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27 juillet 2008 7 27 /07 /juillet /2008 04:41

Dieu n'est pas une Invention ... C'est un Mythe ... La mythologie est l'écume du potage qui bout dans la marmite des sorcières. Il y a deux mille ans, la rupture annoncée par le cri : "Le Grand Pan est mort", a permis une avancée prodigieuse de notre savoir, de notre culture, de notre spiritualité. Et voici que deux mille ans après cette première annonce, surgit la seconde : "Dieu est mort", nous n'irons plus au bois, les lauriers sont coupés ... Tous les systèmes, toutes les idéologies, toutes les représentations, ne se construisent qu'avec les débris des dieux perdus. Et chaque religion n'est peut-être qu'un morceau du miroir brisé d'Aphrodite ...

Les mythes sont des récits dont les personnages sont des êtres surhumains. En grec, le Mythos désigne un récit imagé, qui s'oppose au Logos, le "Verbe", qui est un récit raisonné. Le mythe est donc le mensonge qui contient du sens. Il doit être l'objet d'étude sous la Rose et Compas en main. Il nous faut donc, si nous voulons devenir libres, choisir de devenir mythologues si nous ne voulons pas demeurer mythomanes ...

Pourquoi croit-on aux mythes ? Probablement pour trois raisons essentielles. D'abord, parce que s'ils sont absurdes au plan rationnel, les mythes dissimulent sous le voile de contes fantastiques des vérités profondes. Ensuite parce qu'il n'est pas rare que les mythes se fondent sur un événement historique réel, déformé par l'imagination populaire. Enfin, comme le souligne Julien Gracq, dans la préface du Roi Pêcheur, parce qu'on ne nous laisse plus ignorer aujourd'hui, que ce dont il est question dans les mythes, c'est essentiellement de notre époque avant toute autre.

Alors, comment aborder une approche des mythes avec un regard résolument tourné vers le futur ? ... Peut-être en se demandant pourquoi il est impossible d'éviter de réfléchir son propre portrait dans le miroir qu'est par définition un mythe. Car il n'existe aucun lecteur sérieux qui n'ait trouvé dans un mythe, autre chose que sa propre image. Voilà qui place le mythe au cœur du véritable étonnement philosophique, au chapitre des miroirs. Et le piège dans lequel le mythe prend tout lecteur, est qu'il ne nous permet pas d'échapper à l'autoportrait, du moins après avoir tenté de jeter un regard vers le miroir qui nous regarde. Car en fait, la véritable question est bien de savoir comment est monté un mythe en forme de miroir. Et l'on essaiera donc d'observer comment le miroir est construit en tant que lieu spéculaire des métamorphoses de notre propre moi symbolique, sans jamais oublier que le mythe ne s'exprime lui-même qu'en langage symbolique et que l’idéal ultime, en raison de la difficulté de sa réalisation, reste toujours lointain et indicatif.

La Quête est une notion fonctionnelle fondamentale dans le conte populaire et, dans le mythe, la Quête est accomplie par le héros, en vue de combler le manque caractéristique de la situation initiale. D'autres récits sont, d'un bout à l'autre, des quêtes sous des formes très variables (guerre, poursuite, voyage, méditation) en vue d'objectifs les plus divers : Toison d'or - pour les Argonautes, épouse - au début de la légende de Tristan et Yseut, secret - dans le roman policier, mais aussi la recherche de l'absolu - de Balzac, ou à la recherche du temps perdu - de Proust. La littérature médiévale offre un exemple particulièrement frappant de quête, dans le cycle romanesque immense consacré à la Quête du Graal liée, dès Chrétien de Troyes, à la matière arthurienne. La curiosité du lecteur est sans cesse détournée de l'histoire (on sait parfaitement d'avance comment tout finit) vers un sens qui n'est jamais donné en entier, sauf à Galaad - qui meurt dans l'extase du secret révélé. Quant à la littérature de la Renaissance, elle propose le "Cinquième et Dernier Livre des faits et dits héroïques du bon Pantagruel, auquel il est contenu la Visitation de l'Oracle de la Dive Bacbuc, et le Mot de la Bouteille, qu'afin d'en avoir communication, est entrepris tout ce long voyage - Livre nouvellement mis en lumière en 1564" - Fin de citation.

