'assez près le déroulement de certaines cérémonies d'initiation. Jung les décrit comme un déplacement du centre de la personnalité qui va de l'ego au soi. Dans son système, Jung en fait le centre de l'ensemble du psychisme. Pour lui, l'ego n'est qu'au centre du moi conscient et le soi, une sorte de point virtuel, entre le conscient et l'inconscient, qui doit donner satisfaction aux exigences de l'un comme de l'autre.

Les rêves qui illustrent cette situation prennent généralement la forme d'un mandala, d'un cercle magique, de la fleur d'or, le lotus pour les orientaux, de la rose au centre de la croix, ou de tout ce qui peut illustrer la complétude, l'équilibre et l'accession à un état spirituel central. Une caractéristique intéressante de ces mandala est que le cercle qui les compose est habituellement divisé en quatre ou comporte une fleur à quatre pétales. Cette répartition symbolise le complet développement de l'individu dans toutes ses facultés ou fonctions : Intuition, Intelligence, Sensation, Sentiment, la quintessence du bonheur. Créer, se créer soi-même, reste fort difficile. Mais la création n'est pas le résultat d'une crispation du moi sur ses propres limites, mais un apaisement lié à l'abolition de ces limites. Le paradoxe ne disparaîtra jamais totalement de l'être réunifié, mais sera vécu sur le mode apaisé des contraires dans le soi.

L'univers devient alors un mystère infiniment plus grand que tout ce qu'il est possible d'imaginer. Et rien ne peut nous rendre plus perplexe que de nous demander comment il se fait que chacun de nous ait la possibilité d'utiliser, dans le moindre de ses actes, la même énergie que
celle qui meut les étoiles.

Alors, les vers qui terminent le chant XXIII, le dernier du Paradis de Dante, prennent tout leur sens :
 

                                     Mais mes propres ailes n'y auraient point suffi,
                                     
Si mon esprit n'avait été frappé par un éclair
                                       
Dans lequel me vint l'objet de mon désir.
                                    
 Ici les forces manquèrent à ma sublime vision,
                                   
Mais déjà faisait tourner mon désir et ma volonté
                               Comme une roue qui se
meut d'un mouvement uniforme.
 


Maj 19 10 09 - GA - L0
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27 juillet 2008 7 27 /07 /juillet /2008 04:41

Dieu n'est pas une Invention ... C'est un Mythe ... La mythologie est l'écume du potage qui bout dans la marmite des sorcières. Il y a deux mille ans, la rupture annoncée par le cri : "Le Grand Pan est mort", a permis une avancée prodigieuse de notre savoir, de notre culture, de notre spiritualité. Et voici que deux mille ans après cette première annonce, surgit la seconde : "Dieu est mort", nous n'irons plus au bois, les lauriers sont coupés ... Tous les systèmes, toutes les idéologies, toutes les représentations, ne se construisent qu'avec les débris des dieux perdus. Et chaque religion n'est peut-être qu'un morceau du miroir brisé d'Aphrodite ...

Les mythes sont des récits dont les personnages sont des êtres surhumains. En grec, le Mythos désigne un récit imagé, qui s'oppose au Logos, le "Verbe", qui est un récit raisonné. Le mythe est donc le mensonge qui contient du sens. Il doit être l'objet d'étude sous la Rose et Compas en main. Il nous faut donc, si nous voulons devenir libres, choisir de devenir mythologues si nous ne voulons pas demeurer mythomanes ...

Pourquoi croit-on aux mythes ? Probablement pour trois raisons essentielles. D'abord, parce que s'ils sont absurdes au plan rationnel, les mythes dissimulent sous le voile de contes fantastiques des vérités profondes. Ensuite parce qu'il n'est pas rare que les mythes se fondent sur un événement historique réel, déformé par l'imagination populaire. Enfin, comme le souligne Julien Gracq, dans la préface du Roi Pêcheur, parce qu'on ne nous laisse plus ignorer aujourd'hui, que ce dont il est question dans les mythes, c'est essentiellement de notre époque avant toute autre.

Alors, comment aborder une approche des mythes avec un regard résolument tourné vers le futur ? ... Peut-être en se demandant pourquoi il est impossible d'éviter de réfléchir son propre portrait dans le miroir qu'est par définition un mythe. Car il n'existe aucun lecteur sérieux qui n'ait trouvé dans un mythe, autre chose que sa propre image. Voilà qui place le mythe au cœur du véritable étonnement philosophique, au chapitre des miroirs. Et le piège dans lequel le mythe prend tout lecteur, est qu'il ne nous permet pas d'échapper à l'autoportrait, du moins après avoir tenté de jeter un regard vers le miroir qui nous regarde. Car en fait, la véritable question est bien de savoir comment est monté un mythe en forme de miroir. Et l'on essaiera donc d'observer comment le miroir est construit en tant que lieu spéculaire des métamorphoses de notre propre moi symbolique, sans jamais oublier que le mythe ne s'exprime lui-même qu'en langage symbolique et que l’idéal ultime, en raison de la difficulté de sa réalisation, reste toujours lointain et indicatif.

La Quête est une notion fonctionnelle fondamentale dans le conte populaire et, dans le mythe, la Quête est accomplie par le héros, en vue de combler le manque caractéristique de la situation initiale. D'autres récits sont, d'un bout à l'autre, des quêtes sous des formes très variables (guerre, poursuite, voyage, méditation) en vue d'objectifs les plus divers : Toison d'or - pour les Argonautes, épouse - au début de la légende de Tristan et Yseut, secret - dans le roman policier, mais aussi la recherche de l'absolu - de Balzac, ou à la recherche du temps perdu - de Proust. La littérature médiévale offre un exemple particulièrement frappant de quête, dans le cycle romanesque immense consacré à la Quête du Graal liée, dès Chrétien de Troyes, à la matière arthurienne. La curiosité du lecteur est sans cesse détournée de l'histoire (on sait parfaitement d'avance comment tout finit) vers un sens qui n'est jamais donné en entier, sauf à Galaad - qui meurt dans l'extase du secret révélé. Quant à la littérature de la Renaissance, elle propose le "Cinquième et Dernier Livre des faits et dits héroïques du bon Pantagruel, auquel il est contenu la Visitation de l'Oracle de la Dive Bacbuc, et le Mot de la Bouteille, qu'afin d'en avoir communication, est entrepris tout ce long voyage - Livre nouvellement mis en lumière en 1564" - Fin de citation.

Jason, le chef de l'expédition de la Toison d'Or, fut le premier héros qui, en Europe, entreprit un long voyage. La portée générale, confirmée par tous les détails de l'histoire fabuleuse, se trouve déjà exprimée par la signification du nom des héros réunis : Argonautes, tous navigateurs, embarqués à bord de l’Argo, qui signifie le Vaisseau Blanc. Le blanc étant symbole de pureté, l'Argo devrait les conduire vers la purification. La nature de l'expédition se trouve encore plus clairement désignée par son but : la conquête de la Toison d'Or. L'or couleur est représentatif de la spiritualisation, tandis que la Toison, le bélier, est symbole de sublimation. La Toison d'Or à conquérir indique donc que le but symbolique de l'entreprise est la conquête de la force de l'esprit et de la pureté. La Toison d'Or est suspendue à un arbre, symbole de vie, et gardée par un dragon, symbole de pervertissement. Le héros doit "tuer le dragon" pour pouvoir s'emparer du trésor sublime.

Mais il se peut aussi que le héros s'empare du trésor sous sa signification perverse. Tel est le sens général qui peut se dégager du thème autour duquel sont concentrées toutes les images du mythe. Il faut cependant observer que pour Jason, qui se trouve à la tête de l'expédition, la conquête de la Toison d'Or n'est qu'une condition à remplir afin de pouvoir accéder au trône royal de son père. Et le dilemme essentiel sous-tendu par le mythe de la Toison d'Or est bien de savoir dans quel état d'esprit le héros exercera le pouvoir, lorsqu'il l'aura acquis. S'il trouve la signification sublime du trésor (s'il sait dominer la passion du pouvoir), son règne sera juste. Mais s'il ne trouve que la signification perverse du trésor, (s'il n'aspire au pouvoir que pour le pouvoir), son règne sera celui d'un tyran. Ainsi, de la réussite ou de la défaite du héros, dépend le sort du pays qu'il gouvernera, et ce pays est une représentation symbolique du monde entier. C'est donc le sort de l'humanité qui dépend de cette réussite ou de cette défaite.

Jason ne tente pas l'aventure seul, ce qui est à la fois assez exceptionnel et très significatif. L'Argo conduit les navigateurs vers Colchos, le pays de la Toison d'Or. Ils voguent sur la mer, symbole de vie, dont ils doivent toutefois affronter les dangers. Et après avoir surmonté bien des difficultés et évité tous les écueils, l'Argo accoste enfin à Colchos mais, présage funeste, une partie du gouvernail a été emportée. Le roi de Colchos exige, pour remettre la Toison d'Or à Jason, qu'il réussisse à atteler deux taureaux sauvages que nul n'a jamais pu parvenir à dompter et qu'il laboure ensuite un champ qu'il devra ensemencer avec les dents d'un dragon. Mais Jason, peu confiant dans ses propres forces, se lie avec Médée, la fille du roi, qui est magicienne, ce qui n'est en réalité qu'un calcul vulgairement utilitaire, pour surmonter sans risques les épreuves imposées par le roi. Et Jason ne tue pas en combat héroïque le dragon qui garde la Toison d'Or. Héros défaillant, il l'endort en utilisant un philtre préparé par Médée et parvient ainsi à se sauver en dérobant le précieux trophée.