Jason, le chef de l'expédition de la Toison d'Or, fut le premier héros qui, en Europe, entreprit un long voyage. La portée générale, confirmée par tous les détails de l'histoire fabuleuse, se trouve déjà exprimée par la signification du nom des héros réunis : Argonautes, tous navigateurs, embarqués à bord de l’Argo, qui signifie le Vaisseau Blanc. Le blanc étant symbole de pureté, l'Argo devrait les conduire vers la purification. La nature de l'expédition se trouve encore plus clairement désignée par son but : la conquête de la Toison d'Or. L'or couleur est représentatif de la spiritualisation, tandis que la Toison, le bélier, est symbole de sublimation. La Toison d'Or à conquérir indique donc que le but symbolique de l'entreprise est la conquête de la force de l'esprit et de la pureté. La Toison d'Or est suspendue à un arbre, symbole de vie, et gardée par un dragon, symbole de pervertissement. Le héros doit "tuer le dragon" pour pouvoir s'emparer du trésor sublime.

Mais il se peut aussi que le héros s'empare du trésor sous sa signification perverse. Tel est le sens général qui peut se dégager du thème autour duquel sont concentrées toutes les images du mythe. Il faut cependant observer que pour Jason, qui se trouve à la tête de l'expédition, la conquête de la Toison d'Or n'est qu'une condition à remplir afin de pouvoir accéder au trône royal de son père. Et le dilemme essentiel sous-tendu par le mythe de la Toison d'Or est bien de savoir dans quel état d'esprit le héros exercera le pouvoir, lorsqu'il l'aura acquis. S'il trouve la signification sublime du trésor (s'il sait dominer la passion du pouvoir), son règne sera juste. Mais s'il ne trouve que la signification perverse du trésor, (s'il n'aspire au pouvoir que pour le pouvoir), son règne sera celui d'un tyran. Ainsi, de la réussite ou de la défaite du héros, dépend le sort du pays qu'il gouvernera, et ce pays est une représentation symbolique du monde entier. C'est donc le sort de l'humanité qui dépend de cette réussite ou de cette défaite.

Jason ne tente pas l'aventure seul, ce qui est à la fois assez exceptionnel et très significatif. L'Argo conduit les navigateurs vers Colchos, le pays de la Toison d'Or. Ils voguent sur la mer, symbole de vie, dont ils doivent toutefois affronter les dangers. Et après avoir surmonté bien des difficultés et évité tous les écueils, l'Argo accoste enfin à Colchos mais, présage funeste, une partie du gouvernail a été emportée. Le roi de Colchos exige, pour remettre la Toison d'Or à Jason, qu'il réussisse à atteler deux taureaux sauvages que nul n'a jamais pu parvenir à dompter et qu'il laboure ensuite un champ qu'il devra ensemencer avec les dents d'un dragon. Mais Jason, peu confiant dans ses propres forces, se lie avec Médée, la fille du roi, qui est magicienne, ce qui n'est en réalité qu'un calcul vulgairement utilitaire, pour surmonter sans risques les épreuves imposées par le roi. Et Jason ne tue pas en combat héroïque le dragon qui garde la Toison d'Or. Héros défaillant, il l'endort en utilisant un philtre préparé par Médée et parvient ainsi à se sauver en dérobant le précieux trophée.

Les images de la fin du mythe figurent le châtiment de Jason. Le symbolisme des travaux escamotés a servi à figurer l'attitude perverse qui caractérisera le règne de Jason. Après s'être servi de Médée, il l'abandonne et elle devient alors l'instrument fatal de sa punition, en tuant, de ses propres mains, les enfants de leur union. Jason, las de traîner son désespoir à travers le monde, vient un jour se reposer à l'ombre l'Argo. Mais il est écrasé par une poutre qui tombe de l'épave du navire qui aurait dû le conduire jusqu'à son idéal. Ainsi, Jason a voulu se reposer à l'ombre de sa propre gloire, croyant qu'elle suffirait à justifier sa vie entière ou à lui permettre d'en oublier les déboires passés et le vaisseau, symbole de l'espoir héroïque de sa jeunesse, devient alors celui de la ruine finale de sa vie. C'est en cela que l'on peut considérer le mythe de la Toison d'Or comme typique de la quête manquée.