Les images de la fin du mythe figurent le châtiment de Jason. Le symbolisme des travaux escamotés a servi à figurer l'attitude perverse qui caractérisera le règne de Jason. Après s'être servi de Médée, il l'abandonne et elle devient alors l'instrument fatal de sa punition, en tuant, de ses propres mains, les enfants de leur union. Jason, las de traîner son désespoir à travers le monde, vient un jour se reposer à l'ombre l'Argo. Mais il est écrasé par une poutre qui tombe de l'épave du navire qui aurait dû le conduire jusqu'à son idéal. Ainsi, Jason a voulu se reposer à l'ombre de sa propre gloire, croyant qu'elle suffirait à justifier sa vie entière ou à lui permettre d'en oublier les déboires passés et le vaisseau, symbole de l'espoir héroïque de sa jeunesse, devient alors celui de la ruine finale de sa vie. C'est en cela que l'on peut considérer le mythe de la Toison d'Or comme typique de la quête manquée.

"Ici, Tout est Symbole". Cette affirmation répétée au cours de la cérémonie de réception au premier degré est chargée de sens, parce qu'elle annonce la valeur de la démarche et celle du programme : la recherche du sens au delà de l’apparence. Après son apprentissage et son compagnonnage, le Franc-maçon médite sur la passion d'Hiram. Il apprend alors que les maîtres disposent pour se reconnaître d'un mot substitué, dont ils portent les initiales sur leur tablier et savent donc la Parole d'origine disparue. Plus tard, il comprendra le but de la démarche : la recherche de la Parole Perdue. La Parole est perdue pour ceux qui croient avoir tout vu, tout dit... Et qui disent "qu'il n'y a rien à voir". La Parole est effectivement perdue lorsqu'on n'est plus à même de produire une parole nouvelle à propos des symboles. Ceux qui croient en avoir épuisé le sens ont, en réalité, probablement atteint les limites de leurs propres moyens. Car le symbole est le langage du sens. Et le sens est ce qui génère des significations. Il faut aller du sens à la signification. Ainsi, la Parole Perdue est-elle toujours à retrouver et sa quête exige une remise en question permanente et douloureuse de toutes les certitudes acquises antérieurement ...

Toutes les traditions font allusion à un bien perdu ou disparu. Paradis ou Parole, quel que soit le bien, il est toujours porteur du même réseau de significations. Muni du mot substitué et désirant retrouver La Parole, le Maître Maçon explore les paysages proposés par les rites. Mais le voyage initiatique n'est accompli que par celui qui ne se contente pas de la parole substituée. Celui-là demande l’essentiel ... Encore faut-il qu'il garde son esprit critique et qu'il conserve un certain humour, afin de ne pas devenir un dévot béat qui attend une révélation de la part de ses maîtres. Ainsi, au départ, dès le commencement du voyage, il doit savoir que la Parole Retrouvée ne pourra "se dire". Elle sera montrée, sortie d’une boite, sous l’égide de la rose, sous forme d’initiales, qui sont le Symbole du MOT et non Le MOT lui-même, enfin décrypté.

Bien des années après sa réception, l'initié se souviendra toujours de la minute où, sortant de la nuit, il a eu la vision du temple en recevant la lumière. Il comprendra alors que l'initiation ne subsiste que par l'attention qu'il porte à son propre secret et que le secret véritable est inaccessible par une approche individuelle strictement intellectuelle. Le véritable sens du secret est lié à une recherche de la vérité fondée sur un vécu personnel qui ne peut être ni transmis, ni publié. C'est pourquoi, ceux qui refusent de fournir les éléments susceptibles d'éclairer la perception intellectuelle du phénomène initiatique ont sans doute beaucoup moins le sens du secret qu'un goût certain pour la dissimulation.

Connaître, ce n'est point démontrer ni expliquer. C'est accéder à la vision. Mais pour voir, il convient d'abord de participer ... Cela est un dur apprentissage. C'est pourquoi on cherche toujours "des hommes - et des femmes - de bonne volonté". Car dans le propos de la franc-maçonnerie initiatique, il y a ce risque fou, pris sans doute sans que chacun en mesure bien la portée : créer, construire une religion sans église, vivre une fraternité fondée sur les grandes vérités humaines, créer une communauté qui ne repose plus sur le combat pour le pouvoir, sur l'entreprise dominatrice, sur la volonté de primer, mais sur la joie d'être et l'exaltation des modalités généreuses de l'être. Qui a mesuré la force de libération de cette révolution métaphysique ? Etre un saint sans dieu, disait Camus ... Y a-t-il une gageure plus redoutable, plus libératrice et plus exigeante à la fois ?


Maj 19 10 09 - GA - L0

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28 février 2008 4 28 /02 /février /2008 11:03

"La morale n'a pas changé ...
"Ce qui a changé, c'est qu'on ne l'enseigne plus"...
 


Ethique et morale

Les termes "éthique" et "morale" désignent ce qui a trait aux mœurs, au caractère, aux attitudes humaines en général et, en particulier, aux règles de conduite et à leur justification. On réserve plutôt, sans qu'il y ait accord sur ce point, le terme "éthique" au problème du fondement de toute morale et à l'étude des concepts fondamentaux, tels que bien et mal, obligation, devoir, et le terme "morale" à l'analyse des phénomènes moraux concrets. La morale apparaît d'abord, et légitimement, comme le système des règles que l'homme suit (ou doit suivre) dans sa vie aussi bien personnelle que sociale.

Vus ainsi, le problème moral et les problèmes de la morale, constituent le centre de toute réflexion, puisque toute entreprise humaine, est soumise à la question de savoir si elle est justifiée ou non, nécessaire, admissible ou répréhensible, en accord avec les valeurs reconnues ou en contradiction avec elles. Mais, puisque ces règles ne sont pas les mêmes pour différents individus, époques, civilisations, sociétés, la question se pose de savoir comment découvrir un vrai bien et une vraie morale, en niant l'existence d'une morale absolument vraie et, partant, universelle, en ce qu'elle obligerait tous les êtres humains.

Nous proposons donc, pour distinguer entre "éthique" et "morale", de réserver le terme d'éthique pour tout le questionnement qui précède l'introduction de l'idée de loi morale et de désigner par morale tout ce qui, dans l'ordre du bien et du mal, se rapporte à des lois, des normes, des impératifs.

La vie morale

Il n’y a pas une morale, mais des morales, l’ensemble des morales constitue la moralité, c'est à dire le champ philosophique de toutes les morales. La première moralité étant d’ailleurs de vouloir et d’accepter une morale. Car le terme de morale fait l’objet de définitions différentes selon le point de vue à partir duquel on envisage les choses. 

D’un point de vue déontologique ou opératoire, une morale est constituée par un ensemble de références qui permettent, tout d’abord, d’opérer la distinction entre le bien et le mal, ensuite de fournir à l’homme des règles de conduite pour sa vie quotidienne, enfin, de mieux vivre ensemble.

La vie morale de l’homme a ainsi trois caractéristiques. Tout d’abord, elle s’exerce à la fois dans les domaines de la réflexion et de l’action : "Agis en homme de pensée et pense en homme d’action" - Henri Bergson. Ensuite, la vie morale concerne l’individu et vise le collectif. Enfin, la vie morale conjugue des règles générales et leur mise en pratique quotidienne. Elle ne se borne pas à la définition de grands principes, mais consiste essentiellement à leur mise en application dans chaque moment de la vie de tous les jours.

La crise morale
 

Face à la double crise morale de notre société : crise des fins (perte des valeurs de référence) et crise des moyens, il serait dérisoire de gémir sur la faillite de nos institutions. La société ne prétend plus à l’éducation. Elle produit et distribue des biens et des services et ne réclame en échange qu’un simple bulletin de vote au citoyen, au moment de la formalité démocratique des élections. Elle ne forme pas, elle désinforme. Les partis politiques sont devenus la forme moderne de l’esclavagisme, un esclavagisme mental. Les religions chôment.

Le constat sur l’école est terrifiant. Un enchaînement de bonnes intentions et de calculs intéressés, a délité, en une trentaine d’années, ce qui fut l’un des meilleurs systèmes éducatifs au monde et qui, de l’aveu même de son ministre actuel, "est devenu un système éducatif qui génère de l’exclusion". Ceux qui sont nés dans la rue, désormais y restent, avec les conséquences que l’on connaît. Les médias, (presse, télévision, Internet), la "jet-set", la mode, sont les vecteurs et les modèles de l’aliénation mentale de l’homme, en démontrant par l’absurde la primauté de l’argent et du pouvoir - Avoir - ainsi que celle de l’apparence - Avoir l’Air, le mannequin brésilien Ana Reston meurt d’anorexie à 18 ans - sur l’existence véritable - Etre

Faut-il proposer une nouvelle morale ?

"La morale laïque, c’est-à-dire indépendante de toute croyance religieuse préalable et fondée sur la pure idée du devoir, existe ; nous n’avons point à la créer. Elle n’est pas seulement une doctrine philosophique ; elle est devenue, depuis la Révolution française, une réalité historique, un fait social, car la Révolution, en affirmant les droits et les devoirs de l’homme, ne les a mis sous la sauvegarde d’aucun dogme. Elle n’a pas dit à l’homme : Que crois-tu ? Elle lui a dit : Voilà ce que tu vaux et ce que tu dois ; et, depuis lors, c’est la seule conscience humaine, la liberté réglée par le devoir, qui est le fondement de l’ordre social tout entier". Jean Jaurès - 1892.
 

A l’existence de Dieu près, la morale enseignée alors par le curé était la même que celle enseignée par l’instituteur socialiste. Elle était alors porteuse de valeurs potentiellement universelles, comme le progrès, la dignité, la solidarité. Elle comportait toutefois une part aveugle, une part d’impensé : l’égalité politique entre les hommes et les femmes, le suffrage universel pour les femmes, la critique à l’égard de l’Etat républicain, la valeur morale suprême de "mourir pour la patrie", qui a servi à gagner une guerre, dont les souffrances qu’elle a suscitées ou permises, ont épouvanté les Français. Aujourd’hui, nous sommes entrés dans une période où la morale n’a pas disparu, mais est devenue une morale d’instinct et d’émotion plus que de raison.