"Ici, Tout est Symbole". Cette affirmation répétée au cours de la cérémonie de réception au premier degré est chargée de sens, parce qu'elle annonce la valeur de la démarche et celle du programme : la recherche du sens au delà de l’apparence. Après son apprentissage et son compagnonnage, le Franc-maçon médite sur la passion d'Hiram. Il apprend alors que les maîtres disposent pour se reconnaître d'un mot substitué, dont ils portent les initiales sur leur tablier et savent donc la Parole d'origine disparue. Plus tard, il comprendra le but de la démarche : la recherche de la Parole Perdue. La Parole est perdue pour ceux qui croient avoir tout vu, tout dit... Et qui disent "qu'il n'y a rien à voir". La Parole est effectivement perdue lorsqu'on n'est plus à même de produire une parole nouvelle à propos des symboles. Ceux qui croient en avoir épuisé le sens ont, en réalité, probablement atteint les limites de leurs propres moyens. Car le symbole est le langage du sens. Et le sens est ce qui génère des significations. Il faut aller du sens à la signification. Ainsi, la Parole Perdue est-elle toujours à retrouver et sa quête exige une remise en question permanente et douloureuse de toutes les certitudes acquises antérieurement ...

Toutes les traditions font allusion à un bien perdu ou disparu. Paradis ou Parole, quel que soit le bien, il est toujours porteur du même réseau de significations. Muni du mot substitué et désirant retrouver La Parole, le Maître Maçon explore les paysages proposés par les rites. Mais le voyage initiatique n'est accompli que par celui qui ne se contente pas de la parole substituée. Celui-là demande l’essentiel ... Encore faut-il qu'il garde son esprit critique et qu'il conserve un certain humour, afin de ne pas devenir un dévot béat qui attend une révélation de la part de ses maîtres. Ainsi, au départ, dès le commencement du voyage, il doit savoir que la Parole Retrouvée ne pourra "se dire". Elle sera montrée, sortie d’une boite, sous l’égide de la rose, sous forme d’initiales, qui sont le Symbole du MOT et non Le MOT lui-même, enfin décrypté.

Bien des années après sa réception, l'initié se souviendra toujours de la minute où, sortant de la nuit, il a eu la vision du temple en recevant la lumière. Il comprendra alors que l'initiation ne subsiste que par l'attention qu'il porte à son propre secret et que le secret véritable est inaccessible par une approche individuelle strictement intellectuelle. Le véritable sens du secret est lié à une recherche de la vérité fondée sur un vécu personnel qui ne peut être ni transmis, ni publié. C'est pourquoi, ceux qui refusent de fournir les éléments susceptibles d'éclairer la perception intellectuelle du phénomène initiatique ont sans doute beaucoup moins le sens du secret qu'un goût certain pour la dissimulation.

Connaître, ce n'est point démontrer ni expliquer. C'est accéder à la vision. Mais pour voir, il convient d'abord de participer ... Cela est un dur apprentissage. C'est pourquoi on cherche toujours "des hommes - et des femmes - de bonne volonté". Car dans le propos de la franc-maçonnerie initiatique, il y a ce risque fou, pris sans doute sans que chacun en mesure bien la portée : créer, construire une religion sans église, vivre une fraternité fondée sur les grandes vérités humaines, créer une communauté qui ne repose plus sur le combat pour le pouvoir, sur l'entreprise dominatrice, sur la volonté de primer, mais sur la joie d'être et l'exaltation des modalités généreuses de l'être. Qui a mesuré la force de libération de cette révolution métaphysique ? Etre un saint sans dieu, disait Camus ... Y a-t-il une gageure plus redoutable, plus libératrice et plus exigeante à la fois ?


Maj 19 10 09 - GA - L0

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