Une première réflexion pourrait être menée du côté d’un élargissement de l’universalisme des connaissances enseignées. Une autre réflexion pourrait être menée à propos de la manière trop rigide avec laquelle on aborde le rapport connaissance - croyance. Il est certain que nous vivons une situation difficile qui tient aussi à la fin des certitudes et à la fin des croyances qui soutenaient l’éducation laïque. S’agissant de l’islam, il semble que nous vivons aujourd’hui une situation de fascination stigmatisante qui nourrit les fantasmes de la peur, d’un côté comme de l’autre. Et la situation du professeur Redeker, montre bien que la société s’est endormie sur l’idée que la liberté était un bien définitivement acquis.

Alors, une Morale Laïque nouvelle ou adaptée est-elle souhaitable ? La réponse est Non ! Si on en fait une Religion Civile. Non ! Si le "droit de l'hommisme" devient une caricature des Droits de l'Homme. Non ! Donc, si la Laïcité devient une orthodoxie, avec ses fonctionnaires installés. Car la Morale Laïque ne peut être un orthodoxisme. Mais, en tant que source morale, libérale et démocratique, elle peut constituer l'une des meilleures chances de solutions à offrir pour l'instauration d'une société ouverte et pluraliste. La réponse est donc : Oui, si la crise actuelle sait déboucher sur un nouveau Pacte Laïque qui permettrait le mariage des différences, tout en préservant l'Unité de la Nation.

Fondements d’une morale laïque

Le concept d’une Morale laïque ne va pas de soi, puisqu’il est défini par deux mots qui sont de nature très différente. Le mot "laïque" est d’ordre institutionnel et juridique. Il se réfère à ce que l’homme fait. Le mot "morale" est d’ordre philosophique et concerne ce que l’homme est derrière ce qu’il fait et qu’il extériorise. Il semble toutefois possible de définir le contenu d’une Morale Laïque qui serait, à partir d’un ensemble de notions institutionnelles et juridiques, un état d’esprit, déterminant les conduites à tenir.

Il deviendrait dès lors possible d’envisager que ces notions et les règles qui en découlent deviennent une Morale. La devise de la République est : Liberté, Egalité, Fraternité. La morale laïque que nous proposons, considérée comme une morale parmi d’autres, se fonde naturellement sur ces trois valeurs essentielles pour distinguer ce qui est bien et ce qui est mal, en permettant la libre existence de l'Individu, tout en assurant la cohésion sociale.

L’Individu

La première valeur de base est l'Individu : "Agis de telle sorte que tu traites l’humanité comme une fin et non comme un moyen" - Kant. Il s’agit bien là d’un fondement commun à toutes les morales contemporaines, où l’individu est considéré comme une fin et non simplement comme un moyen. C'est l'affirmation "du caractère sacré de la Personne humaine, de la primauté absolue de l'Individu" - Emile Durkheim. Tout être humain possède des droits imprescriptibles et sacrés (Constitutions de 1958 - Droits de l’Homme de 1789).

La Morale Laïque est donc un Humanisme, au sens donné par Albert Memmi : "L’Homme d’abord, tout l’Homme, tous les Hommes", mais pas au sens de l’Union Internationale Humaniste et Ethique, pour laquelle l’Humanisme est une attitude de vie non-déiste (Pays Bas). L'Egalité signifiant que nous sommes "Tous uniques, tous différents, tous égaux". Dans la devise républicaine, la primauté de l'Individu correspond au mot : EGALITE.


Le Libre Examen

La deuxième valeur de base est le Libre Examen. L’article X de la déclaration des Droits de l’Homme de 1789 dit que : "Nul ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi". Chacun dispose donc d'une Liberté absolue de penser. "Contraindre cette Liberté est une injustice, la supprimer est un sacrilège" - Rabaud Saint-Étienne. L’autonomie de chacun constitue un impératif fondamental :
"Agis en toute circonstance de manière à cultiver l’autonomie d’autrui et la tienne se développera en même temps" - Jean-François Malherbe (1987).

Le Libre Examen refuse le principe d'autorité ainsi que tout dogmatisme qui impose une fois pour toute, ce qui est vrai, ce qui est bien, ce qui est beau. Le Libre Examen est la base de la liberté absolue de conscience qui fonde l'autonomie de l'homme. Dans la devise républicaine, il correspond au mot : LIBERTE

"Ce qu'il faut sauvegarder, ce qui est le bien inestimable conquis par l'Homme à travers tous les préjugés, toutes les souffrances et tous les combats, c'est cette idée qu'il n'y a pas de vérité sacrée, c'est à dire interdite à la pleine investigation de l'homme, c'est cette idée que ce qu'il y a de plus grand dans le monde, c'est la liberté souveraine de l'esprit ; cette idée que, dans l'univers, l'humanité est une grande commission d'enquête dont aucune intervention gouvernementale, aucune intrigue céleste ou terrestre ne doit jamais fausser ou restreindre les opérations, cette idée que toute idée qui ne vient pas de nous est un mensonge ; que jusque dans les adhésions que nous donnons, notre sens critique doit toujours rester en éveil et qu'une révolte secrète doit se mêler à toutes nos affirmations et à toutes nos pensées". Jean Jaurès – 1895 – Discours à la Chambre des Députés.

La Cohésion Sociale

La troisième valeur de base est la Cohésion Sociale. La Laïcité a permis de fonder et de cimenter la République Française en créant un lien social qui n’était plus de nature religieuse. Et ce lien devenait beaucoup plus fort si, au-delà d’une valeur législative, il constituait une valeur morale. La Cohésion Sociale se fonde sur la tolérance réciproque et le respect mutuel, instituant la primauté de certaines valeurs du groupe devant lesquelles doivent s'effacer les exigences individuelles.

D’après Régis Debray : "La démocratie est la libre expression de tous les individualismes et de tous les communautarismes. La République est de même nature, mais l’individu s’efface à l’occasion au profit du groupe". Il s'agit donc d'un juste équilibre entre les Droits et les Devoirs de chacun. La Morale Laïque est ainsi une Morale du Devoir. Elle n’est pas une morale du plaisir. La Cohésion Sociale est le fondement du mieux vivre ensemble. Dans la devise républicaine, elle correspond au mot :
FRATERNITE.

Principes d’une Morale Laïque

Une Morale Laïque n'a pas à trancher la question de savoir si la conscience morale de l'homme est d'origine naturelle ou divine. Elle doit être "agnostique". Une Morale Laïque doit être fondée sur la Raison, en se référant au progrès scientifique qu'elle doit intégrer à son profit. Ce qui peut lui permettre de constater l'absurdité du racisme et l'immoralité de l'utilisation des pratiques irrationnelles, notamment lorsqu'elles constituent une violation du Respect de l'Individu. Elle doit être "rationnelle". Tout est en devenir.

Une Morale Laïque doit manifester une large ouverture d'esprit et conserver une grande modestie. Les choses valent ici et maintenant. Leur portée universelle est incertaine. Elle doit être "dynamique". En considérant comme principe l'Egalité des sexes et comme valeur de base le fait que l'être vivant est sexué, l'excision, par exemple, ne peut être admise. Une Morale Laïque s’autorise donc à considérer que toutes les cultures ne sont pas acceptables, puisque certaines ne sont pas objectivement défendables.

Elle doit être "équisexe". Considérant l’Individu et la Paix comme des valeurs fondamentales, une Morale Laïque est non violente. L’absence de laïcité se manifeste largement dans le monde par l’exaspération des communautarismes qui transgresse l’interdiction de l’utilisation de la violence dans les rapports sociaux. Une Morale Laïque doit donc être "pacifiste". Elle se fonde sur la primauté de l'Etre Humain et non sur celle de l’environnement. L’homme s’occupe de la nature, qui passe toutefois après lui-même. " Le sacrifice d’un ours polaire pour nourrir une famille d’esquimaux est légitime. Le sacrifice d’un ours polaire pour vêtir une parisienne est immoral " - Hubert Reeves. Plus qu'écologiste, une Morale Laïque doit donc être "Environnementaliste".

Enfin, une Morale Laïque doit être "tolérante", mais non complaisante : La complaisance consistant à tolérer l'intolérance ou la dialectique des intégristes, qui fondent leur liberté sur la tolérance de leur intransigeance par les autres : "Tout ce qui est à moi est à moi et tout ce qui est à toi est négociable". Une Morale Laïque doit donc être vigilante et fondée sur l'exigence d'une réciprocité. "Pour être ordinairement ouverte et libérale, la Laïcité doit savoir se montrer à l'occasion combative : il n'y a pas opposition mais complémentarité entre ces deux aspects" - Jean Baubérot. Car, la tolérance peut être une arme létale contre l’intelligence.

Conclusion : La morale n’a pas changé

Ce n’est pas la révolution qui est à réinventer. Elle s’accomplit, puissamment, mais pas comme le conçoivent les révolutionnaires : un moment exalté de l’histoire. C’est l’éducation qui est à réinventer. Une éducation qui permette à l’homme de conquérir et d’aimer sa liberté, de découvrir librement les valeurs permanentes qui fondent notre existence et notre société. Au fond, la morale n’a pas changé. Ce qui a changé, c’est qu’on ne l’enseigne plus.

Toute la richesse de la solidarité s’est perdue en la transformant en assistance, avec tout ce que cela peut comporter de paternalisme. Le rapport à la médecine a complètement changé aussi. Elle qui prolongeait la vie est suspecte aujourd’hui de prolonger la mort. Il reste cependant impératif d’éviter que les religions prétendent imposer des normes à la société civile. Il faut conserver une extrême vigilance, notamment au regard de l’Europe, car il y a des pays comme l’Allemagne dans lesquels l’église surplombe la société civile.

Il faut donc que soit clair, pour tous, le principe d’une diversité de réponses possibles aux questions de sens et que les religions ne sont pas les seules détentrices des réponses à ces questions.

 

MAJ 30 11 2010  *

 

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28 février 2008 4 28 /02 /février /2008 05:00

Vous ne toucherez jamais avec trop de scrupules à cette chose délicate et sacrée qu'est la conscience de l'enfant ... " Jean Jaurès - circulaire aux instituteurs -

JeanJauresLe refus par l'Etat de toute sujétion envers les églises équivaut au sens large à la laïcité. La doctrine de la laïcité de l'Etat a pris naissance en France où elle a été élaborée de la manière la plus systématique et la plus  homogène. Elle s'est développée principalement face à l'église catholique à cause de la centralisation et de la rigueur des dogmes de cette église. Mais si l'Etat ne sourait abandonner la sauvegarde de l'ordre public, la conscience personnelle ne saurait, elle, abdiquer devant César. Antigone et Créon en ont témoigné chacun pour son compte.

Le gallicanisme

C'est Jésus Christ qui, le premier, pose le principe de la distinction entre les domaines spirituel et temporel : "Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu". Mais César refuse de reconnaître son incompétence en matière spirituelle et les chrétiens sont persécutés pendant trois siècles. En 313, Constantin reconnaît la liberté du culte et en 380, Théodose se convertit au christianisme. Par décret impérial, Jésus est proclamé seul et unique fils de Dieu et le christianisme devient, par l'édit de Thessalonique, la religion officielle de l'Empire …

Devant l'effritement de l'Etat, l'église, seule force de cohésion du Moyen Age, implante alors son emprise sur le temporel. Mais le Prince proteste et l'affrontement est parfois violent. La lutte entre le sacerdoce et l'empire connaît de nombreux épisodes et les conflits entre le pape et le Roi de France commencent en 1300 avec Philippe le Bel.

C'est à partir de cette époque que l'on commence à parler des libertés de l'église "gallicane" dont les règles font que le Roi de France a une autorité de fait, sinon de droit, sur une église elle-même désireuse de s'affranchir de l'autorité pontificale. Les oiseaux de l'Ile sonnante de Rabelais - Papegaut, né des Cardingaux, des Evêgaux, des Prêtregauts, eux-mêmes nés des Clergaux, oiseaux migrateurs venant de l'autre monde - en sont un exemple typique dans la littérature de la Renaissance.

La révolution française, avant d'être irréligieuse, est avant tout gallicane. Le flambeau est vigoureusement repris par Napoléon. Et il faut se replacer dans l'atmosphère du temps pour mesurer ce que comportait de nouveau le concordat conclu par Pie VII avec Bonaparte. Par la reconnaissance du gouvernement consulaire, ce traité rompait l'alliance séculaire de l'église et de la monarchie légitime : Bonaparte, élu par le peuple, se trouvait légitimé, et, par là, étaient consacrés les principes de 1789 sur l'origine de l'autorité de la nation. Pendant tout le XIXème siècle le gallicanisme continue à se manifester.

La séparation des églises et de l'Etat

Dès le XVIème siècle, une réaction de tolérance se manifeste contre les abus de l'église, à qui l'Etat ne refuse pas, à l'occasion, l'appui de son bras séculier. Mais une équivoque marque cette campagne. On y trouve le meilleur et le pire : souci authentique du respect de l'homme, mais aussi irreligion et discrimination entre les hommes. Voltaire proteste courageusement dans l'affaire Callas, mais il veut "écraser l'infâme". On définit d'Alembert comme un fanatique à rebours. La Déclaration des Droits de l'Homme est tolérante et libérale : "nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses" (article 10).

Mais l'irréligion l'emporte assez rapidement. La persécution s'abat sur le clergé. Les massacres de septembre 1792, les cultes de la Raison et de l'Etre Suprême sont une véritable entreprise de déchristianisation qui finit par s'arrêter, par lassitude des uns, écœurement des autres. Le christianisme a survécu. Mais l'irréligion n'est pas morte et l'attitude de la papauté par ses dogmes et ses encycliques, ne cesse de lui fournir des armes.

Suite à la rupture des relations diplomatiques entre la France et le Vatican, et à la dénonciation du concordat, la loi sur la séparation des églises et de l'Etat est votée le 9 décembre 1905. Il n'y a plus, désormais, de cultes "reconnus" avec statut privilégié de droit public et les églises sont soumises au droit commun des activités et institutions privées.

Deux conceptions irréductibles

ClemenceauDès l'installation de la Troisième République, ce sont des "laïques" - le terme commence à être employé - qui conserveront la majorité au Parlement et exerceront longtemps le gouvernement : Gambetta, Jules Ferry, Clemenceau, Waldeck-Rousseau, Combes, Viviani, qui sont en communion d'idées entre eux et avec des penseurs comme Lavisse, Buisson, Littré, Fouillée, Macé.

La franc-maçonnerie, initialement "déiste", se laïcise très largement à cette époque et devient propagandiste de l'idéologie laïque. Sa conception de la laïcité - qu'on appelle aujourd'hui le laïcisme - a pour constante essentielle l'anticlériaclisme avant tout. C'est à dire l'hostilité de principe au clergé avec, chez certains, des nuances rationalistes, positivistes, scientistes et athées.
Mais il ne s'agit pas d'une doctrine personnelle à ceux qui la professent. On veut en faire la doctrine officielle. La République, comme telle, doit être laïque. "L'idée laïque renferme une conception philosophique qui porte sur l'indépendance et la capacité de la raison". Et c'est cette conception que la République doit faire triompher.
Clémenceau
Elle ne peut y réussir qu'au détriment du Christianisme. Viviani dit en 1906 : "Nous nous sommes attachés à une œuvre d'irréligion. Nous avons arraché la conscience humaine à la croyance. Nous avons éteint, dans le ciel, des lumières qu'on ne rallumera pas". Il se trompait sur le résultat mais le but poursuivi était clair. Ainsi, peu à peu, inexorablement, un nouveau dogmatisme s'est substitué à l'ancien et deux conceptions deviendront désormais irréductibles l'une de l'autre.

L'école Laïque

JulesFerry.jpgPour instaurer la laïcité, on se sert des institutions, en instituant la laïcisation de l'école et la séparation des églises et de l'Etat. "La guerre entre nous n'est pas dans les chemins creux. Elle est dans l'école", dit Clemenceau. "La neutralité de l'école a toujours été un mensonge", dit Viviani qui ajoute : "Nous n'avons jamais eu d'autre dessein que de faire une université antireligieuse, de façon active, militante et belliqueuse".

Le père de l'école laïque, c'est Jules Ferry (lois de 1882 et 1886). Il pourchasse les congrégations religieuses et s'écrie : "Il faut choisir, citoyens. Il faut que la femme appartienne à la science ou à l'église". Et il confie à Jean Jaurès : "Mon but, organiser l'humanité sans Dieu". Pourtant, l'école qu'il institue est neutre : "Vous ne toucherez jamais avec trop de scrupules à cette chose délicate et sacrée qu'est la conscience de l'enfant ..." - dit-il dans une circulaire célèbre aux instituteurs qui, dans leur immense majorité, suivent cette ligne de conduite.

Le libre exercice des cultes

La séparation des églises (catholique, en particulier) et de l'Etat, est dans la doctrine de "l'église laïque". Combes voit en elle : "Le terme naturel et logique du progrès à accomplir vers une société laïque, débarrassée de toute sujétion cléricale". Pour Arthur Ranc, cette séparation n'est qu'un moyen. Le but final, c'est la sécularisation complète de l'Etat par l'anéantissement du pouvoir de l'église. Pour Fernand Buisson :
"Il s'agit de détacher de l'église la Nation, les familles, les individus".

L'apogée de l'anticléricalisme français est atteint en 1904, avec Combes qui vient de s'illustrer dans l'application, aux congrégations, de la loi de 1901, avec un sectarisme méprisable et attristant. Cependant, le projet (très combatif) de séparation des Églises et de l'État rédigé par Combes n'aboutit pas. Après son départ du ministère, Aristide Briand est l'artisan de la loi qui est votée, le 9 décembre 1905. Elle contient, au contraire, des dispositions libérales : respect de la liberté de conscience, du libre exercice des cultes et de l'organisation interne des religions (bien que la structure hiérarchique du catholicisme soit considérée par certains laïques comme antirépublicaine), mise à la disposition gratuite des différents cultes, d'édifices religieux publics.

 Mais la République ne reconnaît plus aucun culte, et il n'est plus question que tel ou tel d'entre eux bénéficie de fonds publics (sauf pour de rares exceptions). Et le dialogue, s'il y en a un, sera désormais un dialogue de sourds entre des dogmatismes inconciliables. Car, si le christianisme a survécu, la "foi laïque" n'a pas déposé les armes.

Une idée neuve pour le XXIème siècle

Dans le respect de l'héritage du légitime combat pour la laïcité, la question qui se pose aujourd'hui est la suivante : au début de ce nouveau millénaire, devant l'explosion technologique et les mutations inéluctables de la société, devant le terrorisme intégriste qui menace nos démocraties, la laïcité doit-elle garder le masque de ses meilleurs combattants, dans les aspects les plus caricaturaux de leur intolérance et de leur sectarisme ? La liberté absolue de conscience permet à chacun de bien réfléchir à cette question, avant d'y apporter sa propre réponse, en restant, en tout état de cause, responsable de ses objectifs.

Car la laïcité reste le seul dénominateur commun des différentes conceptions de la Démocratie. Ne pourrait-on alors considérer que le véritable combat ne se situe plus aujourd'hui dans les chemins creux des vieilles querelles de la guerre scolaire ? Que les conciles définissent la foi religieuse, édictent leurs dogmes et proclament leurs excommunications. Que la défense de la laïcité s'attache à définir et à promouvoir les principes qui puissent rassembler toutes les forces vives des démocraties pour la défense des valeurs qui permettent de vivre.

La Laïcité reste donc une idée neuve pour le XXIème siècle. Lorsqu'elle sera vécue comme un humanisme tolérant, généreux, fondé sur l'amour des hommes, de tous les hommes, "Libres, Egaux et Frères", alors, la nouvelle "foi laïque" pourra constituer une réelle espérance pour l'avènement d'un monde meilleur.


 

MAJ 30 11 2010  *

 

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